Allocution
Inauguration Place Vera Leigh
22 octobre 2021
de Jacques MYARD
Membre Honoraire du Parlement
Maire de Maisons-Laffitte
Président du Cercle Nation et République
Prétextant des attaques polonaises imaginaires, la Wehrmacht agresse la Pologne, défait son armée.Les soldats allemands défilent sur les Champs Elysées.Une nuit noire tombe sur les Nations vaincues d’Europe.
Une nuit sans espoir où chaque bruit, chaque chien qui aboie annonce l’arrivée d’une traction Citroën dont les funestes occupants revêtus de manteaux de cuir noir font irruption, se saisissent avec brutalité des hommes, des femmes et même des enfants, tous emportés dans la nuit vers des destinations inconnues.
Destinations inconnues, inconnues mais certaines, ces hommes, ces femmes connaissent alors les séances de torture, les sinistres baignoires, avant la mort, fusillés dans une clairière.
La France est à genoux, la Pologne martyrisée entre Hitler et Staline tout comme la Tchécoslovaquie.
La vie se fait au jour le jour, sans projet du lendemain.
Mais quelques hommes, une poignée d’abord relèvent la tête au péril de leur vie.
Un homme coupe les fils du téléphone d’une base de la Luftwaffe ; il est fusillé. D’autres patriotes abattent des soldats allemands, provoquant de terribles représailles sur des otages pris au hasard.
Seule l’Angleterre résiste, sous la conduite de l’inflexible Winston Churchill :
« We shall fight on the beaches, we shall fight on the landing grounds, we shall fight in the fields and in the streets, we shall fight in the hills, we shall never surrender ».
Nous nous battrons sur les plages, nous nous battrons sur les lieux de débarquement, nous nous battrons dans les champs et dans les rues, nous nous battrons dans les collines, nous ne nous rendrons jamais ».
W. Churchill aux Communes, le 4 juin 1940.
Le 11 juillet 1940, à Londres, réunion de Churchill, Halifax, Chamberlain et Attlee.
Neville Chamberlain reçoit la mission de créer un nouveau service d’action.
Le 16 juillet Winston Churchill reçoit Hugh Dalton et le nomme à la tête d’un nouveau service, le Special Operations Executive, le SOE. Sa mission, mettre le feu à l’Europe occupée ; « And now set Europe ablaze » résume Churchill.
La mission du SOE est la subversion, la destruction, le sabotage, l’assassinat dont le plus célèbre est l’opération Antropoid qui a éliminé le SS Reinhard Heydrich à Prague le 27 mai 1942.
Le recrutement des agents du SOE fait l’objet d’une sélection rigoureuse, ils sont plus de 13000.
Les agents devaient pouvoir se fondre dans chaque pays, parler la langue des nationaux sans accent, passer inaperçus, être le plus discrets possible.
Vera est née à Leeds, le 17 mars 1903, son nom est Glass mais elle est abandonnée bébé.
Puis elle est adoptée par Eugène Leigh, un Américain marié à une Anglaise.
Eugène Leigh avait son écurie de courses à Maisons-Laffitte, non loin d’ici.
Adulte, Vera fonde une maison de haute couture, place Vendôme en 1927. Elle a 24 ans.
En 1940, elle part pour Lyon, participe à l’évasion de soldats alliés via l’Espagne.
Elle rallie , elle aussi, l’Espagne, internée au camp de Miranda de Ebro, près de Bilbao, puis libérée, rallie l’Angleterre par Gibraltar.
Décidée à combattre, elle est repérée par le SOE.
Son recruteur la dépeint comme une femme d’affaires, intelligente, « a smart businesswoman ».
Le rapport d’instruction la décrit comme étant une femme à tripes « full of guts », « the best shot in the party » le meilleur coup de la fête.
A 40 ans, elle est envoyée en France comme Enseign du First Aid Nursing Yeomanry, les FANY.
Un Lysander de la RAF la dépose dans la vallée du Cher, à l’est de Tours, dans la nuit du 13 au 14 mai 1943.
Arrivée à Neuilly, elle prend contact avec Henri Frager.
« Je viens de la part de Célestin » , « ah oui, le marchand de vin ».
Son nom de code est « Almonet ».
Son identité nouvelle « Suzanne Chavanne ».
Sans tarder, elle commence son travail de renseignement et de liaison.
Elle redécouvre Paris, une ville qui lui est familière, mais le danger est bien là.
Elle connaît trop la vie parisienne et elle y plonge, subjuguée.
Paris en dehors des soldats allemands n’a pas changé, « almost normal » tout est presque normal.
Vera a connu beaucoup de monde, de vieux amis, des relations d’affaires. Il était inévitable qu’elle serait reconnue.
Elle passe du temps avec Julienne Bernard qui est installée dans un immeuble près de la place des Ternes.
Souvent elle rencontre des agents du SOE dans un café de l’autre côté de la place des Ternes ; le 30 octobre 1943 « chez Mas » elle est arrêtée.
Elle est conduite à la prison de Fresnes, enregistrée dans la cellule 410, sous le nom de Suzanne Chavanne.
Elle n’eut pas besoin de tenir le silence pendant 48 h selon la règle du SOE pour permettre aux membres du réseau de détruire tous les documents compromettants et se mettre en sûreté.
L’ennemi connaissait déjà tout de ses activités.
De Fresnes, elle est conduite avenue Foch, au siège de la Gestapo. Puis menottée, elle prend le chemin de Karlsruhe, de la prison.
Le 6 juillet 1944, Vera et ses compagnes sont transportées en camion au camp de Natzweiler Struthof.
Dans la nuit, les quatre femmes Andrée Borrel, Sonia Olschanezky, Diana Rowden et Vera Leigh sont conduites dans une cellule près du four crématoire, droguées au Phénol, elles sont précipitées dans le four.
Vera se défend et griffe le visage de son assassin, Peter Straub.
L’horreur nazi ne sera jamais oubliée.
Nous restons à jamais redevables de toutes ces résistantes, de tous ces résistants qui, au sacrifice de leur vie, ont combattu dans l’ombre le IIIème Reich permettant la victoire.
Le combat, jusqu’au sacrifice suprême, des membres du SOE et des résistants a permis d’écourter la guerre
« Notre Etat-major a estimé qu’au cours de la campagne de France, les forces françaises de l’intérieur équivalaient à quinze divisions, sans les résistants, les membres du SOE, les agents sous l’autorité de l’Etat-major des forces spéciales, la défaite de l’ennemi aurait été bien plus longue et nous aurait coûté davantage de pertes ».
D. Eisenhower, commandant en chef.
104 agents de la section F du SOE sont morts pour la France.
A l’abbaye de Westminster, la Reine Elisabeth II a inauguré un monument à la mémoire de « tous les membres du SOE, de toutes les nationalités qui ont maintenu l’esprit de résistance et sont morts pour la libération des pays occupés ».
En l’église Saint Paul Knightsbridge, un mémorial rend hommage « à la mémoire des agents féminins du FANY ».
Treize noms y sont gravés dont celui de Vera Leigh.
Une plaque à l’église anglicane de Maisons-Laffitte rappelle le sacrifice de Vera.
Mais aujourd’hui en dédiant ce lieu public à Vera Leigh, nous réparons une injustice mémorielle. Jeunesse, souviens-toi.
Au moment où le dernier preux, compagnon de la libération du Général de Gaulle, Henri Germain, va reposer le 11 novembre prochain dans le temple de la résistance du Mont Valérien,
consacrer à Maisons-Laffitte une place Vera Leigh, c’est rappeler avec force et solennité que la France et le Royaume-Uni, ensemble, ont combattu sans relâche jusqu’à la victoire contre l’agresseur nazi pour restaurer notre liberté.
Le Royaume-Uni a décidé de quitter l’Union européenne mais il n’a pas quitté l’Europe et l’entente cordiale restera toujours une entente solidaire, gage et fondement de notre sécurité commune.
« Français, c’est moi Churchill qui vous parle.
Français, pendant plus de trente ans dans la Paix comme dans la guerre, j’ai marché avec vous et je marche encore avec vous aujourd’hui sur la même route. Ce soir, je vous parle au sein même de vos foyers, où que vous soyez et quel que soit votre sort.
Et je répète la prière qui entourait vos louis d’or : Dieu protège la France ».
W. Churchill 21 octobre 1940.
Honneur aux valeureux membres du SOE, aux résistants morts pour notre liberté,
Vive l’amitié franco-britannique scellée à jamais dans un pacte de sang glorieux,
Vive la République,
Vive la France !
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