Je pense à eux tous les jours. Ils ne me quittent jamais. Ils ont fait ce que je suis. Ils sont la raison de mon engagement, de mon patriotisme, de mon sionisme. Lundi, comme d‘habitude, ils seront avec moi, ils seront dans mon coeur. Lundi, ce sera Yom Ha Shoah, et tout Israël se figera pendant deux minutes pour leur rendre hommage. Mais deux minutes suffisent-elles à honorer la mémoire de six millions des nôtres et les souffrances des rescapés?
Si je vis aujourd‘hui sur la Terre du Peuple juif, c’est aussi pour que leur sacrifice et leurs souffrances n’aient pas été vains.
Pour tous les miens, comme Ida, âgée d’un an, et ses parents, Brana et Mozes arrêtés à Anvers par les nazis et le collabo flamand Staf De Clercq, une référence pour le Vlaams Belang,
Alors qu’ils avaient la nationalité belge et bénéficiaient de la protection de la Reine Elisabeth, ils furent envoyés, en septembre 1943, par le convoi 22B (B=Belges), à Auschwitz où ils furent immédiatement gazés.
Pour ceux qui ont disparu dans le ghetto de Lodz. Pour Rywka, ma grand-mère, de la trempe des héros, arrêtée à Bruxelles, qui survécut à l’enfer du bloc n°10 d’Auschwitz, celui des expériences de Clauberg et Mengele, à la marche de la mort et à Bergen-Belsen.
Pour ces enfants cachés, Sarah et Samy, pour Jacqui et Sonia, à qui Léon Degrelle (fasciste, collaborateur, colonel de la division SS Wallonie, ami de Le Pen qui ne condamna jamais ses crimes) et l’occupant nazi volèrent leur famille et leur jeunesse.
Ils m’ont guidé vers Israël, seule issue possible. D’autres, beaucoup d’autres, ont fait ce choix de vivre en Juifs libres sur notre Terre d’Israël pour perpétuer la mémoire de leurs proches et les valeurs transmises par les survivants.
Que ce soit Cécile, Rosy ou Marc, amputés d’un frère, dont les parents, Hélène et Aron, rescapés d’Auschwitz, incarnèrent le combat pour les valeurs sionistes et la fierté du judaïsme ressuscité.
Que ce soit Sylvain, sauvé des griffes de la Gestapo et de la milice française en étant caché, avec sa mère, dans le service des maladies contagieuses de l’hôpital de Tours, qui ne connut jamais son père, assassiné à Auschwitz.
Nous, enfants, petits-enfants de la Shoah, sommes les héritiers de ces héros, nous sommes leur mémoire, par notre présence sur notre Terre ancestrale, en engendrant de nouvelles générations d’Israéliens, de soldats de Tsahal se rendant à Auschwitz en uniforme, brandissant fièrement le drapeau de l’Etat d’Israël pour puiser, au cœur de la tragédie du Peuple juif, cette force et cette moralité indispensables tant pour la défense du pays que pour le combat contre la bête immonde.
Lundi, Israël tout entier se lèvera contre le fascisme, contre la dictature, contre le racisme, contre l’arbitraire, contre la peste brune, celle qui relève la tête, celle qui, sous de jolis, mais trompeurs attraits, tente de faire oublier son héritage. Ils sont toujours là, ils n’ont pas changé.
Et il faut vraiment être naïf pour attribuer un brevet de bonne conduite à celle qui vient d’exclure un nazillon.
Est-elle prête à faire la vraie grande lessive, en expulsant son vice-président, condamné pour contestation de crime contre l’humanité à cause de ses propos mettant en doute l’existence des chambres à gaz, en reniant son propre père, en coupant tout contact avec les anciens collabos et ceux qui revendiquent cet héritage maurassien et pétainiste ?
Et qu’on ne me dise pas que je n’ai pas idée de la réalité du terrain, car la Seine Saint Denis, le nord et l’est de Paris, je les connais, j’y ai vécu, ma famille y habite encore, j’y retourne régulièrement, je suis conscient des difficultés quotidiennes pour la communauté. Les ennemis de nos ennemis sont-ils forcément nos amis, nos alliés?
Il faut aller se promener sur les sites internet du FN de Marine Le Pen, sur ceux de ses candidats aux dernières cantonales, sur leurs liens, à un ou deux clics, vous saurez qu’on n’évoque plus les Juifs (cela pourrait tomber sous le coup de la loi), même plus les Sionistes (cela pourrait causer du tort à la blonde), mais demandez-vous qui sont « les habiroux » (bizarre, cela ressemblerait bien à « hébreu », mais non, je dois être parano…), et vous y verrez aussi ce qu’on pense d’Israël. Vous aurez la nausée.
Mais si vous interpellez les dirigeants du FN, ils vous répondront qu’ils ne sont pas responsables des déclarations, des prises de position de tous leurs adhérents et qu’ils sont victimes d’entrisme…Il y a la façade, elle a été ravalée, mais le cœur du bâtiment est toujours aussi pourri.
L’année prochaine, Yom Ha Shoah sera commémoré le 19 avril et, trois jours plus tard, se déroulera le premier tour de scrutin de l’élection présidentielle en France. Une manière de se rappeler au bon souvenir de certains Juifs tentés de succomber aux sirènes du populisme lepéniste et aussi, je ne les oublie pas, à celles des pestes rouge et verte, incitant à la haine et au boycott d’Israël.
Chaque bulletin, portant le nom d’un candidat représentant un de ces partis, déposé dans l’urne par un Juif, serait une profanation de la mémoire de la petite Ida, de nos 6 millions de disparus, une gifle pour les survivants, une souillure pour le Peuple juif, un coup de poignard pour Israël.
Chaque Juif avec sa conscience…
Nos pensées, vont ce soir, à Guilad Shalit, détenu depuis 1780 jours par le Hamas. Ses parents sont toujours sans nouvelles. Les visites, même celles de la Croix-Rouge, lui sont interdites…
Marc Femsohn
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