Mon souffle est lié au tien !
Lettre d’Edith Piaf à Marcel Cerdan
Vendredi 10 juin 1949
Mon bel amour,
Quand tu recevras cette lettre, tu seras bien près du grand jour, et moi, mon cœur battra de plus en plus vite. Mon Dieu, si tu savais comme cela me rend malade à chaque fois. Dis ! Tu pourrais pas plutôt t'occuper de fruits et primeurs ? Y en a marre de tes conneries ! Chéri, tu vas être merveilleux comme à l'habitude. D'abord, j'ai vu cinq mariées en allant prier pour toi et j'ai senti l'odeur des roses et puis je t'aime si fort, que veux-tu qu'il arrive [d']autre que du bonheur, hein ?
J'ai chanté hier au Murat, Dalio et Berneim sont venus, ils sont vraiment chouettes tous les deux. Je chante maintenant « La Petite Marie » et « Les amoureux chantent », je crois vraiment que je tiens là deux gros succès pour moi et pour notre édition. Yvette Giraud travaille avec moi dans les galas, c'est une chic fille. le chanteur corse casse tout ! Marrant, hein ? Aujourd'hui, j'ai fait pleurer Solange mais, tu sais, elle est vraiment con la pauvre, mais je l'aime bien quand même, elle fait partie de mes faiblesses. Je crois que je vais avoir une belle première. Nous aurons notre première presque ensemble à trois heures de différence, je suis contente, cela m'aidera à attendre.
Ce soir, je préside, comme je t'ai dit, le dîner de la rose. J'y vais avec la Marquise et la Lévitan. Je [me] demande ce que tu m'as fait, mais vraiment, je t'aime, je m'en rends compte chaque jour de plus en plus à des petits détails que tu ignores mais qui comptent terriblement pour moi. Dès que je pense qu'une chose peut te faire de la peine, même si tu ne le sauras jamais eh bien, il n'y a rien à faire, c'est plus fort que moi, je ne peux pas la faire. J'imagine tes beaux yeux chéris posés sur moi et j'ai comme l'impression d'être mise à nu. Quelle puissance et quelle domination tu as sur moi ! Vrai de vrai, tu m'as bien eue ! Chéri ! N'oublie pas tes médailles, pense à moi. Si tu peux aller à l'église cinq minutes le jour du combat, vas-y ! Mon petit que j'adore, à tes pieds que j'aime, je suis à toi, tout à toi. Mon souffle est lié au tien. Je suis tout ce que tu veux, ton esclave, ta servante, ta maîtresse et surtout celle qui t'aime. Oh ! Qui t'aime, plus que jamais. Personne ne t'a aimé et ne t'aimera jamais plus que moi. Au revoir, mon petit maître adoré, mon seigneur si grand. Je t'aime, t'aime, t'aime. Moi.
EDITH PIAF
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