Yom Haatsmaout chez les sionistes-religieux: le questionnement
07 mai 2008
Comment le sionisme religieux appréhende-t-il ce soixantième anniversaire de l'Etat d'Israël? La joie de la reconstruction du pays et de la création d'une entité politique souveraine s'accompagne maintenant de nombreux questionnements sur la route à suivre et sur les rapports à maintenir avec des gouvernements qui s'éloignent de plus en plus de la vision des pères du sionisme religieux. La Hitnatkout (Désengagement de Gaza) a provoqué une immense onde de choc dans cette population avec son cortège de remises en questions.
Deux types de réactions opposées et inexistantes jusqu'à présent sont apparues depuis quelques temps: la première fait une sorte de "mea culpa" sur un trop grand éloignement des "kippot crochetées" du reste de la population. Vivant souvent en communautés ou dans des localités rurales en vas clos, certains responsables religieux et éducatifs estiment aujourd'hui que ces formules ont créé un fossé avec la population, qui s'est ressenti par exemple par une relative indifférence au sort des villages Juifs démantelés en août 2005. C'est ainsi que certains de ces responsables ont demandé la formation de noyaux de familles religieuses dans des villes et quartiers à population mélangée, afin de reprendre contact avec "le peuple". Et première du genre, cette année, l'association des Rabbins de "Tsohar", qui prône un dialogue avec la population laïque, propose pour la première fois la récitation dans la rue et les places publiques de la fameuse "Prière pour l'Etat", écrite par S.I. Agnon. L'an passé, le Rav Rafi Feuerstein de Har Nof (Jérusalem) avait pris l'initiative isolée et courageuse de réciter cette prière dans différents lieux de concerts de rocks et hip-hop! Pour les Rabbins de "Tsohar", il s'agit de montrer au grand public que "les sionistes-religieux ne sont pas seulement dans les synagogues, et que Yom Haatsmaout a une signification importante, qu'ils ont en commun avec la population non-religieuse".
Ces groupes de responsables ne cachent pas qu'ils agissent aussi pour prévenir un autre phénomène, qui constitue le deuxième type de réactions: un désengagement progressif d'une frange de la population sioniste-religieuse de tout ce qui représente l'Etat. On assiste ainsi à des refus de servir dans l'armée - impensable dans ces milieux il y a quelques années encore - à des refus de servir dans certaines unités combattantes, à des débats ou des réactions ostensiblement hostiles lors de la récitation des Prières pour l'Etat dans les synagogues, ou même un boycott des festivités de Yom Haatsmaout. Le Rav Hillel Weiss, d'Elkana, par exemple, demande à ses fidèles "de ne plus utiliser le drapeau national ni tout symbole représentant l'Etat." Le Rav Dov Lior de Kiriat Arba, déplore que "beaucoup de gens ont perdu toute leur confiance en l'Etat". Cette frange du courant sioniste religieux est certes minoritaire, mais elle traduit un malaise certain et compréhensible: à l'opposé des premiers, ceux-ci estiment "que les sionistes religieux ont toujours été fidéles à l'Etat et à ses institutions, pour être finalement trahis par des gouvernements qui n'ont plus rien de Juif". Et l'expulsion des Juifs du Goush Katif par celui qui fut longtemps le héros de cette population ne peut que confirmer cette thèse. Un sentiment d'ingratitude et de "laissés-pour-compte" s'est emparé de nombreuses familles.
Essayant de concilier les deux visions, le Rav Haïm Druckman, qui préside les Yeshivot du Bne Akiva, déclare, comme le disait aussi le Rav Tsvi Yehoud Kook zatzal: "Il ne faut pas confondre l'Etat et le gouvernement. Et le pire gouvernement en Eretz Israël est toujours préférable au meilleur gouvernement en Diaspora."
Comme dans les meilleures histoires juives, l'on dira que ceux-ci et ceux-là ont raison! Le sionisme religieux arrivé à maturité est à la croisée des chemins. Le questionnement est la meilleure manière d'arriver à une évolution positive de ce grand mouvement historique et idéaliste. L'essentiel étant de rester fermement accroché à ses deux symboles: le sionisme et les valeurs de la Thora. H'ag Sameah' lekh'ol Am Israël!
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