La guerre pour l’Eau.
Cet été la chasse a débuté le 15 août ! Pourquoi ce plaisir de tuer ? Le désir de prouver que l’Homme est de race supérieure ; mais à qui et à quoi, si nous nous comportons comme des sauvages ? Or, chez nous niche un couple de ramiers, entre autres oiseaux qui n’ont pas peur de nous approcher. À la tombée de la nuit, des plaintes, des gémissements : un des ramiers, seul près de son nid pleurait à sa façon l’être aimé qu’un imbécile lui avait fauché d’un coup de fusil. C’est la première fois que j’entends un oiseau pleurer…
Dans notre monde sans repères, une autre chasse, la chasse à l’Homme, une guerre est en train de se dérouler avec sa cohorte de drames humains terrifiants. Mais des véritables enjeux, nul n’en veut parler. Certes Israël aimerait récupérer ses soldats kidnappés par le Hezbollah. Certes cette composante chiite avec ses instructeurs nord-coréens demeure une épine dans une plaie ouverte au nord d’Israël, et tant qu’elle existe, Israël croit ne pas pouvoir trouver la paix. Certes aussi nous ne pouvons confondre les peuples, qui ont le droit de vivre, avec leur gouvernement.
Mais en dépit de la protection de « l’Empire », Israël s’est contenté, son véritable objectif atteint, d’arrêter les frais. Sinon c’eût été ouvrir la boîte de Pandore, livrant le jeu aux démons d’une guerre totale entre l’Islam radical et l’Occident et à plus long terme, entre les Chiites persan et les Sunnites arabes.
L’eau est le véritable enjeu stratégique pour la vie et la survie des populations de cette partie du Moyen-Orient.
Sans pour autant utiliser les armes, il existe d’autres moyens pour contraindre un peuple à fuir ses maisons, à s’exiler de ses terres. Soyons plus subtils que les Serbes qui se sont livrés naïvement au Kosovo, à une épuration ethnique sauvage, alors, petit peu par petit peu, privons d’eau les Palestiniens.
La première étape donc fut de contrôler le « robinet » des eaux de surface, comme les fleuves Jourdain et Latina, dès juin 1967, en prenant position sur le Golan. Dans la foulée, Israël confia la régulation de l’eau à l’autorité militaire, interdisant toute nouvelle infrastructure ou construction liée à l’eau. Enfin, en décembre de la même année, Israël s’empare de toutes les ressources en eau de la Palestine, les déclarant propriété d’Etat !
En 1982 la société Mekorot créée précédemment par l’Agence Juive et le Fond National Juif, prend le contrôle de la ressource souterraine en eau de la Palestine. Des puits palestiniens sont détruits ou bien asséchés par des forages à grande échelle et à grande profondeur, et ce, pour le seul usage des Israéliens.
Mais restons humains tout de même… Les quotas en eau vendus aux Palestiniens seront réduits à 10% des eaux pompées à partir des puits en Cisjordanie, et si vous êtes confrontés à des avaries ou des fuites dans votre réseau de distribution, il faudra attendre la semaine des quatre jeudis pour pouvoir y porter remède. Par ailleurs, les soldats israéliens seront fortement incités à s’exercer au tir… sur les citernes des Palestiniens.
Dans le processus de paix engagé à Oslo en 1993, Israël a écarté le thème de l’eau de l’accord final, institutionnalisant de facto le contrôle total sur la consommation et sur la planification de cette précieuse ressource, rendant le système de répartition, non seulement inégalitaire, mais proche du génocide. Et qui peut le souhaiter ? Et l’Occident, sous la pression de l’«Empire», n’a pas osé broncher.
La 26ème mission de protection du peuple palestinien en 2002, n’a pu qu’admirer les vertes collines des colonies juives dans la vallée du Jourdain côtoyant des espaces caillouteux et désertifiés occupés par les palestiniens. L’agriculture palestinienne est passée de 24% du produit national brut en 1960 à 10% vingt ans après.
Le prix de l’eau ne cesse d’augmenter en Palestine, privant les hôpitaux de cette denrée vitale; ainsi de graves problèmes d’hygiène se font jour parmi cette population réduite à la misère et livrée à la haine.
Les divers conflits au Moyen-Orient sont exacerbés par un enjeu vital dans cette région aride : l’eau. La répartition des eaux de surface comme celle des eaux souterraines est devenue source de tension entre Israël et la Palestine, mais également entre les Israéliens, les Turcs et leurs voisins Syriens et Irakiens, tout comme entre l’Egypte, l’Ethiopie et le Soudan.
Les véritables enjeux du troisième millénaire ne sont, en effet, plus la détention d’énergie fossile qui tendra à s’épuiser pour disparaître, mais bien « l’or bleu », sa possession, son exploitation et sa distribution. Contrairement, aux métaux précieux et aux épices, on ne pourra jamais se priver d’eau.
Lorsqu’on examine les bilans des spécialistes, on est en droit d’avoir peur, car déjà plus d’un habitant sur six - sur notre planète - n’a pas la chance de pouvoir tourner le robinet et profiter de l’eau courante. Un milliard deux cent millions d’êtres humains n’ont pas accès à l’eau potable.
En déstabilisant durablement l’Irak, seul puissance agricole, industrielle et militaire du Moyen-Orient qui aurait pu contenir l’hégémonie persane et celle des Chiites au détriment des Sunnites, l’«Empire» a indiqué ses choix, permettant à la Perse d’émerger dans le jeu de cette poudrière, mais également à la Turquie de mieux contrôler le débit du Tigre, et particulièrement celui de l’Euphrate. Quand à Israël, en détruisant les infrastructures aquifères du Liban et en prenant position sur les sources du Jourdain et du Latina, il a déplacé dans le temps la solution de son problème.
Lors de la guerre du Golfe en 1991, l’«Empire» avait demandé à la Turquie de bloquer le cours de l’Euphrate vers l’Irak. Ankara avait répondu : « Vous pouvez utiliser notre espace aérien et nos bases pour bombarder l’Irak, mais nous ne leur couperons pas l’eau. ».
La coopération inter-nations concernant l’eau peut et doit examiner, et l’accord de 1987 entre Turcs, Syriens et Irakiens doit être maintenu au nom des droits acquis. Quand au projet d’aqueduc égyptien amenant l’eau du Nil vers Israël et Gaza, il devrait non seulement être fortement soutenu par les instances internationales, dont la France, mais recevoir toute l’aide qu’il mérite.
À l’image de ce que les Maures avait mis en place au Moyen-Âge, « le tribunal de l’eau » à Valence, il conviendrait pour réguler les litiges modernes du Moyen-Orient de suivre cet exemple pour contraindre chaque partie à respecter la vie d’autrui.
L’un des grands enjeux des années à venir se devra d’interdire que quiconque, fut-ce l’«Empire», puisse avoir une mainmise totale, soit militairement, soit par le truchement des multinationales de l’eau, sur une ressource vitale à laquelle chacun doit avoir droit, et encore moins que cette mainmise potentielle devienne une forme de chantage pour la survie d’une population. C’est pourquoi il est nécessaire de rendre la gestion de l’eau au domaine public décentralisé, plus proche des êtres humains et du terrain.
Il faudra se battre aussi pacifiquement que possible pour l’eau. Il faudra aussi se battre parfois contre elle, comme nous le rappellent les dramatiques inondations dans le Sud-Est de la France. Cela devrait faire partie des objectifs prioritaires de l’aménagement de notre territoire. L’ancien ministre, Monsieur Brice Lalonde, lors de « rencontres pour l’eau », disait : « Laissons aux fleuves et aux rivières leur liberté, leurs méandres et leurs marécages. En revanche, il convient de ralentir la vitesse de ruissellement des eaux qui, en cinquante ans, a été multipliée par deux, du fait des barrages, des canalisations et de l’extension du macadam. ». Comme on fait la part du feu, il faudra savoir faire la part de l’eau.
Le Comte de Paris
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