Cette semaine de Pessah, au cours de laquelle nous célébrons la libération de notre Peuple, est l'occasion de tenter d'aborder, même très succinctement, un thème ardu, celui de l'Etat d'Israël, juif et démocratique.
Un débat passionnant et passionné qui me vaudra certainement beaucoup d'ennemis politiques tout azimut, ce qui me confortera dans l'idée que je suis dans le juste milieu raisonnable, celui du compromis entre la sacralité du judaïsme d'une part, et le sionisme démocratique par le retour à la terre et à la langue, d'autre part.
L'Etat d'Israël des temps modernes, celui qui est né en 1948, est le fruit d'une idéologie et d'un mouvement de libération nationale qui ont pour nom le sionisme. Nous pouvons être particulièrement fiers du fait que nous, Juifs, avons réussi à créer notre Etat alors que nous venions d'être amputés de la moitié de notre Peuple tant dans les camps nazis que dans ceux de l'Union soviétique.
Et pour nos ennemis, d'antan comme d'aujourd'hui, judaïsme, sionisme et démocratie sont liés. Pour les nazis, pas de différence puisqu'il s'agissait d'une question de race. Nous étions un peuple de sous-hommes, peu importe que nous fumes religieux ou laïcs, de droite comme de gauche, le but était notre destruction totale.
Chez les communistes, quelque fut la période, la distinction fut plus subtile ou plus sournoise. En effet, de nombreux juifs (mais l'étaient-ils encore?) s'étant égarés dans la dictature du prolétariat, l'Internationale communiste ne pouvant pas être antisémite, les Juifs furent donc pourchassés et condamnés pour capitalisme "petit-bourgeois", pour social-démocratie et pour "déviationnisme sioniste", le néologisme "déviasionisme" aurait été plus adapté.
De même, les ennemis d'Israël ne font pas de différence. Que ce soit al Qaïda où le Hamas, l'Autorité palestinienne ou le Hezbollah, mais aussi dans les pays qui ne sont pas en confrontation directe avec nous, dans le langage familier de la "rue arabe", dans les médias non destinés à être lus par des Occidentaux, on utilise le mot "yahoud" (juif) pour évoquer les Israéliens, une manière de nier l'essence même de l'Etat d'Israël.
En tant qu'Israélien, je sais gré à nos ennemis de nous indiquer, paradoxalement, la voie à suivre.
En effet, et comment cela n'apparaît-il pas évident aux yeux de la communauté internationale, les ennemis d'Israël et du Peuple juif furent et sont TOUJOURS les dictatures, car les Juifs furent à l'avant-garde de la démocratie, TOUJOURS le terrorisme, car nous sommes une démocratie sioniste forte, combative et éclairée, et TOUJOURS les idéologies racistes, car nous sommes une démocratie juive.
Pourquoi ne pas nous retrouver sur ces valeurs fondamentales, judaïsme et démocratie sioniste, quelles que soient nos idées politiques, que nous soyons laïcs, religieux, ultra-orthodoxes, sépharades ou ashkénazes?
Le judaïsme doit être partie intégrante du sionisme laïc, au nom même de cette démocratie sioniste indissociable de cette religion qui est le ciment de notre Peuple depuis des milliers d'années et qui nous a permis de retourner sur notre terre et de parler notre langue. L'Israélien laïc n'est pas astreint au respect des obligations religieuses, mais il doit accepter de se voir assigner une identité juive afin d'assurer sa propre pérennité.
Le judaïsme religieux devrait, quant à lui, peut-être tenir compte davantage des réalités du 21ème siècle, de comprendre qu'Eretz Israël est un doux rêve et qu'il faudra se contenter de Médinat Israël avec des arrangements territoriaux, que tous les laïcs ne sont pas des traîtres "smolanim" (gauchistes), que la Cour suprême est la garante de la légalité, qu'elle doit être respectée quand bien même serait-elle en opposition avec l'avis des rabbins.
Les ultra-orthodoxes devraient se persuader que l'Etat d'Israël n'est pas et ne sera pas une théocratie régie par la Halakha, mais par un gouvernement démocratiquement élu, qu'il lui faudra participer davantage à l'effort national, par le biais d'un service militaire ou civil, par exemple, ce qui lui permettra de retrouver le respect dû à sa communauté et sa place dans la société israélienne.
Cela s'appelle l'art du compromis. Ne sommes-nous pas les spécialistes du "pilpoul" ?
L'Etat d'Israël, juif et démocratique, donnera ainsi l'occasion au "nouvel Hébreu", celui des temps modernes, de s'accomplir pleinement, qu'il porte ou non la kippa, qu'il habite à Ramat Aviv, à Jérusalem ou à Bney Brak.
Place donc à l' "homo ebraicus".
Nos pensées, vont ce soir, à Guilad Shalit, détenu depuis 1773 jours par le Hamas. Ses parents sont toujours sans nouvelles. Les visites, même celles de la Croix-Rouge, lui sont interdites…
Marc Femsohn
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