Henri Guaino : Un mot du Président d'honneur de Notre France
Chers adhérents de Notre France,
Vous venez de tous les horizons, mais comme vous le savez, j’ai appartenu durant trente cinq ans à une famille politique qui était censée s’inscrire dans la continuité du mouvement gaulliste. De la campagne de Maastricht avec Charles Pasqua et Philippe Séguin, à celle de la « Fracture sociale » de Jacques Chirac, du ministère de l’Intérieur à l’Elysée avec Nicolas Sarkozy et à l’Assemblée nationale et comme militant, je lui ai donné, le plus longtemps possible, sans faire de la politique ma profession, le meilleur de moi-même. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour faire élire deux présidents de la République issus de ses rangs. Parce que je pensais que c’était le mieux pour mon pays.
Si j’ai souhaité vous en parler, c’est parce que ce qui arrive aujourd’hui au parti où j’ai si longtemps milité nous concerne tous, quelles qu’aient été nos histoires personnelles.
Et puis aussi, parce que je ne peux pas taire la tristesse que j’éprouve en voyant ce parti qui devrait être le dépositaire d’une haute idée de la France et de l’Etat achever de se disloquer dans les déchirements et les rancœurs.
De ces déchirements, je connais tous les protagonistes. Je ne lancerai à l’encontre d’aucun d’entre eux des accusations de trahison, mot que l’on devrait réserver pour des actes autrement plus graves et pour des causes autrement plus grandes.
Je n’en pense pas moins, mais je ne trainerai pas Renaud Muselier dans la boue, pas plus que je ne traiterai Thierry Mariani de fasciste. Pourquoi faire? Trop de choses nous ont liés dans le passé pour que je me laisse aller à ces anathèmes d’autant plus vains que les déchirures actuelles ont des causes qui dépassent de beaucoup les acteurs du dernier épisode en date de l’histoire d’une longue dérive dont ils ne sont au fond que les produits.
De renoncements en reniements, la roue de l’histoire a tourné.
Ceux qui réduisent toute la politique au front républicain contre le danger lepéniste n’ont pas compris que les lignes Maginot rendent plus vulnérables qu’elles ne protègent parce que la fausse sécurité qu’elles donnent conduit toujours à empêcher les remises en cause salutaires qui permettraient d’éviter la défaite.
Ceux qui disent que LREM, c’est le centre et que l ‘alliance avec le centre est naturelle pour la droite ne voient-ils pas que LREM, ce n’est pas le centre au sens du juste milieu entre la droite et la gauche, que ce n’est pas le dépassement de la droite et de la gauche mais que c’est l’un des courants de pensée les plus engagés dans une politique de démolition systématique de tout ce qui fait la France? Ils oublient aussi qu’il y a plusieurs droites et que la vraie question est de savoir si le courant dominant des droites est celui de l’autorité de l’Etat, celui qui veut maintenir la France envers et contre tout, celui qui ne dissocie pas la question sociale et la question nationale, qui veut, ensemble, l’ordre et le mouvement, la tradition et le progrès, ou si c’est le courant orléaniste, libéral, celui de l’utilitarisme, de l’individualisme, ou si c’est, tout simplement, l’éternel courant de tous les renoncements, de toutes les lâchetés.
Le premier courant, que j’appelle le courant gaullo bonapartiste, ayant été annihilé par tous ceux qui, dans la classe politique, voulaient réduire la vie politique à la seule alternance entre un centre droit libéral et un centre gauche social-libéral, la base sociologique de ce que fut le RPR à ses débuts s’est rétrécie, perdant peu à peu la large assise populaire qui avait été celle du gaullisme.
Comme pour le parti socialiste, qui a suivi, à gauche, le même chemin, l’idéal politique partagé, qui constitue le ciment de toute famille politique, a disparu. Nous en voyons les effets: il n’y a plus de famille, seulement l’appareil d’un parti qui se mue en simple cartel électoral distribuant des investitures et qui ne peut plus résister aux forces d’éclatement qu’engendrent les tensions qui travaillent notre société en crise.
LR n’est pas étouffé entre LREM et RN, il est écartelé entre les deux. Ceux qui pensent, qu’une alliance avec Emmanuel Macron pour la présidentielle permettrait à LR, dans l’après Macron, de récupérer l’électorat qui est parti « en marche » et de revenir ainsi au temps de l’UMP font un pari perdu d’avance. Ils oublient que le temps a passé, ils oublient le bilan du macronisme et la radicalisation des oppositions qui leur ferait perdre d’un côté ce qu’ils pourraient gagner de l’autre. L’alliance avec le RN, qui se traduirait aussi par la fusion-absorption d’une fraction de ce qui reste de l’électorat de LR, ne serait pas davantage féconde électoralement.
Tous ces petits calculs, qui confondent la politique avec les OPA et les contre OPA du monde des affaires appliquées aux électorats, sont, en réalité, de mauvais calculs. A la vérité, dans les désordres actuels du monde et de la civilisation, il n’y a d’autre issue salutaire pour l’équilibre de notre démocratie que la renaissance du vieux courant qui a toujours oeuvré au maintien de la France quand elle menaçait de se défaire.
Je veux le dire à tous ceux, nombreux, qui parmi les élus et les militants des Républicains sont restés mes amis: à la fin, qu’on le veuille ou non, bonnes ou mauvaises, pour le meilleur comme pour le pire, ce sont toujours les idées qui gagnent et qui gouvernent le monde. Il faudra donc bien finir par revenir à l’essentiel et, pour chacun, se demander à quoi il croit, le dire et en tirer les conséquences. Après les élections régionales, la grande échéance sera celle de la présidentielle et comme l’a voulu le général De Gaulle, ce sera celle de la Nation et de l’idée que chacun s’en fait au delà de son parti quand il en a encore un. Quand tous les partis sont en crise, il faut que chacun trouve sa boussole en lui-même, dans sa conscience. C’est de cet effort que renaîtront les grandes familles politiques françaises.
Chers adhérents de Notre France, chers amis ou chers compagnons, comme nous avions encore l’habitude de nous appeler au sein du mouvement gaulliste, du temps des Messmer, des Chaban, des Pasqua, des Séguin, vous trouverez ci-dessous le lien de l’enregistrement vidéo de mon dernier discours devant le conseil national des Républicains, en 2016, https://www.youtube.com/watch?v=xkga5aG4m4w où je disais ce que j’avais sur le cœur et ce à quoi je croyais.
Il dit encore ce à quoi je crois.
En toute amitié.
Henri Guaino
Les commentaires récents