Mon discours pour Arnaud Beltrame.
Le 24 mars 2018, Arnaud Beltrame, lieutenant-colonel de Gendarmerie, mourait des suites de ses blessures. Il mourait en confiant à sa mère, humblement : « J'ai fait mon devoir ». La veille, son sacrifice avait ému, bouleversé, sidéré toute la France. Il avait payé de sa vie, il avait offert sa vie pour la défense de ses compatriotes.
Arnaud Beltrame a rencontré son destin. Un destin immense, hors du commun avec, pour humble décor, un banal supermarché de Trèbes, près de Carcassonne.
Le geste de cet homme, de ce gendarme est, au sens propre, exceptionnel. Alors que le terroriste islamiste a déjà tué deux personnes, il propose de se substituer à l'un des otages, une caissière d'une quarantaine d'années.
Donner sa vie. S’oublier totalement. Mettre en balance son existence. Pour une inconnue. Pour sauver une vie innocente. Le don de soi dans sa plus parfaite, dans sa plus pure expression.
Pendant près de trois heures, Arnaud Beltrame entame alors un dialogue avec celui qui sera son assassin, afin d'éviter que le sang ne coule encore. Une bataille de mots. Une grammaire de l'impossible. Entre un patriote et un homme, d'origine marocaine, qui s'est retourné contre son pays d'adoption. Entre un terroriste islamiste et une France généreuse qui lui avait offert sa précieuse nationalité quatre années plus tôt.
Les arguments n'ont pas suffi. Le verbe s'est écrasé contre le mur du fanatisme. Il n’y a plus de place alors que pour un corps-à-corps sauvage avec celui qui n’est autre que le messager de la mort. Et cet acte d'un courage inouï : au cours de cette lutte d'homme à homme, Arnaud Beltrame a le temps d'alerter les renforts, en criant « à l'assaut ! »
Les derniers mots d'un combattant de France, d'un soldat comme on n’en voit plus que dans les livres d'histoire. Du moins ceux que l’on n'a pas encore expurgé de toute trace de grandeur.
Arnaud Beltrame meurt sous le couteau de l'égorgeur mais, grâce à lui, les forces d'intervention ont pu pénétrer et éliminer le terroriste.
Comment aborder cet acte de courage ? Comment le comprendre ? Comment, d’une certaine façon, le faire nôtre ? Au fond, nous sommes là aujourd'hui pour cela. Pour interroger et pour nous interroger.
Dans une époque où parfois, souvent, les actions les plus nobles sont tournées en dérision, Arnaud Beltrame nous rappelle que la Patrie, qui est en vérité l’amour de l'Autre, existe encore.
Son engagement chrétien, son retour à la Foi, sa proximité avec les chanoines de Lagrasse n'y étaient sûrement pas étrangers. Mais on peut compter sur bien des journalistes et quelques autres encore pour ne pas insister sur ce point quelque peu dérangeant dans une époque, dans notre époque du « tout se vaut et, donc, rien ne vaut ». Où le salut, l’aspiration à l’au-delà, la quête du sacré, la rédemption sont moqués.
A Béziers, nous honorons cet homme magnifique, ce Français mort la tête haute. Nous avons voulu que notre beau Plateau des poètes porte la marque de ce héros. Qu'au milieu des enfants qui jouent, sous les arbres imposants, nos regards puissent s'arrêter, parfois, sur ce nom. Pour ne pas oublier ce que signifie être français !
Robert Menard
Maire de Béziers
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