Lettre ouverte à Alain Juppé, le 22 novembre 2016
Cher Alain,
Nous nous connaissons depuis des dizaines d’années, lorsque tu étais à la Mairie de Paris, au début des années 1980. Nous avons siégé dans le même gouvernement lorsqu’Edouard Balladur en était le Premier Ministre. Je t’ai apprécié, même si nous avons eu de multiples divergences, souvent superficielles, rarement au fond.
Lorsque tu as décidé de te présenter à la primaire de la Droite et du Centre, bien qu’étant derrière François Fillon sans jamais hésiter, j’ai vu ta candidature avec sympathie. Le débat, ai-je pensé, allait être d’une haute tenue, d’ailleurs le premier tour l’a été.
Il est vrai que tu te voyais déjà Président de la République, les sondages t’avaient placé depuis si longtemps en tête sans que personne ne puisse espérer te dépasser. C’était ton rêve depuis 1988. Je te rappelle que tu nous avais annoncé, lors d’un dîner restreint au ministère du budget en janvier 1988, que tu voulais être Président de la République. Nous aurions pu te suivre à cette époque…
Mais le premier tour de la primaire a dû être pour toi une grande déception. Si tu avais été digne, tu aurais abandonné la compétition, l’écart entre ton score (28,5%) et celui de François Fillon (44,1%) étant sans appel. Cette décision aurait sans aucun doute réuni notre famille politique, et j’avais pensé que tu y étais favorable, toi qui, depuis si longtemps, a prôné l’unité.
Tu as voulu continuer. C’est notre démocratie de la primaire, c’est la « démocratie ». Nous nous attendions à un débat éthique, passionné mais digne. Or, ton attitude est devenue inacceptable. Tu es agressif, utilisant des arguments falsifiés, mensongers, attaquant l’homme plus que son programme. Certains de nos amis qui te regardent et t’écoutent sont abasourdis.
As-tu perdu la tête ? Que t’arrive-t-il, toi qui as été, je le rappelle, à l’origine de l’UMP, toi qui as été Premier ministre de Jacques Chirac, toi qui as été ministre d’Etat de Nicolas Sarkozy ?
Comment oser affirmer que François Fillon soit contre l’avortement et veuille en abolir la loi ? Dis-toi bien que s’il en avait été ainsi, je ne l’aurais pas soutenu, moi qui suis chirurgien et qui ai vu les ravages mortels de l’avortement clandestin. J’ai vu mourir des jeunes filles aux urgences de l’hôpital qui s’étaient faites avorter dans des arrière-boutiques de faiseuses d’anges. Ton affirmation est non seulement fausse, mais aussi et surtout nauséabonde.
Il en va aussi du mariage entre personnes de même sexe. Tu oses affirmer que François Fillon y est opposé, alors qu’il a dit et écrit à plusieurs reprises le contraire. Ton affirmation est à nouveau nauséabonde.
Tu voudrais faire passer François Fillon pour un extrémiste, à la limite fasciste, alors qu’il est tout le contraire et tu le sais. Il est démocrate, libéral et de droite, mais de cette droite moderne et modérée, luttant contre l’extrême-droite et tous les extrêmes avec toute sa force et son âme.
Ces accusations de ta part sont monstrueuses et inacceptables.
Mais que cherches-tu ? Au lieu de prendre de la hauteur et de débattre devant les Français, tu tombes dans la fange. J’en suis attristé et même révolté !
Tout le monde s’accordera à dire que je n’étais pas sarkozyste, mais lui, au moins, a fait preuve d’élégance et d’un vrai sens éthique en annonçant son retrait et en demandant à ses amis de se réunir avec ceux de François Fillon.
Je me suis donc trompé sur toi. Tu es devenu méchant et menteur. Quel est ton but : être Président ? Tu sais au fond de toi que cela n’est plus possible. Salir ton camp par des mensonges éhontés n’est pas acceptable. As-tu donc oublié tes fonctions antérieures ? Je suis triste et révolté, je voulais te le dire avec force.
Bernard DEBRE
Ancien ministre
Député LR de Paris
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