Défense de toucher à Arthur
Le centre coule mais on s’y précipite !
Elles sont presque toutes finalisées ces listes, à gauche comme à droite et surtout au centre car on a l’impression qu’il n’y rien qui ne vaille le centre, le nec plus ultra. Or il n’y a rien de plus protéiforme en même temps que de plus évanescent que le centre. Jadis Georges Pompidou nous avait dit : « Le centre je le cherche avec ma lanterne comme Monsieur de Soubise cherchait son armée… »
La gauche va à la pêche au centre ; en face (on n’ose plus dire à droite) on est au centre ; aux centres on est au centre et puis il y a les extrêmes, au bord des centres.
Le centre est donc obnubilant et on a l’impression que pour chaque tête de liste : « hors du centre point de salut ».Or le centre coule, corps et âmes et pourtant on cherche en vain des candidats se réclamant ouvertement de la droite républicaine.
La société civile baume miraculeux
Mais, par delà les centres, il y a cet autre Graal : les héros de la société civile !
Voila des années qu’à l’approche d’élections les têtes de listes recherchent des spécimens de la société civile.
En clair des hommes et des femmes exerçant un métier et de préférence un métier noble : médecin, avocat, chef d’entreprises … Cela permettrait, a contrario, de penser qu’aucun « politique » n’exercerait et n’aurait jamais exercé de métier, ce qui est une manière indirecte de décrédibiliser toute la classe politique….
La quête de « société civile » est le summum du snob pour un politicien car il recherche ce qu’il semble ne pas être et présentera ainsi aux électeurs le miroir de ce qu’il rêvait d’être, une liste telle une boite de dragées entourée d’une faveur rose ou bleue. Au sein des partis un ramassis de toquards et de grouillots à éviter, bref il croit toucher une sorte d’aristocratie représentants la « vraie » société. Et cet anoblissement s’effectue par rapport à qui ?
Eh bien à ces toquards, cadres et militants des partis politiques, race bassement cataloguée et toujours sujette au soupçon de quelque maladies honteuse. À la limite, des infréquentables, en tous cas des imprésentables. C’est du moins ce que pensent les têtes chercheuses…de listes.
Grave, très grave leurre !
Revenons au fondamentaux. La constitution de la France recèle des maximes à valeur immuable. A coté des grandes règles fondamentales il convient de méditer et de vénérer l’article 4 du titre premier : De la souveraineté.
Qui le connaît ? Qui s’en souvient ? Qui s’y réfère ?
« Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. Ils contribuent à la mise en œuvre du principe énoncé au second alinéa de l’article 1er dans les conditions déterminées par la loi.
al 2 art 1 La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales.
En clair les partis politiques sont, par excellence, les lieux qui concourent à l’expression du suffrage. Leur mission est de permettre aux citoyens qui y adhèrent d’accéder aux fonctions électives. Ils ont donc leur authentique noblesse démocratique et républicaine.
C’est en forgeant qu’on devient…
Je me souviens d’un homme politique de tout premier plan qui au cours d’un débat répondait à un de ses interlocuteurs : « Pour être maçon il faut apprendre le métier de maçon, pour être boucher il faut de l’apprentissage. Pour être médecin, avocat il faut faire des études de médecine, de droit…Eh bien pour faire de la politique et exercer un mandat il faut apprendre le métier. Pourquoi voulez vous que ce soit la seule « fonction » que l’on pourrait pratiquer sans aucune formation, par un don du saint esprit ? Il faut un apprentissage que les partis politiques dispensent, c’est leur mission. »
Les partis écoles de formation
Il est parfaitement exact que les partis politiques sont des écoles de formation à l’exercice de missions et de mandats publics. Ah ce n’est pas un apprentissage académique, il est souvent rude et parfois chaotique, mais c’est là, au sein du parti politique que l’on « frotte et lime sa cervelle contre celle d’autrui » comme le prescrivait Montaigne. École de vie politique !
Les fondamentaux oubliés. Tout cela étant parfaitement oublié, les « leaders » mettent leur coquetterie à détecter des perles rares de la société civile, dépourvues de toute idée de ce qu’est la vie politique au quotidien. Il incombera à ces « perles » de rapporter des voix tout en s’accommodant de l’ingrat devoir de siéger au milieu des grouillots des partis politiques, qui eux seront toujours aux ordres et ne gêneront personne.
Les dynastes, les grouillots et les désillusions
Une des révélations de cette campagne électorale a été la confirmation de la puissance des dynasties ! Être « fille-de », « femme-de », est un sésame. Quant à l’avocat, au médecin, au chef d’entreprise, à la fille ou à l’épouse, une fois en situation de responsabilité, les voilà tout étonnés de devoir se plier à une sorte de discipline de groupe, eux si habitués à être chef et maître après dieu de leur destin professionnel ou familial. Quant à siéger dans des conseils de lycées ou d’associations culturelles ou sociale ? Est-ce vraiment utile quand on a des choses (professionnelles ou familiales) sérieuses à faire ?
Un cabinet d’avocat, de médecin, un PDG, sont à mille lieues du terrain qu’arpentent les distributeurs de tracts et les colleurs d’affiches. Mais ils sont autant éloignés des cadres des partis qui font vivre des sections et des circonscriptions, qui organisent des réunions des formations et qui assurent l’ingrate intendance quotidienne.Dans leur immense majorité ceux la demeurent relégués dans la pénombre des soutes pendant que le PDG ou l’avocat, ou la « fille-de » trône en bonne place sur la liste…
Et comment ceux ci peuvent-ils avoir la disponibilité pour assister à des séances de commissions, des fêtes paroissiales ou des conseils d’école ou de lycée ? Tâches ingrates et peu valorisantes auxquelles les militants eux sont plus ou moins formés.
On ferait l’addition sans le patron ? Sauf que, ce que semblent ignorer les chefs de files et têtes de liste…sauf que l’électeur n’est plus un gogo, il est même tellement libre qu’il est capable de faire n’importe quoi. Par exemple il n’est pas impressionné par son dentiste, ni par son avocat, encore moins par son patron ! Bref c’est lui, le patron !
Qu’importe! La mode fascinante de la société civile opposée aux militants des partis, est bien la règle. Sauf que cette mode n’opère pas toujours et elle est trop souvent semblable aux mirages des grands déserts. Mais comme c’est la mode et qu’elle est tenace, est-il encore utile d’aller s’encarter dans un parti politique qui « favorise l’accès aux mandats électoraux » ? Et si cela sonnait comme une extinction des partis politiques et dans la foulée comme une menace pour la démocratie constitutionnelle ?
Il y faut un sursaut, les partis politiques doivent se mettre à revivre en honorant toute la noblesse des fonctions que leur attribue notre constitution.
Sursaut qui doit réveiller les cadres du parti pour une redynamisation nécessaire et une meilleure et plus efficiente prise en compte de leur vrai rôle.
Prise de conscience des « têtes » de listes de ce que les voies qu’ils empruntent ne sont pas du tout les garanties du succès.
Robert GROSSMANN
Les commentaires récents