Kadhafi est un épiphénomène !
Entretien accordé par Rachid Kaci au magazine Algérie-news Aboutira
Aboutira ou aboutira pas ? Telle est la question qui reste posée concernant un projet d'union qui ne cesse de susciter des rebondissements des deux côtés de la rive. Au moment même où les grandes institutions et grandes écoles, en France, organisent des conférences animées par de très belles brochettes de spécialistes pour louer la bonne grâce d'un projet qui unira pour l'éternité le Nord et le Sud, l'entourage de l'Elysée avoue que le président français considère cette initiative comme la pièce maîtresse de tous ses projets politiques du premier quinquennat et d'autres voix tentent un cadrage politique très différent. Pour les uns, les Européens, cette union n'est qu'une réplique du «5+5», un processus qui aurait échoué entre les deux rives aurait besoin de financements pour se réactualiser ; pour les Arabes avertis, cette union est une porte ouverte qui invite l'Etat d'Israël à faire son entrée dans la cour diplomatique du Monde arabe ; pour d'autres analystes, ce projet est une subtilité du président français de dévier l'entrée de la Turquie dans la communauté européenne, vers une union où la communauté européenne est présente et, enfin, pour certains, c'est un moyen pour la France d'exporter son nucléaire civil dans un marché mondial qui risque dans un très proche avenir de lui emboîter le pas. Aucun analyste à l'heure actuelle n'est capable de décrypter l'intention exacte de l'idée de l'UPM, par contre les sous-entendus vont bon train. Le dernier en date est la déclaration du président Kadhafi qui considère cette union comme «un affront fait aux pays de la rive sud», lors du minisommet tenu la semaine dernière à Tripoli. Le guide libyen ira jusqu'à rejeter la participation de son pays à l'UPM. Quelle est la réaction de l'entourage du président Sarkozy ? Pour tenter de le savoir, nous avons contacté l'un des ses conseillers qui nous livre ces quelques propos. Algérie News : Pourquoi tant de réticences autour du projet de l'Union pour la Méditerranée ? Rachid Kaci : Je ne suis pas sûr qu'il y ait autant de réticences concernant ce projet. Cette idée de réunir l'ensemble des pays de la Méditerranée va dans le sens de l'histoire et est d'une logique implacable. Tout le monde le sait, simplement il y a des égos à satisfaire et des susceptibilités à préserver… Plus sérieusement, je crois que celui qui ne comprend pas l'inévitable rapprochement de tous les peuples du bassin méditerranéen n'aime pas son pays. Cette idée n'est pas nouvelle et elle fera son chemin tôt ou tard. Il vaut mieux ne pas perdre de temps. Les réticences sont nées pour certains d'une forme de jalousie de voir la France sous l'impulsion du président Sarkozy enfin reprendre son statut de locomotive dans le concert des nations. L'Union pour la Méditerranée est la manifestation d'une vraie vision d'avenir et de perspectives de paix durables. Certains ne veulent pas s'inscrire dans de telles perspectives. L'Histoire les jugera sévèrement… Quels sont les échos dans le proche entourage du président Sarkozy ? L'entourage du président, dont je fais partie, voit dans ce projet de l'Union pour la Méditerranée une avancée considérable pour la paix et le mariage des civilisations. Il est emballé à l'idée de travailler à cette construction. Qu'est-ce qui fait, selon vous toujours, que l'Algérie soit si prudente vis-à-vis du projet ? D'origine algérienne, fils de combattant du FLN, je vous avoue que je ne comprends pas toujours le comportement des dirigeants de ce pays. Je ne comprends pas qu'ils ne saisissent pas cette occasion unique de travailler dans l'intérêt de la jeunesse algérienne et plus largement du peuple. L'Algérie a besoin de s'ouvrir vers l'extérieur et a besoin de montrer l'image d'un peuple ouvert et tolérant. L'Algérie est le peuple le plus représentatif de la Méditerranée ; il est fait de mélange de cultures, de religions et de couleurs. Il est le berceau de ce bassin, finalement. Mais je suis certain que les dirigeants actuels sont des dirigeants éclairés. Ils comprennent les enjeux ; en fin politiciens ils négocient, et c'est légitime, leur participation. Les problèmes liés au Sahara occidental ou encore le conflit entre Israéliens et Palestiniens trouveront leur solution dans le cadre de cette union. J'ai confiance dans le président Bouteflika, dans sa volonté et sa capacité à oeuvrer dans le sens de l'Histoire et l'intérêt de son peuple. Quelle lecture faites-vous de la déclaration du président Kadhafi ? Kadhafi est un homme qui a les yeux tournés vers le sud et non vers la Méditerranée. Son comportement est guidé, me semblet- il, non pas par l'intérêt des peuples mais par le sien. C'est un homme du passé. Quand le processus sera en marche, lui ou son successeur le rejoindra forcément. C'est un épiphénomène, je parle de Kadhafi face à l'enjeu de cette Union Euroméditerranée. Un mot sur le mariage annulé ? Le mariage annulé ou tout au moins la raison de son annulation sont une honte pour la justice française, d'une part, et a donné de l'Islam une image rétrograde et surannée. Plus profondément, je pense qu'il est temps pour la France de réaffirmer un certain nombre de ces valeurs pour ne pas plonger dans la manipulation de quelques illuminés sectaires et rétrogrades. Il faut que tous ceux qui sont attachés à ces valeurs universelles se réveillent. La France, comme d'autres pays d'ailleurs, ne peut plus se permettre de tolérer l'intolérable et ceux qui menacent l'équilibre de nos sociétés libérales. La pratique religieuse ne peut pas tout justifier. Nous avons tous le droit d'être idiots, en exigeant par exemple que sa femme soit vierge avant le mariage, mais nos sociétés ne peuvent pas cautionner cela, ne peuvent pas cautionner la «connerie ». Le tribunal de Lille a, à mon avis, fait reculer la France de plusieurs siècles et c'est intolérable…
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