Mon autre citation du jour:
« Il faut toujours se ressouvenir, que l’on empoisonnes les âmes par l’oreille, comme le corps par la bouche. »
(Saint François de Sales)
Mon autre citation du jour:
« Il faut toujours se ressouvenir, que l’on empoisonnes les âmes par l’oreille, comme le corps par la bouche. »
(Saint François de Sales)
Mon autre citation du jour:
La grande leçon de la vie, c'est que parfois, ce sont les fous qui ont raison.
(Winston Churchill)
Alors que tout n’a jamais été aussi dangereux, lisez cet interview, avant le début de la contre-offensive Ukrainienne, d’Henri Guaino dans l’Express du 8 septembre 2022.
Henri Guaino sur la guerre en Ukraine : "Le jusqu'au-boutisme est une folie"
Défendant une approche réaliste plutôt que morale du conflit, l'ancien conseiller spécial de Sarkozy estime "qu'il est temps d'opter pour un peu plus de modération".
Pour Henri Guaino (ici en 2018), une Russie "humiliée" en Crimée "deviendrait vraiment le pays le plus dangereux du monde".
Leemage via AFP
Propos recueillis par Thomas Mahler
En mai, dans une tribune très commentée parue dans Le Figaro, il fut l'une des premières personnalités françaises à s'exprimer contre un risque d'escalade de la guerre en Ukraine, tout en critiquant l'expansion de l'Otan. Comme Henry Kissinger ou John Mearsheimer aux Etats-Unis, le gaulliste Henri Guaino entend se placer sur le plan du réalisme plutôt que de celui de la morale. Quatre mois plus tard, l'ancien conseiller spécial de Nicolas Sarkozy dénonce plus que jamais le "jusqu'au-boutisme" et l'absence de débat sur cette guerre. "Le problème, c'est que ce sujet ne peut plus être abordé qu'en termes de bien et de mal : d'un côté, Hitler, de l'autre côté, les droits de l'homme, choisissez votre camp !" déplore-t-il. Entretien.
L'Express : En mai, vous évoquiez le risque d'une "escalade incontrôlé" en Ukraine. Estimez-vous que l'évolution de la guerre vous ait donné raison ?
Henri Guaino : Quand j'ai écrit cette tribune, j'étais inquiet de voir que les Etats-Unis et l'Europe étaient engagés dans une surenchère qui pouvait conduire à une catastrophe. J'ai voulu rappeler que la leçon de l'histoire des conflits est que la guerre est une escalade dans la violence qui peut conduire n'importe qui à accomplir des actes qu'il aurait auparavant considérés comme inimaginables. En se lançant dans une surenchère de réactions, sans tenir compte de cette montée aux extrêmes d'une violence imprévisible qui est inhérente à la guerre, les dirigeants occidentaux se laissaient entraîner dans une pente très dangereuse, sur fond d'arsenaux nucléaires.
Quatre mois plus tard, tout le monde semble s'être donné le mot pour fermer toutes les issues raisonnables à ce conflit. Le jusqu'au-boutisme a envahi les esprits. Mais pour aller au bout de quoi ? Qu'y a-t-il au bout du bout ? La guerre jusqu'au dernier Ukrainien ? La guerre jusqu'au dernier Russe ? La guerre jusqu'à la ruine de l'Europe ? Jusqu'au dernier Européen ? La guerre mondiale ? La guerre froide ? La guerre nucléaire ?
Vous nous avez confié vouloir "peser" tous vos mots durant cet entretien. Le débat autour de l'Ukraine serait-il tabou ?
Le problème, c'est que ce sujet ne peut plus être abordé qu'en termes de bien et de mal : d'un côté, Hitler, de l'autre, les droits de l'homme, choisissez votre camp ! Ah, si les choses étaient si simples, comme l'écrivait Soljenitsyne qui avait été douloureusement confronté au mal totalitaire, "s'il y avait quelque part des hommes à l'âme noire se livrant perfidement à de noires actions et s'il s'agissait seulement de les distinguer des autres et de les supprimer !" Non, ce n'est pas si simple, ça ne l'est jamais et si l'on ne s'efforce pas d'échapper au face-à-face exclusif entre ceux qui considèrent que l'Amérique, c'est l'empire du bien et ceux qui la considèrent comme l'empire du mal et qui servent d'alibi aux premiers, on ne peut pas espérer susciter un débat démocratique sur la question de savoir où peut nous conduire l'engrenage de la guerre, et jusqu'où nous sommes collectivement prêts à aller avant d'y être entraînés malgré nous. Cela mériterait bien que chacun pèse ses mots.
Pointer les responsabilités des deux camps dans ce que vous qualifiez d' "engrenage", n'est-ce pas mettre sur le même plan agresseur et agressé ?
"La neutralisation de l'Ukraine et de la Géorgie était le compromis raisonnable"
Personne ne songe à mettre moralement sur le même plan l'agresseur et l'agressé. Mais serait-il donc devenu immoral d'essayer de comprendre comment nous en sommes arrivés à la situation actuelle et où nous allons ? Faudrait-il s'interdire, sous prétexte que ce serait immoral, de dire cette vérité que la guerre en Ukraine, comme toutes les guerres, est le produit d'un engrenage dans lequel tous les protagonistes ont une part de responsabilité ? Le reconnaître n'exonère en rien l'agresseur de la sienne, mais nous remet, nous Occidentaux, face à la nôtre tant pour ce qui concerne le passé que pour ce qui concerne la suite de l'Histoire.
Vous critiquez la moralisation du conflit entre un camp du "bien" et un camp du "mal". Mais quand un régime autoritaire envahit une démocratie partageant nos valeurs libérales, ne faut-il pas clairement choisir son camp ?
Quand, en 2014, Kissinger déclarait que si l'Ukraine voulait vivre en paix et prospérer, elle ne devait pas être un avant-poste du monde russe ou du monde occidental mais un pont entre les deux, et que l'Occident devait comprendre que, pour les Russes, l'Ukraine ne serait jamais un pays comme les autres, ou quand Brzezinski affirmait qu'un compromis avec la Russie sur l'Ukraine exigeait que cette dernière s'engage à ne pas rechercher son adhésion à l'Otan et que l'Occident ne l'envisage pas non plus parce qu'il était compréhensible qu'une telle perspective puisse inquiéter la Russie, avaient-ils tous les deux subitement fait le choix du camp russe et des dictatures ? Dans le monde tel qu'il est, la politique la plus morale est celle qui cherche à contenir la violence, qui recherche en tâtonnant, dans l'entre-deux incertain du bien et du mal où se déploie le tragique de l'Histoire, des compromis raisonnables qui permettent d'éviter autant que possible que les hommes s'entretuent. La neutralisation de l'Ukraine et de la Géorgie était le compromis raisonnable, comme elle l'avait été pour la Finlande après la Seconde Guerre mondiale et pour l'Autriche en 1955. On a emprunté le chemin inverse. Etait-ce raisonnable pour l'Ukraine, pour l'Europe et pour le monde ?
La morale de la politique n'est pas dans le confort de la bonne conscience, mais dans l'inconfort du cas de conscience devant les conséquences qu'elle pourrait avoir. Choisir son camp, très bien. Mais quelle conclusion en tire-t-on ? Qu'il faut punir la Russie ? Mais comment ? Sommes-nous prêts à faire la guerre à une superpuissance nucléaire, non plus par procuration mais directement, et jusqu'où ? C'est la question des limites qui est posée. Il n'y a pas plus dangereux pour la politique que les absolus, parce que les absolus n'ont pas de limite. Le Bien absolu, comme la Vérité absolue, avec des majuscules, peuvent tout se permettre. Car qui oserait mettre une limite au Bien ou à la Vérité ?
En nous persuadant que nous sommes le camp du Bien, nous nous condamnons à aller toujours plus loin et fatalement, un jour, trop loin. Et nous perdons de vue que les deux tiers du monde ne regardent pas du tout l'Occident comme le camp du Bien, du Droit, et de la Vérité. L'ancien secrétaire général du Quai d'Orsay, Maurice Gourdault-Montagne, va publier un livre sur sa très riche expérience diplomatique auquel il a donné un titre que nous devrions garder à l'esprit à chaque fois que nous nous intéressons aux affaires du monde : Les autres ne pensent pas comme nous.
Se montrer aujourd'hui conciliant avec Poutine, n'est-ce pas réitérer "l'esprit munichois" ?
Quand on évoque Munich, on agite le fantôme de Hitler. Mais là encore, il faut être conséquent : si Poutine, c'est Hitler, il faut entrer en guerre tout de suite, quels que soient les risques.
Quant aux accords de Munich, ils ne peuvent être isolés de l'engrenage politique, économique, social et psychologique, qui depuis le traité de Versailles et la destruction de l'Empire austro-hongrois, a conduit pas à pas à l'avènement de Hitler et à la reculade tragique de septembre 1938. Comme l'engrenage qui conduisit à la Première Guerre mondiale nous apprend beaucoup sur le rôle des systèmes d'alliance et des plans d'état-major dans le déclenchement des guerres, celui de l'entre-deux-guerres nous apprend beaucoup sur le rôle que peuvent y jouer les sociétés. Le fait est qu'en 1938, personne en Europe ne veut aller mourir pour la Tchécoslovaquie, comme en 1939, personne malgré la déclaration de guerre n'ira mourir pour la Pologne dépecée par Hitler et Staline, pas plus que quiconque, malgré bien des promesses ne volera au secours de la Finlande attaquée par les Soviétiques. L'état d'esprit des sociétés est quelque chose qu'il faut prendre en compte quand on est confronté à la question de la paix et de la guerre : nos sociétés occidentales sont-elles prêtes à faire la guerre pour de vrai ? Et encore une fois, laquelle ?
Le plus grand risque munichois, il est là : qu'au pied du mur de la guerre totale, mondiale, nucléaire où, d'aveuglements en surenchères, nous serions conduits, les Américains et les Européens, à nous retirer et à abandonner l'Ukraine à son sort, après l'avoir poussée toujours plus loin dans la guerre.
Que répondez-vous à ceux qui vous accusent de reprendre la propagande russe ? Auriez-vous de la sympathie pour le régime de Poutine ?
J'ai été très frappé par le sort qu'ils ont réservé à Amnesty International qui au terme d'une enquête a révélé que l'armée ukrainienne utilisait, comme les Russes, les civils comme boucliers humains en plaçant des sites militaires sous des hôpitaux et des écoles. Ils n'ont pas contesté les constats, ils ont condamné Amnesty International parce qu'en faisant ces révélations, elle faisait soi-disant le jeu de Poutine. Comme si cette ONG pouvait avoir la moindre sympathie pour ce dernier. Donc, il faudrait se taire ou mentir. Je crois qu'il n'y a rien à répondre à ces gens.
J'observe juste que beaucoup d'entre eux utilisaient les mêmes arguments, parfois les mêmes mots, pour soutenir l'intervention américaine en Irak : qu'importe que les preuves américaines de la présence en Irak d'armes de destruction massives soient vraies ou fausse, puisque Saddam Hussein était un tyran, qu'il mentait tout le temps et que si on ne l'arrêtait pas tout de suite, il ne cesserait d'aller toujours plus loin. Résultat, le dictateur éliminé, mais peut-être un million de morts, des millions de réfugiés jetés sur les routes, dans des camps et à la mer, l'émergence de Daech... Eh non, je n'ai pas plus de sympathie pour Poutine que je n'en avais pour Saddam Hussein, mais ce n'est pas le sujet. Le sujet, encore une fois, ce sont les conséquences de ce que nous décidons et où allons-nous ?
Dans un entretien accordé à L'Express, Volodymyr Zelensky a réaffirmé son ambition de revenir aux frontières de 2014, Crimée comprise. Cela vous semble-t-il réaliste ?
Je ne sais pas si c'est une stratégie du "qui réclame le plus" pour, le jour venu, faire semblant de faire une concession. Si c'en est une, je crois qu'elle est très mauvaise parce que tout ce qui nourrit le jusqu'au-boutisme des uns et des autres dans ce conflit me paraît extrêmement dangereux. Et il est totalement déraisonnable de penser que la Russie, je ne dis pas seulement Poutine mais la Russie, acceptera de se séparer de la Crimée qui depuis toujours dans l'esprit des Russes et maintenant, de nouveau, dans les faits, fait partie intégrante du territoire national. Je crois, et je ne suis pas le seul, que toute tentative pour reprendre la Crimée par la force aurait des conséquences incalculables.
Je ne crois pas qu'il soit possible d'humilier à ce point la Russie. Mais si c'était le cas, avec les moyens dont elle dispose, elle deviendrait vraiment le pays le plus dangereux du monde.
Un gaulliste comme vous ne devrait-il pas être le plus fervent soutien de l'Ukraine, qui essaie de préserver sa souveraineté face à l'envahisseur russe ?
Si j'étais Ukrainien, je ferais comme eux. Mais je ne suis pas Ukrainien.
Je ne me souviens pas que de Gaulle ait déclaré la guerre à l'URSS pour rendre leur souveraineté aux pays de l'Europe de l'Est, que le monde libre avait abandonnés à Staline. Ces pays l'ont reprise eux-mêmes. La souveraineté, c'est l'affaire d'un peuple, c'est sa capacité, sa volonté de dire "non" à ce qui menace de l'asservir. Le peuple ukrainien semble en train de forger la sienne, c'est-à-dire cette conscience qu'un peuple a de lui-même, qui s'exprime d'abord dans ce que Malraux appelait "la force du non dans l'Histoire" et qui se forge dans les grandes épreuves.
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Mais la politique des Etats doit se fonder sur les réalités disait de Gaulle. Ces réalités, elles sont géographiques, historiques, culturelles, religieuses. Est-on sûr que tout ce que nous avons fait depuis 1991 a contribué à la prospérité, l'indépendance, la souveraineté du peuple ukrainien ? Est-on sûr que faire durer ce conflit sans chercher les voies compliquées de la paix travaille au bonheur du peuple ukrainien ? Est-on sûr que la généralisation et la montée encore plus aux extrêmes de ce conflit améliorerait le sort de l'Ukraine ? Ou bien l'Ukraine n'est-elle dans le jeu des puissances qu'une pièce sur ce que Brzezinski appelait "le grand échiquier" ? Quelle est la place de l'Ukraine dans le discours qui appelle à mettre la Russie à genoux pour intimider la Chine ?
La France gaullienne, c'est celle qui refuse de se laisser entraîner dans des guerres qu'elle n'aurait pas voulues.
Vous plaidez pour une solution diplomatique. Mais aucun des deux camps ne semble aujourd'hui avoir la volonté de négocier. Zelensky est poussé par son opinion publique qui croit la victoire possible, tandis que Poutine ne veut pas donner l'impression d'une défaite...
Votre question dessine parfaitement l'impasse du jusqu'au-boutisme. Il est temps d'opter pour un peu plus de modération, mais ce n'est pas le chemin qui est pris. C'est pourtant dans cette voie que la France aurait toute sa place.
En 2008, vous étiez le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy au moment de la crise géorgienne. A l'époque, son action fut présentée comme une victoire diplomatique. Mais, rétrospectivement, cette politique d'apaisement n'a-t-elle pas fait le jeu de Poutine, qui s'est senti libre de gagner du terrain, d'abord en Ossétie du Sud et en Abkhazie, puis en Crimée en 2014, et aujourd'hui dans toute l'Ukraine ?
La position de Nicolas Sarkozy et d'Angela Merkel était la seule raisonnable. La faute, c'est de ne pas avoir poursuivi dans cette voie, celle de la neutralisation. La faute, c'est que les partisans de l'entrée de l'Ukraine dans l'Otan et dans l'Union européenne n'ont cessé d'en agiter la promesse comme un chiffon rouge sous les yeux des Russes, bien que les meilleurs spécialistes de géopolitique, notamment américains, aient averti du danger que cela représentait pour la paix. C'était celle que dessinera avec sagesse encore en 2014 Kissinger.
Je constate en tout cas que la négociation de Sarkozy avec Poutine avait sauvé la Géorgie et qu'en 2011, malgré la perte de ces deux provinces pro-russes, Nicolas Sarkozy n'a pas été hué, mais acclamé en sauveur à Tbilissi par une foule immense.
Cela ne vous dérange-t-il pas d'être sur une ligne similaire à celle de Jean-Luc Mélenchon ? Ce dernier n'a d'ailleurs jamais autant invoqué le général de Gaulle, autant sur la Russie que sur la Chine...
Je ne sais pas si je suis sur une ligne similaire : je suis sur la mienne. Quant à de Gaulle, chacun peut se revendiquer de lui, il appartient à tout le monde.
Ne retrouve-t-on pas, au sujet de cette guerre en Ukraine, l'opposition entre d'un côté "pro-européens" qui soutiennent fortement l'Ukraine, et de l'autre des "souverainistes" qui plaident pour la prise en compte des intérêts de la Russie ?
Disons qu'il y a d'un côté ceux qui s'inquiètent des conséquences de ce conflit et du tête-à-queue d'une Europe qui passe de la promesse d'une Europe indépendante à une Europe qui n'a jamais été autant inféodée à la logique des blocs dans laquelle elle a tout à perdre.
Et il y a de l'autre côté ceux pour lesquels l'unité de l'Europe et sa marche vers le fédéralisme sont plus importantes que n'importe quoi d'autre, au point d'y sacrifier les intérêts vitaux du continent, que ce soit sa sécurité, son indépendance politique et économique ou sa cohésion sociale.
Quelles seront les conséquences économiques du conflit en France ? Le soutien des Occidentaux, aujourd'hui toujours fort, à l'Ukraine, pourrait-il s'éroder cet hiver ?
Nos sociétés sont déjà au bord de la rupture, ce nouveau choc pourrait bien les disloquer. La gravité de la situation sociale et morale de la société à la sortie de la pandémie me semble fortement sous-estimée par les dirigeants européens. Ce qui rend celles-ci beaucoup plus vulnérables aux conséquences économiques de la guerre et des sanctions. Il n'est pas du tout sûr que la société russe craque la première. Il faut aussi nous poser la question de savoir ce que deviendra l'Europe si elle se retrouve demain sans matières premières dans un monde fracturé, où la question de la sécurité de ses approvisionnements va devenir cruciale. Dans cette histoire, c'est l'Europe qui a le plus à perdre.
Ma citation du jour:
« La prière demande la constance et la persévérance notamment lorsque nous n'y sommes pas disposés.
D'abord Dieu récompense la volonté et non le sentiment. »
Seigneur, vide moi de moi-même et remplis moi de Toi...
(Saint Pio de Pietrelcina)
Info Pierrefitte:
En ce week-end annuel des journées nationales du patrimoine, je me permets de suggérer à notre Maire et Conseiller départemental: Michel Fourcade ainsi qu'à notre municipalité, de rénover un peu la statue de Frédérick Lemaître (un très grand acteur français du XIXème siècle et qui vécut 15 ans ici à Pierrefitte) qui se situe dans le Parc Henriette Vornière, boulevard Charles de Gaulle.
Jean-Pierre Renard
Ancien Conseiller municipal gaulliste de Pierrefitte Sur Seine
Adhérent de RECONQUÊTE !
PIE XII: Discours aux jeunes époux
30 juillet 1941
Amour païen et amour chrétien
Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 30 juillet 1941
Au cours de vos promenades romaines, bien-aimés fils et filles, vous n’avez pas manqué, dans cette cité unique au monde, de constater avec étonnement à quel point les souvenirs de son passé et les monuments de son présent chrétien se mêlent, se compénètrent et se superposent. Plus particulièrement, quand apparurent à vos regards d’époux chrétiens, de futurs pères et mères chrétiens, les ruines des magnifiques palais et des temples antiques, votre pensée a dû se reporter vers les mœurs et les coutumes de la Rome païenne. A cette époque, parmi la splendeur même des arts et des lettres, s’étalait avec le déclin de l’austérité et de l’intégrité traditionnelles une telle corruption qu’Horace s’écriait : « Des générations fécondes en vices souillèrent d’abord le mariage, la race et les foyers ; de cette source jaillirent tous les maux qui ont submergé la patrie et le peuple. La jeune adolescente se complaît aux voluptueuses danses ioniennes… et, dès ses premières années, rêve d’illicites amours » [1].
Aux fortes et austères familles de la vieille Rome
Sans doute, votre âme s’est détournée de pareilles images pour considérer de préférence les souvenirs de ces antiques, fortes et austères familles romaines qui firent la puissance et la grandeur de Rome, dominatrice du monde : per quos viros… et partum et auctum imperium, « ces hommes de qui l’empire tient sa naissance et son développement » [2]. Vous les avez vus tels qu’ils vivent dans les récits de Tite-Live, ces rudes pères de famille à l’autorité absolue et incontestée, gardiens fidèles de leur gens (le groupe des familles parentes), totalement dévoués au service de la chose publique ; et à leurs côtés vous les avez vues, noblement soumises, ces matrones irréprochables, consacrées aux soins de leur maison, ces matrones qui, avec Cornélie, la mère des Gracques 4, présentaient leurs enfants comme leur plus belle parure, comme leurs plus précieux bijoux : Haec ornamenta sunt mea, « mes parures, les voilà ! ».
Ils ne manquèrent pas complètement, même sous les empereurs, les exemples de familles où les époux vivaient dans une heureuse concorde et se donnaient mutuellement la préférence, foyers où la vertu de la bonne épouse mérite d’autant plus d’éloges que les fautes des autres étaient plus graves 5. Femmes qui, au milieu même de ces temps de terreur où elles se voyaient accusées et mises à mort pour la seule raison d’avoir pleuré le décès de leurs enfants 6, n’étaient pas moins pour leurs maris des modèles de courage et d’esprit de sacrifice. Mères qui accompagnaient leurs enfants fugitifs, épouses qui suivaient leur mari en exil 7, épouses chastes, comme cette Ostoria, dont l’éloge — incomparabilis castitatis femina, « femme d’incomparable chasteté » — est gravé sur un sarcophage récemment découvert dans les grottes vaticanes.
. il manquait de savoir unir l’énergie virile et l’affection humaine.
Et pourtant, lorsque votre regard passe de ces familles païennes aux familles pleinement, grandement, splendidement chrétiennes que vous connaissez tous, votre instinct vous avertit qu’il manque quelque chose aux premières. Il leur manque quelque chose de plus fort encore que l’antique force des Quirites, quelque chose de plus intimement fort, et en même temps de plus chaud, de plus pénétrant, quelque chose de meilleur et de plus profondément humain.
Cette défectuosité ne consisterait-elle pas, irrémédiable misère des sociétés païennes, dans l’impuissance à rester énergique et fort tout en conservant un vrai coeur humain, un coeur capable d’affection sincère et pure, et accessible à la pitié ? Regardez ces vieilles familles romaines dont nous venons d’évoquer les austères qualités. Le jour
Voler. Maxim., lib. IV, cap. 4 init. Tacite, Agricol., c. 6. Tacite, Ann., lib. VI, n. 10. Tacite. Historiar.. lib. I, n. 3.
où elles prirent contact avec les délicatesses et le raffinement de la civilisation grecque et orientale, la passion des perles, des pierres précieuses et de l’or les saisit 8 ; la discipline se relâchant peu à peu — labente paulatim disciplina — elles se précipitèrent en grand nombre — ire coeperunt praecipitesB — dans ces désordres dont saint Paul fut le témoin indigné (cf. Rom. Rm 1,24 et ss.). La rigidité des moeurs ne fit point place à la véritable affection — sine affectione, sine misericordia, écrit l’Apôtre pour qualifier le monde païen de son époque — tout au contraire on vit se déchaîner les passions les plus basses. Le grand empereur Auguste, justement préoccupé du bien public, tenta vainement 10 d’y mettre un frein par ses lois — les lois Juliennes de maritandis ordinibus et de adulteris coercendis et la lex Papia Poppaea sont les plus célèbres — afin de rendre à la famille sa force et sa cohésion : seule la foi dans le Christ Jésus devait y réussir.
Mais la famille chrétienne en connaît le secret par la vie rayonnante du Christ dans les âmes.
L’affection véritable sans dureté comme sans faiblesse, l’amour vrai, inspiré et ennobli par Jésus-Christ, nous l’entrevoyons déjà dans les premières familles de convertis romains, comme les Flavius et les Acilius lors de la persécution de Domitien ; nous en admirons l’éclatante splendeur chez une sainte Paule et une sainte Mélanie.
Mais pourquoi remonter à des siècles si lointains ? N’a-t-on pas vu naguère, dans ces rues mêmes de Rome, une autre épouse dont la vie est ou devrait être bien connue de toutes les mères chrétiennes, la bienheureuse Anne-Marie Taïgi ? Nous n’entendons point vous décrire ici ses visions, ni l’abondance des faveurs extraordinaires dont Dieu l’a comblée. Ne voyez maintenant en elle que la femme de Dominique — l’honnête, mais rude et colérique portefaix de la maison Chigi — la femme de Dominique toujours bonne et souriante. Jusque tard dans la nuit elle attend le retour de son époux ; et quand il rentre fatigué, impatient, mécontent de tout, elle le sert avec humilité et tendresse, supportant tout, acceptant tout avec une angélique douceur. Voyez en même temps sa fermeté à maintenir l’ordre parmi les nombreuses personnes de la maison, ses inlassables
8 Horace, Carm., 3, 24, 28.
9 Tïte-Live, ouvrage cité.
10 Tacite, Ann., lib., 3, n. 25.
efforts pour faire perdre à son mari l’habitude des paroles grossières ; voyez-la, ménagère active et prévoyante, si pauvre soit-elle, entretenir à son foyer sa propre mère et y accueillir plus tard la famille de sa fille et de sa belle-fille ; toujours, même avec des caractères bizarres, difficiles et rudes, elle se montre fille aimante, épouse dévouée, mère, belle-mère et grand-mère admirable.
Le secret d’une pareille vie ? Toujours le même, celui de toutes les vies saintes : le Christ vivant et rayonnant avec sa grâce souveraine dans l’âme docile à en suivre les inspirations et les mouvements. Notre-Seigneur Jésus-Christ a eu seul la puissance de susciter en nos pauvres coeurs humains, blessés et égarés par le péché originel, un amour qui reste pur et fort sans se raidir et se durcir, un amour assez profondément spirituel pour se débarrasser du brutal aiguillon des sens et pour les dominer, tout en conservant intacte sa chaleur et inaltérée sa délicate tendresse. Lui seul, par les exemples et l’action intime de son Coeur enflammé d’amour, a pu réaliser la promesse faite déjà à Israël : Auferam cor lapideum de carne vestra et dabo vobis cor carneum, « J’ôterai de votre chair le coeur de pierre et vous donnerai un coeur de chair » (Ez 36,26). Lui seul sait faire naître et vivre dans les âmes l’affection vraie à la fois tendre et forte, parce que Lui seul peut par sa grâce les délivrer de cet égoïsme inné, plus ou moins conscient, qui empoisonne l’amour purement humain.
Donnez donc au Christ la première place en votre foyer.
Voilà pourquoi, bien-aimés fils et filles, à vous comme à tous ceux qui viennent implorer Notre bénédiction sur leurs nouveaux foyers, Nous adressons cette vive et pressante exhortation : donnez toujours dans vos maisons la première place au Christ Sauveur, Roi et Seigneur de vos familles, lumière qui les éclaire, flamme qui les réchauffe et les égaie, sauvegarde toute-puissante qui en conservera la paix et le bonheur. Cet amour qui vous unit, et que Dieu a voulu marquer du sceau de son sacrement, durera dans la mesure où il restera chrétien et, loin de s’affaiblir et de se dissiper, il deviendra plus intime et plus fort, à mesure que vous avancerez ensemble dans la vie.
Défendez-le contre tout ce qui tendrait à le rendre païen. Que de baptisés, hélas ! ne savent plus s’aimer qu’à la manière des païens ! Perdant de vue le vrai but de leur union tel que la foi le leur a enseigné, ils se soustraient aux devoirs austères, mais salutaires et bienfaisants, de la loi chrétienne ; ils en arrivent peu à peu à dégrader le mariage — que la bénédiction du Christ avait fait si grand et si beau — en une vulgaire association de plaisir et d’intérêt, et à tuer en eux-mêmes tout amour véritable.
Il n’en sera pas ainsi de vous, chers enfants. Votre amour vivra, il durera, et, au milieu même des inévitables vicissitudes de la vie, il fera votre bonheur, parce qu’il restera chrétien, parce que vous ne cesserez point d’en conserver la force intime, cette force que vous puiserez à sa vraie source, c’est-à-dire dans un profond esprit de foi, dans l’accomplissement persévérant des pratiques religieuses que l’Eglise vous commande ou vous conseille, dans une inviolable fidélité aux devoirs de votre état, à tous les devoirs de votre état.
Pour que la grâce divine, toujours plus abondante, vous aide à parcourir jusqu’au bout cette voie de salut et de vraie joie, Nous vous accordons de tout coeur, comme gage des faveurs du ciel, la Bénédiction apostolique.
PIE XII, Pape.
Ma citation du jour:
"L'espoir a deux filles de toute beauté : la colère et la bravoure. La colère face aux choses telles qu'elles sont, et la bravoure nécessaire pour les changer."
(Saint Augustin)
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