Le refus du travail de mémoire !
19 mai 2008
Par Guy Millière |
Me rendant, le 1er mai dernier, à Radio J, rue des Rosiers à Paris, où Michel Zerbib m’avait invité à m’exprimer, je suis passé devant le Mémorial de la Shoah. Les cérémonies organisées à la mémoire des victimes juives de la barbarie nazie avaient commencé, à Yad Vashem, la veille au soir. Le matin même, les sirènes avaient retenti dans tout Israël et la population s’était, comme chaque année, figée dans le recueillement.
Je trouve moralement inadmissible que ce soit en Israël seulement qu’on rende hommage et qu’on se souvienne des victimes, alors que dans les pays où le Crime s’est commis, on ne respecte pas même trente secondes de silence
Il y a pire. La rue Geoffroy L’Asnier, où se trouve le Mémorial, était condamnée, ce jour là, par des barrières de sécurité. Des policiers veillaient, mais aussi des agents de sécurité. Un rassemblement paisible de gens, venus entendre des noms, songer à des êtres humains assassinés de façon aussi effroyable pourrait-il tenter des agresseurs, donner des idées d’attentats ? Je sais, hélas, que la réponse est : oui.
Je sais aussi que la haine des antisémites se confond souvent désormais avec celle d’Israël, et que cette haine elle-même ne dit pas toujours son nom. C’est très tendance, en Europe, aujourd’hui, d’être « antisioniste ». C’est très branché de plaindre ces pauvres Palestiniens qui sont victimes des Juifs, bien sûr (ô pardon : des Israéliens), et pas du tout la proie de fanatiques ou de dirigeants crapuleux.
Je suis bien placé pour savoir que le sujet est quasiment tabou et qu’on ne peut remettre en cause les versions falsifiées de l’histoire du Proche-Orient, qui tiennent désormais le haut du pavé, qu’en prenant d’infinies précautions.
Mais personne ne m’empêchera de dire que je suis heureux, profondément heureux, qu’Israël fête, en ce mois de mai 2008, son soixantième anniversaire. Je trouve que ce qu’Israël a accompli en soixante ans est, au sens propre du terme, extraordinaire. Je pense avec une infinie tristesse à ceux que le Crime a broyé, et dont il ne reste rien. Je songe, avec une émotion qui me redonne confiance en l’espèce humaine, aux survivants qui se sont battus pour qu’Israël soit, et qui ont pu voir les accomplissements d’Israël.
Je vois, enfin, dans l’incapacité de tant d’Européens à regarder en face et jusqu’au bout la monstruosité de la Shoah et l’absolue légitimité de l’existence de l’Etat d’Israël un signe sombre. Un signe montrant que les leçons ne sont jamais retenues, que le combat pour la dignité de l’être humain est à recommencer chaque jour, et qu’il reste, décidément, beaucoup de chemin à faire pour l’Europe si elle et ses habitants entendent être à la hauteur des valeurs qu’ils prétendent incarner.
Il reste beaucoup de chemin à parcourir pour l’Europe…