A qui appartenaient ces tableaux?»
CE tableau a été acheté à Raphaël Gérard en octobre 1940 par le ministre des Affaires étrangères du Reich. Restitué à la France, il a été attribué aux Musées nationaux et transféré au musée d'Orsay en 1986. Le marchand Raphaël Gérard a été condamné à la Libération pour avoir vendu de nombreuses oeuvres à des musées allemands.
H. LEWANDOWSKI / RMN ¦ «Les Baigneuses» de Gustave Courbet
A qui appartenaient ces tableaux que personne n'a réclamé après la guerre? C'est la question que le visiteur est amené à se poser lorsqu'il découvre les toiles exposées jusqu'au 26 octobre au musée d'Art et d'histoire du judaïsme à Paris. Racontant les différents processus de spoliation nazie en France durant la Seconde Guerre mondiale à travers le parcours de 53 tableaux - dont quelques chef-d'oeuvres de Cézanne, Matisse ou Monet - , l'exposition s'applique à décrire la manière dont les Allemands ont, entre 1940 et 1944, réquisitionné et évacué 100.000 oeuvres d'art et comment la France s'est attachée à les récupérer et à les restituer à leurs propriétaires depuis la fin de la guerre.
100.000 oeuvres d'art volées en quatre ans
Si, consciente du danger, l'administration des musées français avait dès 1936 établi des plans d'évacuation des collections nationales, elle s'est trouvée impuissante face aux méthodes de spoliation systématiques mises en place par les Allemands à leur entrée dans Paris. Entamées par la réquisition de la prestigieuse collection Rothschild, les spoliations se sont ensuite poursuivies sous l'égide de l'ERR (Einsatzsab Reichsleiters Rosenberg). Ce service officiel de confiscation des biens juifs et francs-maçons dans l'Europe occupée a débuté les saisies dès l'automne 1940.
Stockées au Louvre, les oeuvres saisies étaient ensuite inventoriées et estimées par des historiens de l'art, basés au Jeu de Paume, avant d'être conditionnées et expédiées en Allemagne. A partir de 1942, le pillage systématique des appartements s’ajoute aux autres vols. Entre avril 1941 et juillet 1944, l'ERR envoya en Allemagne 138 wagons contenant plus de 4.000 caisses de tableaux. Certaines oeuvres réquisitionnées, considérées comme de «l'art dégénéré» par le diktat nazi - Picasso ou Matisse -, pouvaient être échangées à des marchands d’arts contre des oeuvres plus conformes au goût des dignitaires. Goering, le numéro 2 allemand effectua 21 visites au Jeu de Paume pour sélectionner personnellement les oeuvres destinées à sa collection et à celle d'Hitler.
2.000 «MNR» en attente de leurs propriétaires
Dès la chute du 3e Reich, des enquêtes ont été menées dans tous les pays occupés afin de permettre la restitution des biens spoliés. Sur les 100.000 oeuvres expatriées, 60.000 retournèrent en France dont 45.000 à leurs propriétaires légitimes. Ce travail d'identification fût notamment facilité par les listings détaillés de l'ERR et en comparant les listes d'acquisition des musées allemands et leurs inventaires. Les 2.000 oeuvres récupérées dont la provenance n'a pu être établie sont aujourd'hui répertoriées sous l'appellation «MNR» (Musées Nationaux Récupération). Elles ont été confiées au début des années 50 à la garde de la direction des musées de France. Inscrites sur un inventaire spécial, ces oeuvres ne peuvent être intégrées dans les collections publiques et doivent rester à la disposition d'éventuels demandeurs.
C'est 53 de ces «MNR» qu'a choisi d'exposer le musée d'Art et d'histoire du judaïsme de Paris, des tableaux auparavant accueillis au musée d'Israël, à Jérusalem. L'occasion de voir ou revoir d'un autre oeil des oeuvres déjà exposées en s'attachant plus au parcours incroyable de ces tableaux qu'à leur seul intérêt pictural. Et se souvenir pourquoi certains n'ont jamais été réclamés...
Elodie Drouard
20Minutes.fr
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