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La fausse sortie de Vladimir Poutine!

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De notre correspondant à Moscou Fabrice Nodé-Langlois
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175Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev, accompagnés de leur épouse, lors de la célébration de la Pâques orthodoxe le 27 avril à Moscou. Derrière l'image d'une transition maîtrisée, la lutte des clans fait rage en coulisses.
Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev, accompagnés de leur épouse, lors de la célébration de la Pâques orthodoxe le 27 avril à Moscou. Derrière l'image d'une transition maîtrisée, la lutte des clans fait rage en coulisses. Crédits photo : AFP

Le nouveau premier ministre, qui laisse le Kremlin au président élu, Medvedev, emporte avec lui nombre de prérogatives. Décryptage d'une cohabitation inédite.

La semaine est historique pour la Russie postsoviétique. Pour la première fois, la transition au sommet de l'État se passe sans violence ni psychodrame… Et le schéma est inédit puisque le président sortant Vladimir Poutine passe le flambeau à son dauphin Dmitri Medvedev, élu le 2 mars, et endosse le costume de premier ministre. Il quitte le Kremlin et s'installe au siège du gouvernement fédéral, connu sur les rives de la Moskova comme «la Maison-Blanche».

Mercredi, ce sera la passation de pouvoir solennelle sous les ors du Kremlin ; jeudi, la Douma, la Chambre basse du Parlement, doit entériner la nomination de Poutine au poste de chef du gouvernement ; vendredi, le nouveau chef de l'État Medvedev préside le défilé de la Victoire, marqué par le retour sur la place Rouge des missiles nucléaires. Les cérémonies coïncident avec les ponts des 1er et 9 mai, congés prisés des Moscovites qui en profitent pour retaper la datcha et manger des chachliks, le barbecue local.

Le tandem surprenant formé d'un premier ministre ex-président et d'un président ex-vice-premier ministre donne lieu à toutes les spéculations. La formule permet à Vladimir Poutine de rester au pouvoir sans violer la Constitution qui lui interdit un troisième mandat… consécutif. Depuis l'élection présidentielle remportée avec 70 % par le dauphin (à l'issue d'une campagne jugée «inéquitable» par les observateurs du Conseil de l'Europe), «Medvetine et Poudev», comme les surnomment des humoristes, mettent en scène un couple harmonieux. Il s'agit de détromper ceux qui ne voient dans le jeune Dmitri Medvedev, 42 ans, qu'une marionnette, comme ceux qui annoncent une cohabitation sanglante.

Les deux hommes travaillent ensemble depuis leurs débuts en politique, il y a quinze ans à la mairie de Saint-Pétersbourg, leur ville natale. Ces derniers temps, ils ont multiplié les apparitions en public, presque main dans la main, comme à la cathédrale du Christ Saint-Sauveur pour la messe de Pâques. La présence, à leurs côtés, de leurs épouses, voilées selon la tradition orthodoxe, a permis au passage de balayer les rumeurs sur le divorce de Poutine. Le duo «VVP-DAM» (leurs initiales) est si parfait qu'en le regardant à la télévision, le président égyptien Moubarak, en visite à Moscou fin mars, a demandé «qui était qui». Poutine aurait modérément apprécié le compliment.

Feu sur le Parlement

Les politologues, à l'instar du controversé Stanislav Belkovsky, dénonciateur depuis deux ans de la fortune colossale que Poutine aurait accumulée, voyaient le tsar se retirer pour jouir de ses prétendues richesses en échange d'une immunité ; ils en sont pour leurs frais. Certes, l'ancien patron du FSB (ex-KGB) quitte le Kremlin, symbole par excellence du pouvoir en Russie. Il va s'installer à deux kilomètres à l'ouest, dans l'immeuble brejnevien qui domine de ses quinze étages une boucle de la Moskova. À l'écart du cœur historique, Vladimir Poutine, depuis son bureau, fera face au Moscou du XXIe siècle, le quartier de Moskva City où s'élèvent des gratte-ciel profilés de plus de 200 m de haut.

La Maison-Blanche, surmontée d'une tour de onze étages, en marbre plus gris que blanc selon le ciel, évoque un radiateur. Les téléspectateurs du monde entier ont découvert l'édifice en 1993, alors siège du Parlement que Boris Eltsine fit bombarder par les chars contre les députés communistes récalcitrants. Vladimir Poutine y aurait fait construire un tunnel pour rejoindre le Kremlin, a rapporté le Moscow Times. C'était son canular du 1er avril. Le futur premier ministre a cependant engagé de réels travaux pour s'aménager un bureau à la fois moderne et de style traditionnel russe, selon le tabloïd Tvoi Den. Les rumeurs sur la construction d'une piscine et d'une salle de gym pour le sportif quinquagénaire ont été démenties. Vladimir Poutine a tout ce qu'il faut pour ses entraînements quotidiens dans sa résidence de Novo Ogarevo, à l'extérieur de Moscou, qu'il conserve. Celle de Dmitri Medvedev est d'ailleurs proche, dans cette banlieue verte pour millionnaires.

Pour convaincre de son détachement des attributs du pouvoir, Poutine a assuré sans rire que le seul objet qu'il emportera de ses huit ans à la tête du Kremlin sera un stylo-plume. Il faudrait ajouter quelques centaines de fonctionnaires qui le suivent. Un casse-tête pour loger tout le monde dans des bureaux exigus.

Le ménage va être fait, rapporte les Izvestia, en supprimant environ cinq cents postes folkloriques. Le bureaucrate chargé de superviser l'organisation des olympiades d'écoliers a été prié de quitter la Maison-Blanche… «Son fonctionnement rappelle encore l'époque soviétique», ajoutent les Izvestia. Et d'ironiser : «Après 18 heures, il est quasiment impossible d'y résoudre un problème.»

La rupture est à l'œuvre. Le futur premier ministre met l'appareil gouvernemental en ordre de bataille. Emblématique des changements, le service de presse, jusqu'alors modeste, sera aussi puissant que celui du Kremlin, avec un site Internet digne de l'époque. Dmitri Peskov, anglophone moustachu, qui a su mettre de l'huile dans les relations avec la presse étrangère en tant que porte-parole adjoint du Kremlin, suit son patron. Il dirigera le service de presse. Pour la seule rédaction des discours, vingt personnes seront mobilisées, rapporte Gazeta. Jusqu'à présent, on faisait peu de cas des déclarations des premiers ministres. Beaucoup de citoyens russes ignorent jusqu'au nom du chef du gouvernement sortant, Viktor Zoubkov.

Le service du protocole s'étoffe lui aussi : le futur «ex» entend voyager à l'étranger. Dans le respect des institutions : pas question d'épauler Dmitri Medvedev au prochain G8 au Japon, vient-il de préciser.

Le gouvernement lui-même devrait conserver les poids lourds de l'équipe, avec un nombre accru de vice-premiers ministres, qui pourraient être dix ! Par décrets discrets, les prérogatives du chef du gouvernement se sont renforcées. Exemple : les gouverneurs régionaux (pratiquement tous nommés par Poutine) n'adresseront désormais plus leur rapport annuel au Kremlin, mais au chef du gouvernement.

«Nous sommes des garçons assez grands»

Pour parfaire ce verrouillage, Vladimir Poutine a pris la tête du parti Russie unie, qui détient depuis décembre 315 députés sur 450. Le président sortant «est en train d'acquérir un pouvoir pratiquement illimité sur le parti», note le politologue Alexei Rochtchine (cité par politkom.ru). Le chef du parti qui n'en possède toujours pas la carte pourra destituer n'importe quel cadre de Russie unie et désigner les candidats aux élections. Patron de la majorité d'un Parlement aux ordres, il détiendrait une arme de dissuasion au cas où Dmitri Medvedev prendrait trop d'autonomie, relève le commentateur Dmitri Orechkine : la destitution qui requiert trois quarts des voix de la Douma. Ce seuil semble à la portée de Poutine.

Vus ce dispositif et la personnalité respective des deux «chefs de la nation», il n'est guère étonnant que deux tiers des Russes, selon un sondage du centre Levada paru fin avril, pensent que Medvedev présidera sous la tutelle de Poutine. Le nouveau maître du Kremlin fait mine d'ignorer ces commentaires. Mais il se dit prêt à affronter les complots destinés à le déstabiliser ou à diviser le tandem. Des personnes «se livreront à (…) des manœuvres politiques, a-t-il averti. Mais nous sommes des garçons assez grands pour y faire face».

Enjeux financiers colossaux

Derrière l'apparence de cette transition maîtrisée, la lutte des clans fait rage en coulisses depuis des mois. Elle ne se réduit pas à l'affrontement des «libéraux» contre les «silovikis» (les hommes des forces de sécurité et du renseignement). Elle ne recouvre pas non plus une hypothétique bataille entre «poutiniens» et «medvedevistes». Rivalités d'ambition, défense de prébendes et enjeux financiers colossaux sont à l'origine de multiples manœuvres compromissions, arrestations, destitutions dans les cercles du pouvoir depuis l'automne.

Medvedev le juriste, sans appuis solides connus dans les «services», y résistera-t-il ? «En Russie, on associe la politesse à la faiblesse, remarque un homme d'affaires européen qui l'a côtoyé. Medvedev est bien élevé, très poli. Mais il a une volonté qu'on sous-estime. Il connaît très bien les rouages du pouvoir. Au Kremlin, comme chef de l'administration présidentielle, il a appris à gérer les oppositions.»

Jamais la Russie n'aura autant mérité son aigle à deux têtes, symbole des tsars hérité de l'Empire byzantin, restauré dans les armoiries de la nouvelle Russie. Combien de temps les deux têtes s'entendront-elles pour faire voler l'aigle ? Un étranger bien introduit dans les cercles du pouvoir russe avertit : «Si l'Occident s'amuse à jouer Medvedev contre Poutine, ce sera dangereux et contre-productif, ça ne fera que les rapprocher davantage.»

» RÉTROSPECTIVE - Le «plan Poutine»

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le Figaro.fr

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