Lorsque Pavel le skinhead devient Pin’has le ‘hassid !
Le New York Times a récemment dressé le portrait d’un néonazi polonais qui s’est découvert juif ! Un destin fascinant qui a permis au bout du compte à Pavel de devenir un Juif pieux… Récit.
Lorsque Pavel se regarde dans un miroir, il y voit un ‘hassid portant barbe, péot, chapeau et talit katan. Mais en scrutant avec un peu plus d'insistance, il pourrait discerner les traits du « skinhead » qu'il fut il n'y a pas si longtemps, avant qu'il ne revienne vers le chemin de la Torah. « Je me bats tous les jours pour effacer les souillures de l’idéologie à laquelle j’ai cru durant de nombreuses années », explique Pavel, 33 ans, dans une enquête passionnante que le New York Times lui a récemment consacrée. Il note même avec une pointe d’ironie qu’il a dû cesser de haïr les Juifs pour en redevenir un ! « Lorsque je tombe sur d’anciennes photos de moi, je suis submergé par un sentiment de honte. Je dois faire techouva en permanence : je me suis tellement fourvoyé », confie également le jeune homme.
Car l'histoire de Pavel est hors norme : skinhead polonais, il a abandonné Mein Kampf pour la Torah lorsqu’il a découvert son judaïsme. Le New York Times ne publie pas le nom de Pavel, qui porte désormais le nom hébreu de Pin’has : en effet, il craint que ses anciens camarades aux crânes rasés ne le retrouve et ne s’en prennent à ses proches.
Selon Dan Bilefsky, le journaliste du grand quotidien américain qui a rédigé ce reportage, le destin de Pavel pourrait être le reflet de celui de la communauté juive polonaise. Quasiment annihilée durant la Shoah, celle-ci est en effet en pleine renaissance et ne craint plus de revendiquer fièrement son identité et son histoire. Mieux encore, si après la guerre, la plupart des 50 000 Juifs restés en Pologne choisirent de cacher leur judaïsme par crainte des discriminations et des pogroms qui continuèrent durant la période communiste, le pays est devenu aujourd'hui le plus pro-israélien des membres de l’Union européenne, comme l’estime le grand rabbin de Pologne Michaël Schudrich : « Avant 1989, on sentait confusément qu’il n’était pas prudent de s’afficher comme Juif », explique-t-il. « Vingt ans plus tard, la société polonaise se rend enfin compte qu’elle a été amputée des près de 3 millions de Juifs exterminés ».
Pavel–Pin’has, lui, est issu de l’une de ces familles juives converties au catholicisme et pour laquelle toute allusion au judaïsme était taboue. C’est donc totalement ignorant de sa véritable identité qu’il a grandi dans les années 1980, persuadé d’être un bon petit catholique polonais comme ses voisins de sa banlieue de Varsovie.
Est-ce une réaction à l’emprise du régime communiste ? Le résultat d’un passé mal dirigé ? Le mouvement néonazi est en tout cas à cette époque en plein essor, attirant Pavel et ses amis. Crâne rasé, rangers aux pieds, il porte lui aussi en permanence un couteau et s’amuse à saluer le bras tendu d’un « Heil Hitler ! » tonitruant. Quant à la haine du Juif, elle est omniprésente. « Oy vey, je dois admettre que nous avons plusieurs fois passé à tabac les gamins juifs du quartier, ainsi que des Arabes et des clochards », se rappelle celui qui est devenu un pilier de la synagogue Nozyk de Varsovie. « Nous étions persuadés que la Pologne était réservée aux Polonais ». Il se souvient même avoir un jour « séché » l’école pour se rendre en bande à Auschwitz et profaner les lieux par leur comportement provocateur.
Pourtant, derrière le masque du parfait néonazi, Pavel sentait que son identité était construite sur un mensonge et que sa famille cachait un secret. « Un jour par exemple, quand j’ai dit à mon grand-père que les Juifs étaient le Mal, il a explosé de colère et m’a menacé de me mettre à la porte s’il entendait à nouveau de tels propos sous son toit ».
Mais c’est à 22 ans que sa vie et le regard qu’il portait sur lui-même changea définitivement. Entretemps, Pavel a en effet épousé une jeune fille, militante comme lui de la mouvance skinhead. Or, celle-ci, soupçonnant avoir des origines juives, fit des recherches dans les archives de la communauté juive de Varsovie. Elle y découvrit non seulement le nom de ses grands-parents, mais également ceux de son mari…
Bouleversé, Pavel somme alors ses parents de lui dire la vérité. C’est alors qu’il apprend que sa grand-mère maternelle était juive, tout comme son grand père paternel, dont les sept frères et sœurs avaient péri durant la Shoah.
« J’étais en état de choc. Rendez-vous compte : j’étais un admirateur d’Hitler et je découvre que je suis Juif ! Je me suis enfermé dans ma chambre durant des semaines, sans oser me regarder dans la glace », raconte-t-il.
Mais la transformation est déjà en marche, et sans qu’il comprenne vraiment ce qui lui arrive, Pavel est animé d’un désir de plus en plus fort de devenir enfin le Juif qu’il est réellement. La mue ne se fait cependant pas sans mal : difficile de se débarrasser d’un coup de ses oripeaux passés. Pour se convaincre, il se force même à relire Mein Kampf. Une épreuve dont il se révèle incapable de venir à bout, pris de nausées à mesure qu’il tourne les pages du livre-programme du national-socialisme. « Je me suis alors tourné vers un rabbin pour qu’il m’aide à comprendre ce qui m’arrivait. Il m’a expliqué que c’est l’âme de mes ancêtres qui se manifestait en moi. »
Il attendra alors encore deux ans avant de sceller son retour définitif dans le Am Israël en confiant à un mohel le soin de procéder à sa Brit-mila, à l’âge de 24 ans. Depuis, il n’a cessé de progresser dans la pratique des mitsvot, et mène désormais avec son épouse et leurs deux enfants, une vie de Juif pieux.
« Je suis passé de l’autre côté du miroir. Désormais, c’est de mon chapeau et de mes péot dont se moquent les jeunes voyous », soupire-t-il. « Mais ce sont les vieilles femmes qui sont les plus agressives. Je les entends parfois prononcer les insultes que j’ai trop souvent proférées à l’époque : « Sale Juif, retourne chez toi ! »
Aujourd’hui, Pavel-le-skinhead devenu Pin’has-le-‘harédi étudie pour devenir cho’het. Il sourit : « Je me suis toujours bien débrouillé avec les couteaux ». Sauf que désormais, il s’en sert pour sanctifier le Nom divin
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"Ne juge pas ton prochain avant de te trouver à sa place."
Abot, II, 4
Citations de Talmud
Chabbat Chalom à tous !
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