COMMÉMORATION. Le principe des séculaires Fêtes de Jeanne d’Arc – 579ème édition cette année – est simple. Vous prenez des élus du peuple, des notables locaux, les représentants du clergé, des militaires, des magistrats, quelques scouts d’Europe, des militants associatifs, une jeune fille de bonne famille pour représenter Jeanne, un invité d’honneur (cette anne, Rachida Dati) et vous secouez. Voilà, le cocktail est prêt à être servi à une impressionnante foule massée derrière des barrières et sous un soleil de feu. Ici, on commémore la libération de la ville par la Pucelle. C’était le 8 mai 1429. (Lire la suite…)
Au commencement, il y a les discours. Durant la courte conférence de presse qui a précédé la cérémonie, Rachida Dati avait prévenu, agacée : «Il n’y a pas de comparaison à faire entre Jeanne d’Arc et moi». Hélas, une grande partie du discours de Serge Grouard, maire de la ville, a tourné autour de cette comparaison malheureuse. Morceaux choisis : «(…) hommage d’une femme de décision à une femme d’action (…) de la France multiple et diverse d’aujourd’hui, à la France d’hier» ; «comme Jeanne d’Arc, vous avez grandi loin des ors de la République et comme elle, vous êtes aujourd’hui, en étant garde des sceaux, au cœur de l’état».
Et cet impayable hommage à la campagne du duo Sarkozy-Dati : «Avec Jeanne d’Arc, tout est possible !».
Après ces brèves allocutions, tout ce qu’Orléans compte de personnalités s’est lancé à la conquête de la ville. Au programme, poignées de mains, salutations distinguées et sourires de rigueur. Pour Rachida, le choix était simple : elle ne s’avançait vers le public que si un petit groupe scandait son prénom, les yeux écarquillés. La garde des sceaux confirmait là une réputation tenace. Pas de prises de risque ; pas envie d’avoir à traiter un badaud gauchiste de «pauvre con !». Pendant ce temps, sur le parcours, les commentaires du public allaient bon train : «Attention, garde à vous, voilà les huiles !» ; «elle parle bien cette Rachida Dati», «ben tu parles, elle est pas avocate pour rien !» ; «faut pas passer pieds nus derrière les chevaux, ils ont fait leurs besoins…».
Ainsi vont les Fêtes Jeanne d’Arc. Des grandiloquents «l’Histoire de France a quelque chose d’un roman grandiose ou peut-être est-ce une tragédie» servi par un Serge Grouard grimé en Malraux, aux contemplations du fumier chevaleresque et fumant.
Mourad Guichard