Il est souvent cruel, mais révélateur, de revenir sur les analyses de grands spécialistes ou chercheurs plusieurs mois ouannées plus tard, cela permet néanmoins de relativiser quelque peu les raisonnements et observations de ces éruditsaux titres ronflants, régulièrement interrogés et consultés par les médias. Ainsi, par exemple, Frédéric Lenoir, directeur du "Monde des Religions", bimestriel appartenant au groupe "Le Monde", élève de notre "cher" Edgar Morin, qui titrait ainsi son éditorial du 24 janvier 2011 : "la Tunisie ne risque pas de contagion islamiste"…
Et de nous expliquer doctement que la Révolution du Jasmin est "un espoir pour les démocrates du monde entier", que la Tunisie est le pays où la probabilité d'une contagion islamiste est pratiquement nulle en raison du haut niveau d'éducation et de sa proximité avec la France où réside une importante communauté tunisienne.
D'ailleurs, dit-il, la France a commis une grosse erreur d'analyse en n'aidant pas la révolution, "une grande majorité des Tunisiens n'aspire pas à un régime islamiste".
Un deuxième et dernier exemple, car la liste serait longue et fastidieuse. Vincent Geisser est sociologue et politologue, chercheur au CNRS et à l'IREMAM (l'Institut de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman). Détaché à l’Institut français du Proche-Orient (IFPO, Département des études contemporaines) en septembre 2011. Toujours dans "Le Monde des Religions" du même 24 janvier 2011, ce spécialiste reconnu du monde arabe et du Proche-Orient, nous fait profiter de sa sagesse et veut nous convaincre que "les islamistes ont manqué la révolution du Jasmin". Il note cependant, pour ne pas prendre de risques qu' "on peut craindre un retour des islamistes sur le devant de la scène politique car ils sont déjà présents, tapis".
Rendons hommage à une des rares qui a vu juste, Fadela Amara, déclarant à l'époque "s'attendre à une confiscation
religieuse de la révolution du Jasmin, non pas par les "barbus", mais par des islamistes réformistes dissimulés".
Il n'est pas nécessaire d'avoir fait de hautes études ou d'être devin, pour prévoir la vague islamiste qui va déferler
progressivement sur l'Afrique du Nord et au Moyen-Orient à moyen terme.
Elle aura des visages différents selon les pays, mais inéluctablement la théorie des dominos va se confirmer.
Il est vrai, à la décharge de ces experts confortablement installés à Paris, qu'il est plus facile de se rendre compte de ces bouleversements lorsqu'on habite au cœur du conflit, comme c'est notre cas, en Israël.
Nous savons, à la fois comme Juifs, lorsqu'Hitler gagna les élections en Allemagne en 1933, et comme Israéliens lorsque le Hamas sortit vainqueur de la dernière et fort éloignée consultation populaire palestinienne, que les extrémistes, les fondamentalistes et les fascistes utilisent toujours la voie démocratique pour s'accaparer le pouvoir et le confisquer à leur profit.
Le parti tunisien islamiste Ennahda sort vainqueur des élections, il suivra la voie du grand frère turc, le Parti de la Justice et du Développement (AKP) qui grappille quotidiennement, sous la houlette d'Erdogan, la laïcité et les libertés en général.
Pas besoin d'être un savant pour comprendre que le parti des Frères musulmans prendra une place prépondérante aux prochaines élections égyptiennes.
En Libye, c'est déjà fait, le CNT est composé essentiellement d'islamistes d'Al Qaïda dont certains, comme le gouverneur militaire de Tripoli, combattirent en Afghanistan et furent même emprisonnés par les Américains. D'ailleurs, ils viennent d'instaurer la charia.
Il n'y a plus qu'Alain Juppé et BHL pour croire naïvement aux vertus de la démocratie dans les pays arabes et en particulier au Maghreb, sous la protection bienveillante de cette "grande puissance qu'est la France", patrie des droits de l'Homme.
Les Français feraient bien de s'inquiéter de ce qui se passe dans leur propre pays, car il y a de quoi se poser quelques questions lorsque 4 sièges sur 10 prévus pour les Tunisiens de France, qui sont 500.000, sont raflés par les islamistes.
La contagion en Algérie et au Maroc n'est qu'une question de temps.
Assurément, il faut éliminer la dictature de Bashar el-Assad en Syrie, mais qui peut croire que ce sont les démocrates, si tant est qu'il y en ait, qui prendront le pouvoir. Nous savons que ce sont les islamistes qui s'affrontent aux forces de sécurité syrienne.
Pour Israël, c'est blanc bonnet ou bonnet blanc, mais cela signifie aussi la mise hors d'état de nuire pour
un bon bout de temps de l'armée syrienne et la neutralisation de facto du Hezbollah privé d'un appui essentiel, considéré comme hostile par le peuple syrien pour avoir soutenu Assad.
Les coups de boutoir islamistes se ressentent aussi en Jordanie et dans de nombreux pays du Golfe.
Et l'on voit bien que lorsque les islamistes sont au pouvoir, qu'ils soient barbus ou habillés à l'occidentale, cela implique systématiquement instabilité et terrorisme.
Morale et politique sont deux concepts totalement étrangers l'un à l'autre.
Les dictateurs et les monarques corrompus, ce n'était pas très politiquement correct, mais lorsque le Shah d'Iran a été abandonné, il a été remplacé par les ayatollahs, Ben Ali par les islamistes, Moubarak probablement par les Frères musulmans, Kadhafi par Al Qaïda, la morale a-t-elle gagné au change ?
Lorsque, vision cauchemardesque suprême, tomberont l'Algérie et le Maroc, que fera "la France de la
diversité" ?
La boîte de Pandore ouverte par Paris et les Occidentaux n'est pas prête de se refermer.
L'Etat d'Israël, quant à lui, saura faire face à toutes les situations : tyrans laïques, islamo-conservateurs "bon teints" ou barbus. Nous sommes réalistes, les uns sont la peste, les autres le choléra, ils ont tous un point commun : la barbarie.
Mais Tsahal veille…
Un ami français non-juif me disait un jour : "au moins vous, les Juifs, avez un refuge en cas de malheur, mais nous, non- juifs, nous n'avons nulle part où aller".
Alors, avant qu'il ne soit trop tard, pour ceux que cela concerne, quand est-ce que vous allez vous décider à revenir dans votre pays, Israël ?
Marc Femsohn
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