Je vais encore me faire des amis…Après m'être fait taper sur les doigts par Danny Shek pour avoir égratigné Tzipi Livni, je m'attends à une volée de bois vert de la droite "rocailleuse" de Naftali Bennett du Foyer juif, située entre la droite rigide du Likoud-Beteïnou et l'extrême-droite de Otsma LeIsraël.
Son cas est intéressant et atypique.
Bennett, né de parents américains, a servi dans l'unité d'élite Sayeret Matkal et combattu lors de la Deuxième guerre du Liban. Il a fondé une société de hightech (haute technologie informatique) et fait fortune.
Il rejoint Binyamin Netanyahou dont il fut le directeur de cabinet de 2006 à 2008. Ce n'est qu'en 2012 qu'il quitte le Likoud pour rejoindre le Foyer juif dont il devient le président et la tête de liste après avoir été élu au cours de primaires.
Il donne un coup de jeune à cette formation endormie issue du Mafdal, le mythique parti national-religieux.
Le Foyer juif qui comptait jusqu'à présent trois députés, peut en espérer une quinzaine sous l'impulsion de Bennet qui recueille, bien entendu, l'immense majorité des suffrages des Juifs vivant en Judée-Samarie, mais aussi ceux qui, pour des raisons tant morales que religieuses, votaient jusqu'à présent pour le Likoud, mais ne peuvent se résoudre à donner leur voix à une liste sur laquelle figure en deuxième place, un Avigdor Lieberman, symbole de laïcité à la russe et, de surcroît, sous le coup d'une inculpation pour fraudes et abus de confiance.
Et la bataille est féroce entre le Likoud-Beteïnou et le Foyer juif, au point que mardi le Likoud a publié une photo de Bennett derrière des barbelés reprenant le logo du Foyer juif, mais en le changeant en "Ghetto juif" avec une étoile jaune.
Une vague de réprobation a traversé, à juste titre, le pays, condamnant l'utilisation de symboles de la Shoah à des fins électorales.
Dans une interview, Bennett estime qu'"un pays de 64 ans ne peut pas continuer à exister sur le principe de l'Etat-refuge basé sur la défense des Juifs".
"Si cela ne tenait qu'à cela, poursuit-il, il y a d'autres endroits dans le monde où les Juifs n'ont pas à craindre pour leur sécurité, que ce soit à Melbourne ou dans le New Jersey. Là-bas, on n'envoie pas les gosses à l'armée, et on ne reçoit pas des missiles sur la tête, c'est la raison pour laquelle il faut passer du sionisme existentiel (laïc) au sionisme juif (religieux). Il faut établir une vie nationale juive et donner à ce pays un caractère juif".
Un raisonnement un peu choquant pour ceux qui se reconnaissent comme nationalistes juifs, c'est-à-dire sionistes, mais qui ne lient pas obligatoirement sionisme et religion.
Le nationalisme juif laïc, que j'appelle également sionisme, a réussi à faire d'Israël ce qu'il est aujourd'hui, une grande puissance dans de nombreux domaines.
C'est le sionisme laïc (et non les religieux) qui est à l'origine du miracle de la renaissance de l'hébreu et du patrimoine littéraire israélien, de Shay Agnon et Yossef Brenner à Amos Oz, David Grossman et Edgar Keret en passant par David Shahar, sans oublier Bialik et tant d'autres.
C'est aussi le sionisme laïc (et non les religieux) qui est à l'origine de la musique populaire, que ce soit Shoshana Damari, Yaffa Yarkoni, Moshé Vilensky, Yossi Banaï, Yoram Gaon, Arik Einstein, Shlomo Artzi, Idan Raichel et tant d'autres.
C'est toujours le sionisme laïc (et non pas les religieux) qui a créé l'institution universitaire qui fait que notre pays fait partie de l'élite mondiale dans ce domaine, depuis l'Université hébraïque de Jérusalem au Technion de Haïfa. C'est la laïcité israélienne qui a donné les grands penseurs contemporains et la majorité des grands prix internationaux dont les prix Nobel.
C'est le sionisme laïc qui, par le passage par l'institution militaire, a créé le miracle des startups de la hightech qui est devenue la perle de l'économie israélienne.
Désolé de décevoir Naftali Bennett, il n'y a pas eu ici de "miracle divin". La majorité de ce qui a été réalisé dans ce pays depuis 60 ans et davantage, l'a été par des Israéliens laïcs dont une partie (et je suis de ceux-là) ont de l'estime pour le patrimoine religieux d'Israël. Mais leur force d'âme est issue de la culture laïque et leur réussite n'appartient qu'à eux et pas aux rabbins.
La profession de foi de Naftali Bennet pour le retour aux valeurs religieuses et le contrôle par la force d'un autre peuple garantit la perte de cette merveilleuse culture israélo-juive dont nous sommes les héritiers et même les acteurs.
Etre juif ne se mesure pas seulement à la profondeur de la piété, à l'assiduité des prières à la synagogue ni même au respect des commandements de la Torah, bien que j'ai la plus grande estime pour ceux qui observent le culte, tant qu'il n'interfère pas avec la loyauté et l'allégeance à l'égard de l'Etat d'Israël, un message subliminal à Bennett pas très enclin à respecter les décisions de l'Etat et de la Cour suprême dès lors qu'elles vont à l'encontre de sa doctrine, puisqu'il a confié qu'il ne participerait pas à l'évacuation d'implantations si ordre lui en était donné.
Etre juif, c'est aussi avoir une âme juive, humaniste, ouverte sur le monde, vivant avec son temps, sans abandonner les valeurs de notre peuple et de notre pays.
C'est être patriote, sans concession sur notre identité, notre avenir, notre sécurité, des principes pour lesquels se sont battus nos pères fondateurs.
Etre juif, c'est respecter la loi de l'Etat d'Israël, qu'elle convienne ou pas.
Herzl, Ben Gourion, Golda, Rabin, Dayan, Begin, Shamir et Sharon sont-ils moins juifs que les rabbins ?
La question n'est donc pas de savoir, comme le prétend Bennett, quand nous passerons du sionisme existentiel (laïc) au sionisme juif (religieux), mais plutôt jusqu'à quand une partie du peuple continuera d'accepter des décisions politiques prises au nom de la foi et de la superstition.
Laissons la religion dans les synagogues et les affaires de l'Etat à la Knesset.
.
Les commentaires récents