3 novembre - Saint Hubert de Liege,
Évêque de Tongres-Maastricht-Liège et patron des chasseurs (✝ 727)
La noblesse, la sainteté, le zèle apostolique et le don des miracles ont rendu ce grand homme un des plus illustres évêques de l'Eglise Indivise. L'Aquitaine le reconnaît pour un de ses anciens seigneurs ; la plus ancienne lignée des rois de France, pour un de ses princes, et le pays des Ardennes, pour un de ses Apôtres. Il eut pour père Bertrand, que Molanus et Baronius font duc d'Aquitaine, et que quelques autres font descendre de Clotaire Ier, roi des Francs, et pour mère Hugberne, ou Afre, soeur de sainte Ode, noble comme son mari.
On l'éleva dans les lettres et dans tous les autres exercices d'une personne de sa qualité, et il y devint si adroit, qu'il était estimé comme un des jeunes seigneurs les plus accomplis du royaume.
Lorsqu'il fut en âge de paraître à la cour, ses parents l'envoyèrent à celle de Thierry III, fils de Clovis II ; il s'y rendit si recommandable par sa prudence, son honnêteté et ses manières agréables, qu'il mérita d'être élevé à la dignité de comte du palais. Cette haute fonction lui fournit l'occasion de montrer la sagesse et la probité qui le distinguaient et qui l'élevèrent bien haut dans l'estime de ses compagnons de cour. Ici encore il fut témoin des plus beaux exemples de piété, d'abnégation et de dévouement.
Plusieurs de ces nobles seigneurs quittaient la cour, et renonçaient aux honneurs et à l'éclat du monde pour se vouer aux travaux apostoliques, ou devenir moines. Mais Hubert n'imita pas d'abord ces beaux exemples de vertu qu'il avait sous les yeux. Vivant à la cour, entouré des séductions qui en font un séjour si dangereux, même pour le plus sage, sa jeunesse fut enveloppée dans les troubles de ces fréquentes révolutions qui, grâce à l'indolence des rois fainéants, bouleversèrent si souvent le royaume de France, et permirent tantôt aux factions, tantôt à l'intrigue de se mettre au-dessus des lois.
Le jeune Hubert passa quelque temps à la cour de Thierry ; cependant la tyrannie du ministre Ebroïn rendit odieuse la domination du maître. Les sujets se révoltèrent et en vinrent jusqu'à déposer leur roi. Celui-ci ayant remonté sur le trône quelque temps après, Hubert passa encore plusieurs années à la cour de ce roi, son protecteur.
Là, sa vie, sans être celle d'un prince déréglé, se ressentit néanmoins du tumulte au milieu duquel il acceptait de vivre. A la vérité on ne remarquait pas en lui des vices grossiers ni des actes bien répréhensibles ; mais toute sa " religion " se bornait à observer ce que dictent les principes de la probité naturelle. Ses vertus étaient purement humaines : c'était dans le Christianisme un honnête homme selon le monde. Il ne connaissait pas encore cet esprit d'humilité pratique, d'ascèse et de prière qui est la base de la Foi Chrétienne, et sans lequel le Chrétien ne l'est que de nom et d'apparence.
Il aimait la chasse avec passion, et il y perdait un temps précieux qu'il aurait dû consacrer au service de Dieu. Il se livrait aveuglément aux plaisirs d'une vie mondaine, lorsque tout à coup le cruel Ebroïn s'échappe de sa prison, recouvre son pouvoir de maire du palais, et en exerce tyranniquement le pouvoir. Rien ne l'empêche de suivre ses mouvements d'avarice et d'oppression contre les grands et les évêques : il pille les églises et les couvents, et donne un libre cour à ses vengeances impies et cruelles.
Une sorte de migration, causée par les cruautés d'Ebroïn, s'établit de la Neustrie vers l'Austrasie. Pépin d'Herstal, qui exerçait dans ce dernier pays les fonctions de maire du palais, recevait les transfuges à bras ouverts. Le jeune comte Hubert, voulant se soustraire à la tyrannie d'Ebroïn, quitta la cour du roi de Neustrie, et se retira en Austrasie, auprès de Pépin, son parent, qui l'accueillit favorablement. Il lui donna des emplois et le créa grand-maître de sa maison.
Hubert dut suivre son protecteur dans les différents voyages qu'il faisait, tantôt à son château de Landen et de Jupille, et à sa terre d'Amberloux, tantôt dans les guerres qu'il avait à soutenir contre les princes, ses voisins ce qui donna à Pépin l'occasion de reconnaître la valeur du jeune Hubert. Il voulut alors qu'il s'établît dans le pays par les liens du mariage. C'est en effet vers cette époque (682), qu'eut lieu son mariage avec Floribanne, fille de Dagobert, comte de Louvain, princesse recommandable autant par ses vertus que par ses rares qualités.
Cependant Hubert, lancé dans la dissipation de la cour, continuait à se livrer aux folles joies d'une vie mondaine. Ce n'est pas qu'il manquât, à la cour, d'avis salutaires et d'exemples édifiants de piété chrétienne. Saint Lambert y prêchait avec force les saintes maximes de la Foi Chrétienne ; Plectrude, femme de Pépin, pratiquait les plus héroïques vertus : elle vivait, il est vrai, au sein des grandeurs ; mais elle avait à déplorer la vie criminelle de son mari, et tâchait de dissiper par des voyages et par son éloignement de la cour, les affronts qu'elle recevait à cause de la maîtresse de son mari, la belle mais ambitieuse Alpaïde, mère adultérine de Charles-Martel.
Il ne fallait rien moins qu'un coup extraordinaire de la grâce pour ramener Hubert d'une vie toute mondaine à une vie plus Chrétienne. Ce coup arriva. Dieu, qui avait sur lui des desseins secrets, et touché sans doute par les prières de tant de saints parents d'Hubert, l'arrêta dans la plus grande impétuosité de son aveugle passion. Il le transforma de chasseur d'animaux sauvages, en apôtre zélé qui devait porter la lumière de l'Evangile dans ces contrées mêmes, devenues le théâtre de ses vains amusements.
Ainsi, un jour de fête solennelle, que les fidèles s'assemblaient en foule dans les églises, pour y entendre la Parole de Dieu et y assister aux saints Mystères, ce jeune seigneur, accompagné de ses gens et précédé d'une meute de chiens, s'en alla dans la forêt d'Ardennes pour y chasser. Son chapelain, saint Bérégise, avait tout tenté, mais en vain, pour l'empêcher de priver ses gens de la Semaine Sainte, puisque lui n'en avait cure.
Hubert partit donc pour une chasse effreinée. Mais Notre Seigneur se servit de cette occasion pour lui toucher le coeur et le gagner entièrement. Pendant qu'il chassait, un cerf d'une beauté remarquable se présenta devant lui, et à son grand étonnement il aperçut un crucifix entre les branches de son bois, et il entendit une voix qui lui dit :
" Hubert, Hubert, jusques à quand poursuivras-tu les bêtes dans les forêts ? Jusques à quand cette vaine passion te fera-t-elle oublier le Salut de ton âme ? Ignores-tu que tu es sur la terre pour connaître et aimer ton Créateur et ainsi le posséder dans le Ciel ?... Si tu ne te convertis au Seigneur, en embrassant une sainte vie, tu tomberas dans les abîmes de l'enfer."
Ce spectacle et cette voix le remplirent en même temps d'admiration et de frayeur ; il descendit de cheval, se prosterna contre terre, adora la Croix de son Maître que le cerf lui présentait, et promit qu'il abandonnerait le monde et se consacrerait entièrement à la sainte vie chrétienne.
Après cette décision, ce retournement radical, il mit un terme à la chasse et rentra chez lui. Puis, il alla trouver saint Lambert, évêque de Tongres, Liège & Maastricht (un seul et même siège épiscopal), dont les vertus et la sainteté lui étaient d'ailleurs bien connues ; il le choisit pour maître dans les voies du Salut.
Saint Lambert le reçut avec une grande bonté, le retint auprès de lui plusieurs jours, pour l'instruire plus parfaitement dans la perfection Chrétienne, et pour lui parler de Dieu et des choses célestes. Quoique le miracle de la grâce eût changé le coeur d'Hubert, et qu'il aspirât aussitôt à quitter le monde et ses folles joies, des liens consacrés par la religion et la justice, l'y retinrent encore quelques années (683-685).
Il lui fallait d'ailleurs encore ce temps d'épreuve pour correspondre à la grâce, pour crucifier le vieil homme, pour en détruire tous les sentiments, et pour préparer la voie à l'accomplissement des desseins que Notre Seigneur Jésus-Christ avait sur lui.
Sous la direction de saint Lambert, il fit des progrès rapides dans la vocation qu'il avait reçue du Ciel. Il travaillait et priait sans cesse pour faire régner Dieu dans son âme. Il aurait volontiers fait le sacrifice de ses biens, si cela eut été possible dans le moment pour suivre saint Lambert dans le ministère de la parole de Dieu et la sanctification des âmes.
Au moment où Hubert, ne faisant qu'obéir à l'influence de la grâce divine dans son coeur, concevait la pensée et le violent désir d'abandoner la vie mondaine et les obligations princières, arriva la mort de Floribanne, son épouse bien-aimée. Cette princesse mourut (685) en donnant le jour à Floribert, qui succèdera à saint Hubert sur le siège épiscopal de Liège.
Dès lors, Hubert évitait avec soin les célébrations mondaines. Son coeur en était déjà détaché, mais cela ne suffisait pas à son ardeur; son âme avait encore trop de points de contact avec le monde, et ce monde lui faisait mal. L'exemple et les paroles de saint Lambert l'enflammaient tellement de l'amour divin, qu'il en vint jusqu'à former le projet d'abandonner le monde et d'embrasser la vie monastique, afin de mener une vie plus parfaite, et plus rapprochée de Dieu. Il se sentait le même courage que son maître, le même amour de Dieu, le même zèle pour le Salut des âmes. Il voulut devenir son disciple.
Il renonce à toutes ses dignités et dépose les insignes militaires, pour se revêtir de l'humble tunique du pèlerin Chrétien. Il remet au roi Thierry le collier et la ceinture de soldat ; il ne pense plus qu'à fouler aux pieds par quelque action généreuse, la gloire et les appâts du monde. Devenu héritier du duché d'Aquitaine par la mort de son père (688), il cède ses droits à son frère Eudon, et lui confie son fils Floribert âgé de 3 ans. Il renonce ainsi aux affections les plus légitimes.
Rempli de mépris pour les richesses et les biens du monde, Hubert distribua aux pauvres ce qu'il possédait : il trouvait que c'était acheter à bon compte le Salut éternel de son âme, que de lui sacrifier ces périssables richesses. Il ne retint du monde qu'une haire et un corselet dont il se revêtit, pour se retirer dans la solitude. Voilà donc son sacrifice accompli et son divorce avec la vie mondaine consommé. Les mondains le poursuivent de leurs attaques et de leurs railleries ; mais, à l'exemple d'autres nobles contemporains, ses modèles, il ne répond aux invectives dont on l'accable, que par ces paroles : " Ô heureux affronts que de déplaire avec Jésus-Christ !"
Hubert avait vaincu son premier ennemi, le monde, en le fuyant. Il lui avait été assez longtemps dévoué ; il en avait connu les attaques et les innombrables pièges; il avait été victime de ses fausses hontes, de ses préjugés, de ses mensonges. C'en était trop. Maintenant il lui dénie ses prétendus droits sur lui : il désobéit à ses lois; il brave ses calomnies ; il méprise ses faux raisonnements. Il se retire loin de son ennemi à jamais terrassé et va jouir du prix de sa victoire au sein des mystérieuses joies de la pénitence.
Il avait arrêté le projet de vivre dans la retraite, à l'exemple de tant de ses contemporains et d'autres nobles compagnons de cour. Mais avant d'agir, il consulta Dieu et prit l'avis de saint Lambert, à qui il était parfaitement soumis. Ce fut par les conseils du saint évêque qu'il se conduisit dans cette affaire. Il choisit pour séjour de sa pénitence volontaire les lieux mêmes qui avaient été le théâtre de son divertissement favori ; voulant désormais expier sur les lieux, par une vie pénitente, l'attache trop violente qu'il avait eue aux plaisirs de la chasse. Il alla donc (689) fixer sa demeure dans la grande forêt d'Ardennes, dans un endroit non éloigné du futur monastère d'Andage (aujourd'hui Saint-Hubert), où, pendant plusieurs années, il mena la vie la plus austère. D'autres prétendent que saint Hubert se retira au monastère de Stavelot, qui est aussi dans la forêt d'Ardennes ; mais qu'après un certain temps d'épreuve de fidélité, il put quitter cette maison, et aller mener dans une solitude complète un genre de vie plus austère.
Attentif à veiller sur lui-même et à joindre la solitude de l'âme à celle du corps, il ne craignait rien tant que de tomber dans la lâcheté et de perdre par là les avantages qu'il s'était procurés. Après avoir vaincu le monde, il travailla à se vaincre lui-même. Sachant que Dieu agrée principalement le sacrifice du coeur, et que les sacrifices qu'il avait faits jusque-là seraient défectueux, qu'ils seraient même un acte d'hypocrisie, s'il n'y joignait la pratique des vertus et le renoncement intérieur, il commença par s'établir solidement dans l'humilité et le mépris de soi-même ; il employa toute l'activité dont son âme était capable à examiner le déréglement de ses affections, à veiller sur ses sens et sur tous les mouvements de son coeur.
Dès lors, la prière, les veilles, l'ascèse devinrent les délices de ce héros de la pénitence. Son vêtement était tout sauf un abri contre la rigueur du climat qu'il habitait. Sa nourriture, comme celle d'autres pénitents qui l'avaient précédé, consistait en un peu d'herbes et de racines ; l'eau pure était sa boisson. Il cherchait ainsi à se rapprocher de Dieu. Si, dans les combats incessants que le vieil homme livre au nouveau, sa pensée se reportait malgré lui au milieu des joies et des fastes d'une vie mondaine, cette voix qui l'avait une première fois appelé résonnait encore dans son coeur, et cela suffisait pour étouffer le cri de la nature.
Quoiqu'il fût caché au sein de la solitude, il ne laissa pas que d'éprouver les assauts du tentateur. On a beau fuir le monde, le démon nous suit partout, et lors même que nous nous sommes retranchés sous la protection du Très-Haut, toujours il entretient des intelligences secrètes avec cet ennemi domestique qui réside dans notre propre coeur, qui ne mourra qu'avec nous et qui cherche à lui livrer la place. C'est par son exacte vigilance sur ses sens, par ses austérités continuelles, son humilité profonde, sa confiance en Dieu et sa prière fervente que notre Saint triomphait des tentations violentes du démon. Les fréquentes attaques et les ruses nouvelles de l'ennemi du salut ne l'empêchèrent point de vivre dans la plus intime union avec Dieu, et dans une inaltérable tranquillité d'âme : avantages précieux que ne manque pas d'obtenir l'homme qui est accoutumé à mortifier ses passions. Cette sainte vie lui rendait comme sensible la présence de Dieu et de ses Anges.
Nous apprenons la légende suivante de Gilles d'Orval, composée plusieurs siècles après, dans ses additions à la vie de notre Saint, composée par Anselin, chanoine de Liège, que saint Lambert, désirant qu'un si cher disciple reçût de nouveaux accroissements de grâces par les prières des bienheureux apôtres saint Pierre et saint Paul, lui persuada de faire un voyage à Rome pour y rendre honneur à leurs cendres et y implorer, au pied de leurs tombeaux, la faveur de leur assistance et de leur protection. Hubert obéit au désir de son maître.
Il quitta sa solitude, se rendit à Rome et y honora les dépouilles sacrées. Pendant qu'il y était, saint Lambert fut martyrisé pour le sujet et de la manière que nous l'avons dit en sa vie, et à la même heure un Ange apparut au pape romain Serge Ier qui, après l'office des Matines et une longue prière, prenait un peu de sommeil, et lui présentant le bâton pastoral de ce glorieux martyr, il le pressa d'ordonner en sa place Hubert qu'il découvrirait le matin à certains signes dans l'église de Saint-Pierre. Le pape eût pu douter de cette révélation si elle n'eût été accompagnée d'un signe extérieur qui l'eût rendue indubitable ; mais il en connut évidemment la vérité, lorsqu'à son réveil il trouva auprès de lui cette précieuse crosse qui avait été la marque de la vigilance et de la fermeté intrépides de ce grand martyr.
Il ne fut plus question que de trouver cet excellent homme que le Ciel voulait lui donner pour successeur. On observa diligemment tous les étrangers qui entraient dans Saint-Pierre, et aux marques que l'Ange avait données on le reconnut facilement. Le pape, l'ayant fait venir devant lui, lui fit savoir le martyre de son maître et lui exposa comment Dieu lui avait révélé qu'il devait lui succéder. Il lui présenta en même temps le bâton pastoral dont il s'était servi et qu'Hubert pouvait aisément reconnaitre, et l'exhorta à plier le cou sous ce fardeau que la divine Providence voulait lui imposer.
Alors Hubert protesta de son indignité et pria instamment de l'exempter de cette obéissance. La révélation qu'il avait eue ne l'obligeait point de passer outre: ce n'était peut-être que pour l'éprouver et pour voir s'il savait se tenir dans le dernier rang que la vie trop libre qu'il avait menée dans le monde lui devait faire garder jusqu'à la mort. Tandis qu'il était dans cette contestation d'humilité, l'Ange de Dieu, pour confirmer son élection surnaturelle par un nouveau prodige, apporta au Pape de Rome, en sa présence, les habits pontificaux de saint Lambert, et comme il y manquait une étole, il en présenta une de soie blanche qu'il dit avoir été envoyée au Saint par la sainte Vierge.
Ces miracles lui ôtèrent tout moyen de résister et l'obligèrent enfin de se rendre. Le pape lui mettant ensuite en main la crosse de saint Lambert, il le consacra évêque de Tongres et de Maastricht. On dit que, pendant cette consécration, il arriva une autre merveille : saint Pierre lui apparut et lui présenta une clef d'or, comme il avait fait autrefois à saint Servais, l'un de ses prédécesseurs et celui qui avait transféré l'évêché de Tongres à Maastricht. Dieu lui donna en même temps, par infusion, les sciences qui lui étaient nécessaires pour l'instruction de son peuple, avec la grâce des guérisons et surtout un don particulier de guérir les malheureux atteints de fureur et de rage. Cette légende, fort tardive, a pour but évident de rattacher fictivement l'Eglise de Liège à celle de Rome. Elle était totalement inconnue des contemporains de saint Hubert, ainsi que des siècles suivants.
Toujours est-il que saint Hubert devint évêque à la suite de saint Lambert. Les habitants de Maastricht n'eurent nulle peine à le recevoir, et ils se soumirent avec joie à son autorité pastorale. Hubert, sachant la différence qui doit exister entre l'évêque et le peuple, par l'exemple qu'il doit donner à ses fidèles, s'étudia plus que jamais à donner en sa personne des exemples de toutes les vertus évangéliques. Il était humble, sobre, chaste, vigilant, modeste, retenu dans ses paroles, assidu à la prière, fervent en toutes ses actions, patient dans les injures, ennemi des délices et grand ami de la croix.
Sa vie était une ascèse continuelle ; il avait un désir extrême du martyre et ne pouvait assez exalter le bonheur de son prédécesseur d'avoir donné son sang et sa vie pour la défense de la justice et de la piété. Il était l'asile des pauvres et des affligés ; tous les malheureux étaient bienvenus chez lui, il les recevait comme ses enfants, il les secourait de toutes les manières qu'il lui était possible et les soutenait de sa protection; enfin, il a mérité le surnom glorieux de " Refuge des veuves et de Père des orphelins ".
Une des actions les plus mémorables de saint Hubert, c'est l'invention et la translation des reliques de saint Lambert. Il fut porté à faire cette translation, d'abord par les grands miracles qui se faisaient à son tombeau, ensuite par diverses révélations. Pour être encore plus certain de la volonté de Dieu, il ordonna un jeûne général par tout son diocèse. Lorsqu'il fut certain que la divine Providence l'ordonnait ainsi, il convoqua les évêques ses voisins, savoir : ceux de Cologne, de Reims, de Tournai, d'Arras, d'Amiens, de Thérouanne et d'Utrecht et, en leur présence, il fit l'ouverture du saint tombeau.
Il trouva le corps du saint martyr aussi frais et aussi entier que le jour de son décès et exhalant une odeur très-agréable ; puis, assisté de ces vénérables évêques, qui portaient tour à tour le cercueil, il fit la cérémonie de cette translation. On ne peut décrire l'honneur avec lequel cette précieuse relique fut reçue dans toute la marche. Aussi elle fit partout de grands miracles et elle apporta à Liège une grande abondance de bénédictions. Saint Hubert fit bâtir en ce lieu une église magnifique sous le nom de la sainte Vierge et sous celui de saint Lambert, pour lui servir de sépulture et pour faire retentir jusqu'à la fin des siècles les cantiques de louanges que l'on donnerait à sa mémoire.
Depuis, ne pouvant demeurer séparé des dépouilles de son bienheureux maître, il transféra le siège de son évêché en ce petit bourg. Saint Servais était déjà parti de Tongeren (Tongres) pour Maastricht, cependant sans transfert officiel du siège, plus pour répondre aux problèmes du moment, dûs aux persécutions. Puis saint Lambert était revenu dans la région proche, à la petite bourgade de ce qui allait devenir Liège, tout en continuant à oeuvrer à Maastricht. Saint #Hubert viendra s'installer à Liège, mais puisque le siège n'était pas officiellement à Maastricht, ce fut un simple déménagement.
Liège en profita bien.
Ce fut saint Hubert qui commença de la faire accroître par de nouveaux bâtiments, qui lui donna le nom et les privilèges de ville, qui en régla les poids et les mesures pour le pain, le vin et les autres marchandises. Une légende tardive, datant du bas Moyen-Age dit qu'il voulut aussi qu'elle eût pour sceau l'image de saint Lambert, avec cette inscription Sancta Legia, romanae Ecclesiae filia, Liège la sainte, fille de l'Eglise romaine. Légende tardive, buts politiques...
Il y fit bâtir une seconde église en l'honneur de saint Pierre, prince des Apôtres, pour lequel il avait une extrême dévotion, et y mit 15 chanoines. Mais depuis elle a été donnée à des chanoines et changée en collégiale. Enfin, il ennoblit encore cette ville par la translation de saint Théodat, un de ses prédécesseurs, et de sainte Madelberte, vierge, qu'il plaça dans une même châsse, auprès de saint Lambert. Mais rien n'égalait la tendre dévotion de notre saint évêque envers la sainte Vierge. Il l'honorait d'un culte plein d'une pieuse reconnaissance. Pendant sa résidence à Maastricht, il allait fréquemment passer les nuits dans l'église dédiée à la très-sainte Vierge, entièrement occupé à la prier et à l'honorer.
Sa piété ne se borna pas là. Il donna publiquement des marques éclatantes de son amour affectueux pour la Mère de Dieu. Il chercha à allumer et à entretenir dans les fidèles confiés à ses soins, cette dévotion si agréable à Dieu. La première église qu'il bâtit, fut dédiée, comme nous rayons dit, à la sainte Vierge ; il lui en consacra une seconde (712) au hameau d'Emal, non loin de Maastricht.
Il exigeait que ceux qui lui demandaient quelque grâce recourussent à la toute-puissante intercession de la Reine du Ciel ; et il a voulu que la mémoire de sa dévotion envers elle fût attachée au bienfait signalé qu'il nous a légué avec son étole miraculeuse, et se perpétuât avec lui pour nous être plus sûrement transmise. Et aujourd'hui encore, le répit se donne au Nom de la très-sainte Trinité ; et la neuvaine se fait en l'honneur de la sainte Vierge, tant il est vrai que dans tous les siècles on a toujours reconnu dans l'Eglise que la sainte Vierge est remplie le secours et la consolatrice des affligés. Dieu permettant que nombre de bienfaits et de grâces que les hommes attendent du Ciel passent par les mains de Marie et soient dus à son intercession.
Ces actions si solennelles l'ont fait appeler, par quelques auteurs, le fondateur et le premier évêque de Liège, quoique en considérant cet épiscopat comme une continuation de celui de Tongres et de Maastricht, il n'en ait été que le 30e. Dès lors, il ne pensa plus qu'à étendre la Foi de Jésus-Christ dans tous les endroits de son diocèse et aux environs, en détruisant ce qui restait des superstitions du paganisme.
Il parcourut pour cela la grande forêt des #Ardennes et le pays du #Brabant, qui avait alors d'autres limites qu'aujourd'hui, et y fit partout tant de conversions qu'il a mérité d'être appelé l'Apôtre de l'un et de l'autre. Les merveilles qu'il opérait à tous moments contribuaient beaucoup à cet heureux succès.
Faisant la visite de son diocèse, il rencontra dans un village, nommé Vivoch, une femme qui, pour avoir travaillé le dimanche, avait perdu l'usage des mains ; ses doigts et ses ongles s'étaient tellement serrés contre les paumes qu'il n'était pas possible de les en séparer. Il pria donc pour elle et, sur la promesse qu'elle lui fit d'avoir désormais plus de respect pour les fêtes, il commanda à ces mains de se dénouer et, par ce seul commandement, il les remit en leur premier état.
La Somme étant extrêmement basse et ne pouvant commodément porter les bateaux chargés qui servaient à quelque édifice qu'il avait entrepris, il leva les yeux au ciel, qui se couvrit aussitôt de nuages, et au bout de quelques jours, les eaux avaient repris leur niveau ordinaire.
Par la vertu du signe de la croix, il chassa du corps d'une femme un démon qui s'en était emparé, pour trouble-rune procession qu'il faisait faire dans la campagne avec les châsses des saints.
Il éteignit par le même signe de la croix, un grand feu qui avait pris à son palais et qui le menaçait d'un embrasement général. Il délivra du naufrage, bien qu'il fût absent, plusieurs de ses disciples qui étaient déjà presque submergés en mer et qui imploraient son assistance. Il rendit aussi la santé à quantité de malades, par ses prières et par d'autres moyens qui étaient toujours efficaces.
Il appris à son peuple à recourir aux processions et à porter les reliques des saints pour avoir de la pluie, pour obtenir la sérénité, pour nettoyer les champs des insectes qui les gâtent et pour toutes sortes de nécessités publiques.
Jamais les prodiges que Dieu opérait par ses mains ne le firent devenir infidèle à cette profonde humilité qui le rendait si agréable devant le Seigneur. Toujours occupé de l'abîme de son néant, il rapportait à Dieu la gloire du bien qui était en lui et qu'il opérait en faveur des autres. Il ne se glorifiait que dans ses infirmités ; en même temps qu'il mettait ses complaisances dans son abjection, il se réjouissait que Dieu seul fût grand dans lui et dans toutes les créatures. Au milieu des bienfaits éclatants que Dieu répandait dans ses mains, il n'attendait que d'en haut le succès de son ministère. Sa ferveur, loin de diminuer, augmentait de jour en jour et se manifestait par la continuité de ses jeûnes, de ses veilles et de ses prières.
Pour donner à sa prière la force invincible dont elle était douée, Hubert n'avait pas trouvé de meilleur moyen que l'exercice continuel de cette précieuse vertu. Du lieu de son exil, il entretenait un commerce habituel avec son Père céleste. Dans toutes les circonstances de sa vie, il invoquait avec confiance son secours tout-puissant, et il en recevait tous les jours de nouvelles grâces et de nouvelles faveurs, pour prix de sa fidélité et de sa persévérance. Malgré ses nombreuses focntions et ses courses lointaines, pour porter à son peuple le pain de la parole sainte, il savait trouver au milieu de ses fatigues, de longues heures pour la méditation et la prière ; il savait unir avec un rare bonheur la vie active et la vie contemplative.
Après avoir pourvu, comme son divin Maître, avec une laborieuse sollicitude, aux besoins de son peuples, il se retirait comme lui dans la solitude pour se perdre dans la contemplation de ses grâces et de ses miséricordes. Il priait tantôt sur le tombeau de saint Lambert, afin de nourir sa piété par le souvenir du courage qui avait éclaté dans le martyre se vouant à la défense de la vérité et de la chasteté ; tantôt c'était dans la forêt, où la voix de son Bien-Aimé l'avait appelé, afin de déplorer le malheur de ne pas avoir aimé plus tôt cette beauté toujours ancienne et toujours nouvelle. D'autres fois, c'était dans les champs, pendant la nuit, sous a voûte du ciel, au milieu de cette nature dont chaque détail lui rappelait la grandeur et la clémence du Créateur.
Tous les objets qui l'environnaient lui servaient admirablement pour élever son coeur vers son #Dieu, centre unique de son amour. Son âme élevée au-dessus des sens découvrait un nouveau monde, dont les richesses et les beautés la ravissaient hors d'elle-même. Les grandeurs et les plaisirs de la terre, dont les prestiges trompeurs séduisent leurs malheureux partisans, ne lui paraissaient plus que néant ; les affections, les délices terrestres n'avaient plus de charmes et ne pouvaient pas même arriver jusqu'à la région élevée où l'esprit de la prière et de la méditation l'avait porté.
Pendant qu'il avait tant de douceur et d'indulgence pour les autres, il n'avait de la sévérité que pour lui-même. Un ouvrier lui ayant par hasard écrasé la main sur un pieu de bois, il souffrit cette douleur et cette peine avec une constance merveilleuse et sans en demander la guérison ; il répétait seulement ce verset du psaume L. :
" Seigneur, Ayez pitié de moi selon votre grande miséricorde."
Son mal lui ayant donné un peu de relâche, il s'endormit, et, pendant son sommeil, il aperçut Notre #Seigneur #Jésus-#Christ qui, lui montrant le beau palais de l'éternité bienheureuse, lui dit :
" Tu vois plusieurs demeures dans la maison de Mon Père, mais voilà celle que Je t'ai préparé en particulier. Dans un an, Je dénouerai le lien de ta tribulation, Je te délivrerai, et tu Me glorifieras."
Cet avertissement lui donna de nouvelles forces pour travailler au grand ouvrage de son salut. Il redoubla ses veilles, ses prières et ses aumônes, et se rendit plus attentif à faire toutes ses actions avec perfection.
Souvent il baignait le sépulcre de saint Lambert de ses larmes, et de là il passait dans l'église de Saint-Pierre, où il se prostermait contre terre devant l'autel qu'il avait consacré en l'honneur de saint Aubin.
Un jour qu'il avait fait une longue prière accompagnée de larmes et entrecoupées de sanglots, il se leva en prononçant ces paroles :
" Le juste sera dans une mémoire éternelle."
Ensuite, se tournant vers la paroi, en mesurant avec ses bras la grandeur de son sépulcre, il dit :
" Voilà l'endroit où je serai bientôt placé."
Cependant il fut prié par plusieurs personnes considérables du Brabant de venir chez eux faire la dédicace d'une nouvelle église. Il ne voulut pas les refuser, quoiqu'il s'aperçut bien de la proximité de sa mort, et il s'acquita de cette fonction avec son zèle et sa piété ordinaires ; mais, comme il remontait sur la rivière pour s'en retourner à Liège, la fièvre le saisit avec tant de violence, qu'il fut contraint de s'arrêter dans une de ses métairies appelée Tervueren (Fura Ducis), entre Bruxelles et Louvain.
Le saint prélat, pressé des douleurs de l'agonie, vit paraître au milieu de la nuit l'ennemi des hommes qui s'efforçait de l'effrayer par des figures horribles ; mais il le repoussa vigoureusement en récitant le psaume Qui habitat in adjutorio Altissimi, et par le moyen de l'eau bénite qu'il se fit apporter par un de ses domestiques. Le jour commençant à paraître, il fit venir son fils Floribert et tous ceux de sa famille, et leur dit un dernier adieu.
Ensuite, étant muni des saints sacrements de l'#Eglise, il récita devant tout le monde le Symbole de la foi, et comme il voulait aussi réciter l'Oraison dominicale , à ces paroles, " Notre père qui êtes aux cieux ", il termina sa vie terrestre et mortelle pour en aller posséder une éternelle et immortelle dans le ciel, le 30 mai 727.
Il faut signaler, que l'antique et sublime cathédrale Notre-Dame-et-Saint-#Lambert de #Liège, en 1794, sous le régime révolutionnaire des bêtes féroces venues de #France, on entama la démolition du monument, décidée l’année précédente.
On s’en prit d’abord aux plombs de la toiture, afin d'en faire des armes et des munitions, ainsi qu'à la charpente. On nomma même une " Commission destructive de la cathédrale " !
La démolition de la grande tour fut mise en adjudication en 1795.
En 1803, on abattit les tours occidentales. Le terrain fut définitivement nivelé en 1827, à l’exception d’un pan de muraille de l’ancien passage entre le palais et la cathédrale, qui était encore debout en 1929.
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