Dimanche 14 juin. 20 heures heure locale. Caméras et regards se braquent vers les tribunes d’une salle de l’université de Bar Ilan, proche de Tel Aviv. Au micro, le Premier ministre israélien, debout, droit comme un i, la cravate bleue étroitement vissée au cou, délivre un discours historique. Aussi historique, espère-t-il, que celui prononcé au Caire par le président américain Barack Obama, le 4 juin. Et, en effet, sous les flashs du monde, les fortes déclarations israéliennes tombent en rafale.
Première salve. Un engagement pour la paix. « Je dis aux Palestiniens ce soir : nous voulons vivre à vos côtés en relations de bon voisinage », lance le Premier ministre du Likoud. « Je vous le dis, voisins palestiniens, commençons les négociations immédiatement. Sans conditions préalables. » Les choses sont posées. Contre ceux qui voient en Israël un état belliciste, Netanyahou se place en artisan de la paix.
Deuxième salve. Les propositions. « Si nous recevons ces garanties sur la démilitarisation et si les Palestiniens reconnaissent Israël comme l'Etat du peuple juif, alors nous parviendrons à une solution fondée sur un Etat palestinien démilitarisé au côté d'Israël ». Pour la première fois, Benyamin Netanyahou reconnaît la possibilité imminente de la création de l’Etat palestinien. « A chacun son drapeau, à chacun son hymne …». Netanyahou, porte-voix des palestiniens ?
Il fallait le faire. C’est justement cette concession que la Maison Blanche a saluée, dimanche, dans un communiqué. « Le président accueille favorablement le pas en avant réalisé avec le discours de Benyamin Netanyahou », annonce le porte-parole de Barack Obama Robert Gibbs.
L’effet d’annonce passé, l’électrochoc positif décoché, le Premier ministre israélien énonce les conditions sine qua non pour aboutir à cette paix. « Le territoire alloué aux Palestiniens sera sans armée, sans contrôle de l'espace aérien, sans entrée d'armes, sans la possibilité de nouer des alliances avec l'Iran ou le Hezbollah ». Conditions suivantes : que les Palestiniens reconnaissent le caractère juif d’Israël, et que Jérusalem soit sa capitale unique.
Troisième salve. Les exigences israéliennes. Sur la question des réfugiés, Benyamin Netanyahou est resté inflexible. « Le problème des réfugiés doit être résolu hors des frontières d'Israël", a indiqué Bibi Netanyahou, parce que « leur retour va à l'encontre du maintien d'Israël comme Etat juif ».
Enfin, au cours du discours fleuve d’une trentaine de minutes, une canonnade à l’encontre du président américain est lâchée. « Nous n’avons pas l’intention de construire de nouvelles implantations ou de procéder à de nouvelles expropriations de terres pour agrandir les implantations existantes. Mais les résidents des implantations juives ont besoin de vivre normalement. Il faut donner aux parents la possibilité d’élever leurs enfants comme partout ailleurs. Les résidents des implantations ne sont ni des ennemis du peuple ni des ennemis de la paix. » Applaudissements dans la salle. Les Etats-Unis ne parviendront pas à ce que Netanyahou courbe l'échine. Au Caire, le 4 juin, Barack Obama avait appelé à ce « que la colonisation cesse » dans les territoires palestiniens, car elle « viole les accords passés et nuit aux efforts de paix ».
Concernant cet affront à peine déguisé aux Etats-Unis, le communiqué de la Maison Blanche ne dit mot. Le principal point de tension - la volonté par Israël de favoriser la création d’un Etat palestinien - ayant été désamorcé, le président américain ne dispose pas d’une grande marge de manœuvre pour contester le discours israélien.
David Macovski, chercheur à l’institut de Washington pour la politique au Proche Orient estime que Nétanyahou a « donné [à Barack Obama] de quoi travailler, même si des désaccords subsistent sur la question des colonies ». Steven Cook, spécialiste du Proche-Orient au Conseil des relations étrangères français, souligne que le discours de Netanyahou prononcé à Bar Ilan s’inscrit en rupture par rapport au discours traditionnel du Likoud, mais ne devrait pas faciliter la tâche à Barack Obama.
Les Etats-Unis, sans nul doute embarrassés par les louvoiements de Netanyahou, ne peuvent empêcher les Palestiniens de considérer la proposition israélienne comme irrecevable.
Mahmoud Abbas, président de l’autorité palestinienne a accusé le chef du gouvernement israélien de « torpiller toutes les initiatives de paix dans la région ». Pour Yasser Abed Rabbo,collaborateur de M. Abbas, l’Etat palestinien dont à parlé Nétanyahou s’assimile davantage à « un protectorat israélien ».
A Gaza, le Hamas a dénoncé l'idéologie « raciste et extrémiste » du chef du Likoud qui souhaite faire passer les Palestiniens sous des fourches caudines. « Netanyahou a essayé de jouer sur les mots afin de tromper les gens, en proclamant qu’il voulait la paix », continue dans un communiqué l’organisation terroriste Hamas.
Ferme et habile, le Premier ministre israélien s’est affirmé à Bar Ilan comme un indomptable politique. En acceptant le principe de la création d’un Etat Palestinien et en posant d’inflexibles conditions à celui ci, il réussit le tour de force d’affaiblir la rengaine de « la solution de deux Etats », prônée par les Etats-Unis. |
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