La stratégie dissuasive d’Israël
Cette semaine, nous souhaiterions attirer l’attention de nos lecteurs sur l’intervention du général Amos Yadlin, chef du Service des renseignements militaires israéliens lors d’un colloque à l’université de Tel-Aviv lundi 17 novembre. Le général Yadlin a exposé les principaux enjeux stratégiques pour Israël et a présenté des prévisions plutôt optimistes sur la situation au Moyen Orient pour l’année 2009, sans toutefois écarter les risques d’escalades progressives, c’est-à-dire l’enchaînement d’attaques et de ripostes.
Selon le général Yadlin, les renseignements militaires, connus sous le nom d’« AMAN » jugent improbables un conflit majeur ou une guerre totale à l’initiative des pays arabes contre Israël l’an prochain. Son analyse n’est pas fondée sur les récentes déclarations exprimées par la Syrie au sujet de la paix avec Israël, mais sur la faculté de dissuasion israélienne qui serait à son plus haut niveau depuis 2000.
L’optimisme du général Yadlin est à prendre au sérieux. L’homme qui n’hésite pas à dénoncer avec vigueur les relations qu’entretient la Syrie avec le Hezbollah et l’Iran est un ancien général de l’Armée de l’air, ancien attaché militaire de l’ambassade d’Israël à Washington et il a personnellement participé à la destruction de la centrale nucléaire en Irak en 1981.
« Le triangle de la puissance militaire israélienne » serait l’élément le plus dissuasif. Les pays arabes modérés en particulier ne partagent pas l’avis de certains leaders belliqueux selon lesquels la défense israélienne serait fragilisée depuis la deuxième guerre du Liban. Les leaders arabes savent bien que malgré les erreurs stratégiques du commandement militaire israélien, l’arsenal militaire du Hezbollah a été en grande partie détruit au cours de l’été 2006, même si depuis, il a été reconstitué, et augmenté. Selon le général Yadlin, la force de Tsahal reste le premier atout de la sécurité d’Israël.
Les relations privilégiées avec les Etats-Unis constituent un deuxième atout pour Jérusalem. L’élection de Barack Obama peut changer l’image des Etats-Unis dans le monde musulman, et Washington sera sans doute demain un médiateur mieux accepté au Moyen Orient. Faut-il en conclure que les pressions sur l’Iran pour l’abandon de son programme nucléaire seront plus efficaces ? La prochaine administration américaine cherchera dans un premier temps le dialogue avec la République islamique, mais s’il n’aboutit pas, des sanctions sévères seront appliquées. En outre, la question du risque d’isolement de Téhéran, déjà menacé par la crise et la chute du cours du pétrole, sera sans doute un enjeu important des prochaines élections iraniennes.
Troisième atout israélien : les informations publiées par les médias étrangers concernant les « capacités stratégiques d’Israël », c’est-à-dire sa puissance nucléaire. A l’évidence, ces informations sont dissuasives, mais elles font réagir les seuls pays extrémistes qui dénoncent un danger pour la sécurité dans la région, et justifient ainsi le fait qu’ils se dotent à leur tour d’un programme nucléaire.
Or c’est face au projet nucléaire iranien que les pays sunnites modérés ne cachent plus leur inquiétude voire leur réticence.
Il n’en reste pas moins que des risques d’escalades existent et pourraient mettre en cause la sécurité dans la région. Gaza reste un modèle du genre. Gaza est bien un bastion ou un refuge du terrorisme. Le Hamas y contrôle un régime autoritaire et emprunte aux dictatures ses méthodes sanguinaires. Les militants du Fatah de Mahmoud Abbas y ont été décimés, leur présence interdite. Trop nombreux sont ceux qui nourrissent l’illusion qu’un dialogue est possible. Trop nombreux sont ceux qui se représentent encore le conflit entre Israël et le Hamas comme la continuité ou la résurgence du conflit entre Israéliens et Palestiniens. A commencer par le Haut Commissaire aux Droits de l’Homme qui n’a pas hésité à publier un communiqué qui appelle Israël à mettre un terme immédiat au siège de la bande de Gaza et à reprendre l’alimentation en eau et en électricité.
Le Ministère israélien des Affaires étrangères a vivement réagi par la voie de son représentant aux Nations-Unies à Genève. En effet, l’eau et l’électricité n’ont pas été coupées à Gaza par les Israéliens, alors que les tirs de Qassam et autres obus de mortiers n’ont pas cessé cette semaine sur le Néguev occidental.
D’ailleurs, on peut considérer que l’attitude d’Israël face au Hamas fait partie intégrante de sa stratégie dissuasive ; d’autres « fronts » terroristes pourraient demain s’ouvrir en Judée-Samarie.
Il s’agirait non seulement de combattre d’autres foyers de résistance à la paix, mais aussi d’empêcher que se développe une propagande victimaire plus difficile encore à maîtriser.
Face aux « menaces d’escalades », Israël continue de promouvoir la paix. Samedi 22 novembre, le Président de l’Etat d’Israël sera anobli par la Reine d’Angleterre, après avoir prononcé la veille un discours devant les deux chambres du Parlement britannique.
Symbole de la paix, Shimon Pérès a choisi d’adopter un discours réaliste. Jeudi 20 novembre, il a affirmé que le Plan de paix que proposent les Saoudiens n’est pas parfait, notamment parce qu’il ne prend pas en compte les « revendications religieuses juives ». Ce plan, qui prévoit la normalisation des pays arabes avec Israël en échange d’un retrait des territoires conquis en 1967, pourra servir de base à des pourparlers, tandis que les négociations engagées avec les Palestiniens se poursuivent.
Mardi 18 novembre, Ehoud Olmert a annoncé qu’il libérera 250 prisonniers du Fatah « qui n’ont pas de sang sur les mains », à l’occasion de la fête de l’Aïd. Si cette décision a pour but de renforcer les modérés palestiniens, Noam Shalit considère qu’elle n’aide en rien la libération de son fils, puisque toutes les libérations de prisonniers palestiniens n’ont fait qu’augmenter le prix réclamé par le Hamas en échange de Guilad.
Ce soir, nous pensons à Guilad Shalit, soldat de Tsahal et citoyen français, détenu par le Hamas depuis 881 jours.
A la semaine prochaine,
Guy Senbel.
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