En Israël, Ehud Olmert tient tête aux appels à la démission
10 mai 2008
Par Avida Landau et Adam Entous
JERUSALEM (Reuters) - Les appels à la démission se multiplient en Israël au lendemain de la divulgation par la police d'une enquête visant Ehud Olmert sur des pots-de-vin présumés émanant d'un homme d'affaires américain.
Le Premier ministre israélien, dont le départ pourrait nuire aux négociations de paix avec les Palestiniens relancées sous l'égide de Washington, a repris ses activités normales après avoir annoncé à ses concitoyens qu'il ne démissionnerait que si les procureurs réunissent suffisamment d'éléments pour l'inculper.
Olmert s'exprimait jeudi soir à la télévision en pleine célébration officielle du soixantième anniversaire de la création de l'Etat d'Israël.
"Je le dis à chacun dans les yeux: je n'ai jamais pris de pots-de-vin, je n'ai jamais empoché un shekel pour moi-même", a-t-il déclaré dans une allocution de six minutes.
Il a expliqué que tout l'argent liquide qu'il a reçu - chiffré à plusieurs centaines de milliers de dollars par une source judiciaire - avait été versé par l'homme d'affaires new-yorkais Morris Talansky pour financer plusieurs campagnes électorales s'étalant sur une dizaine d'années depuis 1993.
Vendredi, le chef du gouvernement a semblé détendu en prenant la parole devant une assemblée de juifs canadiens réunis à Jérusalem et n'a fait qu'une allusion indirecte à ses démêlés politico-judiciaires en expliquant: "J'ai suffisamment de questions politiques à régler ici."
LE "BLANCHISSEUR"
De sources judiciaires, on indique que la police soupçonne Olmert d'avoir accepté des centaines de milliers de dollars versés par Morris Talansky, qui apparaîtrait sous le nom de code du "Blanchisseur" dans les documents saisis par les enquêteurs et que conservaient sa secrétaire.
Les médias israéliens, libérés de l'embargo imposé depuis une semaine sur cette affaire explosive, y consacrent vendredi une large part de leur couverture, même si certains s'interrogent sur la solidité du dossier des enquêteurs.
"Des millions de shekels - du liquide dans les mains", proclame en première page de son édition vendredi le quotidien Maariv, à la plus large diffusion en Israël.
"Le Premier ministre Ehud Olmert nous a regardés hier 'dans les yeux' et nous a demandé de le croire. Mais si l'opinion publique avait pu lui répondre collectivement, elle aurait naturellement demandé pourquoi. Combien d'années encore pourrons-nous entendre parler de vos frasques avec la police et continuer de croire en vous ?" écrit Shalom Yerushalmi, commentateur politique, dans les colonnes de Maariv.
Pour Nahum Barnea, éditorialiste réputé du Yedioth Ahronoth, "il est douteux qu'Olmert puisse survivre, si ce n'est en raison de l'affaire Talansky, du moins du fait de l'accumulation de toutes les investigations en cours à son encontre".
LE LIKOUD RÉCLAME DES ÉLECTIONS ANTICIPÉES
Ces derniè2es années, les affaires de corruption au plus haut niveau se sont enchaînées - le fils d'Ariel Sharon est actuellement en prison pour avoir reçu des fonds secrets pour les campagnes politiques de son père.
Nombre d'entre elles n'ont jamais abouti.
Depuis sa prise de fonctions, en 2006, Olmert lui-même a dû se défendre dans quatre enquêtes sur des soupçons de malversation ou de trafic d'influence.
En cas de démission, il serait remplacé par son adjointe à la tête du parti centriste Kadima, la ministre des Affaires étrangères Tzipi Livni, qui est étroitement impliquée dans le processus de paix avec Washington et les négociateurs palestiniens.
Le Likoud, parti d'opposition de droite, réclame lui des élections anticipées à un moment où son chef de file, Benjamin Netanyahu, domine les sondages. "Olmert et son gouvernement Kadima n'ont plus de légitimité publique ni morale", a déclaré Yuval Steinitz, député du parti de droite à la Knesset.
Pour l'heure, ni Livni, ni le ministre de la Défense Ehud Barak, chef de file du Parti travailliste qui appuie Olmert, ne se sont encore exprimés sur la question. "Le parti est pris dans un vrai dilemme", confie à Reuters un responsable travailliste proche d'Olmert. "Pour l'heure, je pense que Barak attendra le bon moment", ajoute-t-il.
Pour l'Autorité palestinienne, l'affaire est source d'inquiétude en raison des menaces qu'elle fait peser sur la poursuite du processus de paix relancé en novembre sous l'égide de George Bush à la conférence d'Annapolis, dans le Maryland.
Si la fragile coalition d'Olmert venait à s'effondrer, la probabilité de parvenir à un accord d'ici la fin du mandat de Bush, en janvier 2009, diminuerait encore, sans doute au point de devenir infime.
Version française Jean-Stéphane Brosse¶
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