Xavier LEMOINE, maire de Montfermeil a été auditionné à l'Assemblée
Nationale ,par la mission d'information parlementaire sur le droit de
la nationalité en France, mercredi dernier 16 février 2011.
Cette mission présidée par Manuel Walls (PS) a comme rapporteur Claude
GOASGUEN(UMP).
Je vous joins le préambule de son exposé et vous invite à suivre
l'audition sur :
Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je vous remercie de m’accueillir à l’Assemblée Nationale au sein de votre mission parlementaire en charge de réfléchir sur le « Droit de la Nationalité en France ». Cette question sur laquelle vous m’interrogez sera traitée, de ma part, fort d’une expérience de 25 années en Seine-Saint-Denis, ce qui permet de saisir me semble t-il les dynamiques qui sont à l’œuvre dans un Département que je prétends être aux avant-postes de l’Histoire de France. Et être aux avant-postes ne signifie nullement se situer dans une originalité qui resterait comme par enchantement strictement circonscrite à ce territoire mais bien comme l’avant gout de ce qui nous attend tous au niveau national et ce dans un temps très court tant les bascules démographiques à l’œuvre depuis quelques décennies rendent les évolutions inexorables tout au moins à vue humaine. En bon marin que je suis resté dans l’âme, mon devoir d’élu est le même que celui de tout commandant de vaisseau avant de prendre la mer, c’est de préparer son bâtiment ou son pays à toutes les éventualités de la navigation hauturière en envisageant le pire et en espérant le meilleur. Le pire n’est jamais sûr, certes il l’est d’autant moins qu’il a été anticipé et le meilleur peut agréablement nous surprendre d’autant plus qu’on l’a rendu possible.
Pardonnez-moi ce préambule peut être prétentieux à vos yeux mais je crains que nous ne soyons cet après-midi au chevet d’un malade en comma dépassé et qu’à force de l’examiner, son état nous dicte l’impossibilité de le transporter, en d’autres mots et concernant le sujet précis de votre étude qu’il n’y ait finalement non pas que peu de choses à changer à ce droit de la nationalité mais bien davantage qu’il n’y ait plus rien à changer tant il apparait que finalement la question n’est plus là. Le corps est encore chaud mais l’esprit l’a déjà quitté.
Permettez-moi un premier indice pour éclaircir mon propos.
L’intitulé même de votre mission d’information parlementaire porte en lui une orientation très forte qui connote de manière unilatérale la question traitée.
Le Droit de la Nationalité en France :
Il est tout à fait exact qu’il y ait un Droit de la Nationalité comme il y a un Droit des affaires. Mais ce mot est déjà surement davantage compris comme l’existence, l’ouverture d’un droit comme on ouvre des droits aux RMI ou aux ASSEDIC.
Deuxièmement, le petit adverbe « de » droit »de » la Nationalité éclairé par cette impression de posséder un droit sur cette matière, ce petit adverbe se prononce bien « de » mais s’entend, se comprend, comme un « à » droit à la nationalité.
Mais le législateur l’a bien voulu comme cela en incluant, en diluant ce qui s’appelait alors un Code de la Nationalité dans le Code Civil afin de clairement montrer que cette question de la nationalité s’envisageait davantage comme ce que les personnes pouvaient en revendiquer que sous l’aspect de ce à quoi il fallait se conformer pour se voir confirmer un état et non capter ou passivement bénéficier à son profit des avantages d’un statut. Mais se conformer à quoi ? Puisqu’il s’agit du droit de la nationalité en France.
C’est un droit baladeur, aujourd’hui il est en France demain ailleurs ou soumis à des considérations supra ou infra nationales. Ce droit de la nationalité en France. C’est un droit que l’on a désincarné et donc désintégré.
Nous aurions à nous réunir autour du Code de la Nationalité Française…
Code : Code de la route
Code de bonne conduite
Code de l’honneur
J’y vois immédiatement bien plus de devoir à respecter que de droits à faire valoir. Nos droits n’étant jamais mieux préservés que par le respect par les autres de leurs devoirs.
…et au moins l’on sait non pas de quoi mais de Qui il s’agit, il s’agit de la France et de ce qui permet tout à la fois d’être reconnu et donc alors de se revendiquer comme Français.
Mais lorsque l’on est reconnu, il n’y a plus besoin de revendiquer et tout se simplifie. Mais revendiquer sans même être reconnu est bien plus hasardeux en termes de paix civile.
Le drame, je pèse mes mots, de notre pays est d’avoir abandonné le verbe « Etre » pour le verbe « avoir ».
Le péché, l’erreur, la faute se niche dans cette substitution. Aujourd’hui avoir la nationalité Française c’est rajouter à une longue cohorte un ayant droit supplémentaire.
Le langage populaire ne s’y trompe pas. L’analyse pour être crue est néanmoins pertinente. Hélas l’exaspération croissante ne favorise pas le discernement dans les comportements mais les expressions Français de Papiers et Français de souche sont bien plus que des expressions, elles sont devenues des catégories mentales et rendent compte de la perception de notre société par nos contemporains.
Il y a ceux qui ont la Nationalité Française, il y a ceux qui sont Français. Je ne fais que porter le constat de ce qui se pense et se dit. Sans le cautionner, le reconnaitre doit alors nous pousser à une rapide et vigoureuse réflexion sauf à accumuler sur notre société des tombereaux de méfiance et de défiance qui minent la cohésion sociale et compromettent gravement la Paix Civile.
C’est donc bien au-delà de ce qu’à ce jour le Droit peut nous dire qu’il faut consacrer nos efforts, c’est à une réflexion que j’ose appeler métapolitique et même métaphysique qu’il faut nous hisser car nous le sentons bien le sol se dérobe sous nos pieds
Pour ma part, je crois que chacun des pays que compte cette terre, sont autant de réalités charnelles et spirituelles qui toutes ont une vocation particulière, je le crois très profondément. L’expression « concert des nations » n’est pas un vain mot mais l’expression exacte de tout à la fois la singularité et la complémentarité de ces réalités charnelles et spirituelles qui participent à la grande symphonie humaine.
Pour ma part, je crois à la Vocation de la France mais comme toute vocation, elle nous est davantage donnée plus que l’on ne la choisie et s’en écarter c’est perdre le fil de notre histoire, c’est perdre la conscience de ce que nous sommes. Et si la grande aventure de l’Europe c’est cette ouverture à l’Autre, à l’Autre que j’ai le devoir d’aimer, il m’a été néanmoins rappelé que je devais aimer mon prochain comme moi-même.
La première urgence donc est de nous aimer, nous Français, à nouveau, de retrouver le fil et la fierté de notre Histoire et de notre vocation, le reste nous sera donné de surcroit.
Je vous remercie.
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