Cayzac «n'a pas déconnecté !»
Président du Paris-SG de juin 2006 à avril 2008, Alain Cayzac vient de raconter son expérience inouïe dans un livre, « Passion impossible »*, au sous-titre limpide : « Mes vingt mois à la tête du PSG, du rêve au cauchemar ». Le prédécesseur de Charles Villeneuve, encore ému que le nouveau vestiaire des pros, au Camp des Loges, ait été baptisé à son nom nous a accordé un long entretien, dans lequel il explicite quelques-unes des thèses défendues dans son ouvrage, sur le potentiel de ce club, sur la qualité de l'investissement de Colony Capital, et sur la force de sa personnalité. Voici la deuxième partie de cet entretien.
« Alain Cayzac, vous vous définissez comme un président-supporter. Or, il ne vous a pas échappé que les supporters du PSG, pour la plupart, sont sceptiques sur Colony Capital, son plan consistant à faire de l'argent puis à se désengager sous cinq à huit ans, ses investissements mesurés en matière de transferts ; d'ailleurs, vous citez votre prédécesseur Pierre Blayau, qui vous conseillait de demander 50 millions d'euros de rallonge dès votre prise de fonctions. Qu'est-ce qui vous fait penser que Colony est une bonne solution pour le club ?
Quand Canal+ décide de sortir du Paris-SG, il y a deux ou trois ans de latence. Et après ça, c'est formidable de trouver des actionnaires capables d'acheter le club et surtout de combler ce déficit qui restera chronique tant que le club ne sera pas plus haut au classement, voire en Ligue des champions. J'aurais préféré avoir 50 ou 100 millions d'euros de plus, bien sûr. Mais l'actionnaire met la main à la poche. Je ne cautionne rien. Simplement, c'est un marché, et personne d'autre n'est venu. Colony a eu le courage de prendre la majorité, et donc d'assumer les pertes devant la DNCG. Avoir des actionnariats solides, durables, c'est tout le problème du football français.
Pourquoi le PSG, au contraire de l'OM, ne met-il jamais la main sur des Drogba, des Ribéry, des Nasri, qui permettent au club de se renouveler avec de très bons transferts ?
Je constate qu'aujourd'hui il y en a. Les entraîneurs du PSG n'ont pas assez donné leur chance aux joueurs du centre de formation, qui est très bon, contrairement à ce qu'on dit. Lacombe et Le Guen ont permis à des Chantôme, des Mulumbu, des Sakho, des Sankharé, des Arnaud, de jouer en L1. C'était une obsession pour moi. Digard et Diané, on les recrute et on les vend bien, 12 millions d'euros. Des joueurs comme Sakho et Chantôme répondent à votre question.
Vous pensez qu'ils vaudront bientôt 15 ou 20 millions d'euros ?
Potentiellement, c'est évident. Sakho, je le connais depuis l'âge de douze ans. J'ai pu me tromper sur certains, mais pas sur lui. C'est un joueur à très haut potentiel. Chantôme aussi. Ce sera aussi le choix des futurs présidents, de les garder ou pas. L'argent peut venir du produit de la vente, mais aussi des bons résultats. C'est en tout cas un des progrès que le club a faits. Ma stratégie sportive, c'était un tiers de joueurs formés, un tiers de joueurs potentiellement internationaux et un tiers de stars confirmées. On avance aujourd'hui dans les trois catégories, avec Sakho, Hoarau et Makelele, en résumé.
Vous avez pensé confier le poste d'entraîneur à trois personnes : Paul Le Guen, Gérard Houllier et Arsène Wenger. Très honnêtement, pour tout le monde, c'est impossible que Wenger vienne au PSG...
Mais je ne vois pas pourquoi il ne serait pas un jour l'entraîneur du PSG. Je ne dis pas qu'il le sera. Mais Paris est une ville extraordinaire, le PSG a un très fort potentiel. Wenger est français, il aura peut-être un jour des raisons personnelles de vouloir vivre en France, peut-être aura-t-il le sentiment d'être arrivé au bout de quelque chose à Arsenal. Je vois d'ailleurs que les journaux anglais commencent à remettre en cause son travail, c'est incroyable. Et quand j'ai cité Mourinho, ce n'était pas pour faire un effet. Malgré nos erreurs, le PSG reste un club étonnamment attractif.
Wenger, Mourinho : ils ont des rémunérations colossales, et assez peu de raisons professionnelles de venir se perdre dans le Championnat de France...
Tout dépend aussi des résultats. Si on commence à dire : tel entraîneur ne peut pas venir à Paris, on est foutu. En tout cas, il est plus envisageable économiquement de recruter Wenger ou Mourinho que Kakà.
Le jour de votre démission, vous étiez apparu vraiment usés par votre travail. Vous avez bien meilleure mine aujourd'hui. Comment avez-vous fait pour vous requinquer et pour déconnecter d'un univers si prenant ?
La réponse sincère, c'est que je n'ai pas déconnecté. Il n'y a pas un jour où je ne pense pas au PSG, aux deux dernières années et à la situation actuelle. Il se trouve que je suis costaud, que je me trouve dans un environnement amical et familial favorable. Les supporters m'envoient toujours des signes de sympathie. Et surtout : on est resté en L1. Si on était descendu en L2, je ne serais pas fier. Je ne me serais pas reconstruit comme ça. Si tant est que je me suis reconstruit. »
Entretien réalisé par Cédric ROUQUETTE
* Alain Cayzac, Passion impossible, Editions du moment - 16,50 euros, 194 pages.
Source: MSN Sports
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