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Marc Knobel a consacré plusieurs études pour parler du racisme et de l’antisémitisme sur l’Internet. Dans le rapport de la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme (année 2007) remis au Premier ministre le vendredi 28 mars 2008, il a rappelé qu'au cours des 11 premiers mois de l'année 2007, 671 signalements concernant des faits de racisme et d'antisémitisme sur Internet ont été transmis à l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information. |
Mais, il n'y a eu « pratiquement pas de bascule vers le Parquet », a expliqué le chercheur. Il a de toute façon jugé que ces 671 signalements étaient bien en deçà de la réalité et que « plus personne n'est aujourd'hui en mesure de faire la comptabilité des sites racistes ». A propos du portail de signalement mis en place par l'Office (www.internet-mineurs.gouv.fr) qui concerne principalement la lutte contre la pédophilie, Marc Knobel a affirmé que, trop souvent, les internautes ne savaient vers qui se tourner pour signaler les faits racistes. Hélas, déplore Marc Knobel, l'existence de l'Office est donc confidentielle, comme son fonctionnement et ses résultats. Par ailleurs, Marc Knobel a plaidé en faveur d'un observatoire du racisme, de l'antisémitisme et de la xénophobie sur Internet, avec une plate-forme de signalement spécifique et "un suivi" de ces signalements. Enfin, il a dénoncé le fait que sur YouTube notamment, circulent des contenus nazis, révisionnistes, antisémites et plus largement très violemment racistes. Nous reproduisons ci-après la partie de l’étude de Marc Knobel qui est consacrée à You Tube. Le quotidien allemand Frankfurter Runschau a publié récemment un article fort intéressant sur YouTube, le portail vidéo le plus consulté du monde, racheté en novembre 2006 par la compagnie américaine Google.Inc. YouTube Allemagne regorge de documents nazis. La plupart du temps, il s’agit de discours originaux de Hitler et de chants d’extrême droite accompagnés d’images de violence. On trouve aussi des « médias du front du peuple », des émissions de télévision produites par des néonazis. Le quotidien allemand rapporte que si l’on fait une recherche, par exemple, sur le mot « Landser » (nom d’un groupe nazi de Berlin-Est), plusieurs centaines de réponses sont proposées, la plupart renvoyant à des chansons interdites du groupe. Autre exemple : depuis sa mise en ligne, en avril 2007, la vidéo de la chanson Pépé était Sturmführer dans la S.S. a été regardée 410 000 fois. S’il est possible de trouver des documents nazis sur YouTube, cela ne signifie pourtant pas que le contenu des mises en ligne ne fait l’objet d’aucun contrôle, assure le Frankfurter Runschau. Ray Oberbeck, porte-parole de Google en Allemagne, soutient que certains employés de YouTube sont exclusivement chargés de contrôler les vidéos signalées par les utilisateurs. Il affirme par ailleurs qu’en Allemagne, la société n’hésite pas à travailler avec les enquêteurs mandatés par l’État et qu’elle fournit des informations sur les utilisateurs qui diffusent de la propagande nazie. Enfin, une touche « Peut offenser » est prévue à côté de chaque vidéo de YouTube. Cette touche –nous le verrons par la suite- permet de signaler un contenu au portail. « Quoi qu’il en soit, nous devons également tenir compte du fait que YouTube est une entreprise américaine, et nous respectons les différences en termes de loi quand nous évaluons les contenus », rappelle Ray Oberbeck. Le Frankfurter Runaboutrévèle par ailleurs que, bien qu’en Allemagne des utilisateurs aient signalé la présence du film antisémite (tourné en 1940) Le Juif Süss et qu’un collaborateur de YouTube l’ait examiné, le portail l’a laissé sur la toile. Aux États-Unis, personne ne cherchera à empêcher la diffusion de ce film, parce que l’on a une conception très large de la liberté d’expression et que l’on voit dans la réglementation des propos racistes une violation du droit constitutionnel à la liberté d’expression. En revanche, dans nos pays européens (France, Allemagne, Autriche, Belgique, etc.), les instances judiciaires les plus élevées estiment que les dispositions interdisant l’incitation à la haine raciale et à la diffusion de propos racistes constituent des restrictions raisonnables et nécessaires au droit à la liberté de parole. Finalement, ce n’est qu’à la suite de plaintes répétées que la vidéo du Juif Süss a finalement été retirée de YouTube. Examinons maintenant ce que l’on trouve sur le site français de YouTube (http://fr.youtube.com/). Et notre première question sera de savoir ce que fait YouTube pour avertir les internautes qu’ils sont soumis à des règles et lois ? Il faut cliquer sur l’onglet (du sommaire) « Conseil de sécurité » pour prendre connaissance des premiers avertissements. Cette page est divisée en trois paragraphes. Mais ce n’est que dans le troisième paragraphe, intitulé, « YouTube, c’est cool ! Protégeons-le ensemble », qu’il est indiqué que YouTube n’autorise pas les vidéos « contenant des scènes de nudité, de violence ou incitant à la haine ». Et les internautes sont invités, s’ils trouvent une vidéo de ce type, à cliquer sur le lien de la vidéo prévu pour signaler qu’elle peut offenser, puis à envoyer le formulaire pour en informer les responsables du site. Dans une nouvelle rubrique, « Règlement de la communauté YouTube », figure un avertissement. YouTube dit encourager la liberté d’expression et défendre « le droit de chacun à exprimer des points de vue peu populaires. » Par ailleurs, le site informe qu’il n’autorise pas les discours « incitant à la haine et les insultes, ni l’utilisation malveillante de stéréotypes en vue d’attaquer ou de rabaisser un sexe, une orientation sexuelle, une ethnie, une religion ou une nationalité ». Remarquons au passage que cette formulation est un peu plus précise que la précédente ; mais elle est surprenante. Que sont donc ces « points de vue peu populaires » ? Plus loin encore, il est précisé : « Tout ce que vous verrez ne vous plaira peut-être pas. Certains contenus sont susceptibles de vous choquer. Si vous pensez qu’ils sont contraires à nos conditions d’utilisation, cliquez sur “Peut offenser” sous la vidéo que vous êtes en train de regarder pour la soumettre à la vérification de l’équipe YouTube. Si la vidéo n’est pas contraire à notre règlement, cliquez simplement sur une autre vidéo. Pourquoi perdre votre temps à regarder des vidéos que vous n’aimez pas ? » En lisant cela, on ressent un certain malaise, comme si YouTube s’adressait exclusivement à des adolescents. Admettons d’ailleurs un seul instant que des internautes prennent le temps de lire les quelques lignes que nous venons de citer, ce règlement est-il suffisamment explicite ou/et coercitif pour empêcher des internautes de diffuser des propos choquants ? Sur Internet, la simple invitation à « ne pas faire », à « interdire de » est par trop insuffisante, parce que les internautes ignorent le plus souvent les peines qu’ils encourent lorsqu’ils sont en infraction avec la loi. Est-il si difficile alors de rappeler que l’infraction de provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence nationale, raciale, ou religieuse (art. 23, art. 24 alinéas 6 et 7, et art. 42 de la loi du 29 juillet 1881) est passible d’une amende de 45 000 euros et d’une peine maximale d’un an d’emprisonnement ; ou que la contestation de crime contre l’Humanité (art. 23, 24 bis et 42 de la même loi) est passible des mêmes peines ? Voilà les avertissements proposés aux internautes. Regardons maintenant ce que l’on peut trouver sur YouTube. Tout récemment, la presse française s’est fait l’écho de la diffusion de vidéos négationnistes et néonazis. Dans Libération (31 août 2007), Daniel Schneidermann a parlé de la propagation favorisée par l’anonymat d’images violentes et de propagandes extrémistes. Dans le même quotidien (4 septembre 2007), Arnaud Vaulerin a publié un article intitulé « YouTube pris dans le piège négationniste ». Le journaliste y racontait que des films de Robert Faurisson qui circulent sur le Net sont masqués sous des titres racoleurs. L’affaire révélée par Libération montre que, sur ce site de partage de vidéos, des internautes négationnistes qui ont trouvé le moyen de contourner le filtrage tombent sous le coup de la loi Gayssot : ils masquent ces vidéos sous des clips érotiques, voire franchement pornographiques ! Dans ce même article, Arnaud Vaulerin a rapporté que le 3 septembre 2007, Google France (rappelons que YouTube appartient à Google) a fait retirer les films et a déclaré que leur « visionnage n’est pas possible dorénavant pour les utilisateurs d’ordinateurs à IP française, allemande ou polonaise ». Que trouvons-nous maintenant ? Le 16 novembre 2007, à l’aide d’un ordinateur à IP française, nous avons tapé sur YouTube l’entrée suivante : « Robert Faurisson ». Douze occurrences se sont affichées. Cinq d’entre elles au moins sont des vidéos négationnistes, d’une durée totale de 43 minutes et 62 secondes. Dans ces différentes séquences, Robert Faurisson pavoise devant un public totalement acquis à sa « cause », et particulièrement attentif ou hilare lorsqu’il parle des chambres à gaz. Cette fois, les films ne sont pas masqués et ne sont pas camouflés par des clips sexy. Examinons maintenant comment les choses se passent effectivement. Sous chaque séance vidéo figurent normalement quatre mentions : « Partager », « Favoris », « Playlists » et « Signaler ». Si le contenu d’une vidéo choque, l’internaute peut donc la signaler à YouTube. Il clique alors sur la mention « Signaler ». Apparaît alors le texte suivant : « Cette vidéo peut offenser.Veuillez sélectionner la catégorie qui décrit le mieux le problème lié à la vidéo. Nous pourrons ainsi l’examiner et déterminer si elle enfreint le règlement de la communauté ou si elle ne convient pas à tous les internautes. » L’internaute devra choisir entre l’une de ces définitions et cliquer sur la mention appropriée : * Contenu à caractère sexuel (comprenant des images d’actes sexuel, nudité, contenu provoquant sans nudité, autre contenu à caractère sexuel). * Contenu violent ou repoussant (bagarre entre adultes, agression physique, bagarre entre personnes mineures, mauvais traitements infligés aux animaux, contenu choquant ou dégradant). * Contenu violant ou incitant à la haine (apologie de la haine ou harcèlement). * Actes dangereux ou pernicieux (toxicomanie, utilisation abusive du feu ou d’explosifs, autres actes dangereux). * Violation de mes droits (violation de mes droits d’auteur, atteinte à ma vie privée, divulgation d’informations personnelles). * Spam. Seul problème, il semble que l’internaute n’ait pas la possibilité d’expliciter sa démarche ni de correspondre avec YouTube. Il clique, point final. L’internaute peut aussi publier un commentaire sur une séquence vidéo. Seulement, ce « commentaire » permet juste de donner un avis d’internaute sur la qualité d’une vidéo, entre les appréciations suivantes : « Excellent », « Très bien », « Bien » « Moyen » ou « Insuffisant ». Les commentaires s’adressent aux autres internautes qui voudraient visionner ces séquences. Le 19 novembre 2007, nous avons visionné les cinq séquences vidéo de Robert Faurisson, qui étaient en ligne depuis un mois et avaient été visionnées 792 fois. Nous avons alors cliqué sur la mention « Contenu violant ou incitant à la haine », puis nous avons écrit le commentaire suivant : « Cette vidéo est contraire aux articles 23, 24 bis et 42 de la loi du 29 juillet 1881 ». Nous avons également demandé (dans notre commentaire) que ces séquences soient retirées, en rappelant que la peine encourue pour cette infraction est d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Le 26 novembre, les vidéos étaient toujours en ligne. Pas la moindre réaction de YouTube. Combien de temps faudra-t-il pour que ce portail les retire et se mette en conformité avec nos lois ? Au mois d’avril 2008, les vidéos sont toujours sur You Tube. Sans prétendre à l’exhaustivité, ajoutons que nous avons trouvé une autre vidéo de Robert Faurisson dans la catégorie « Révisionnisme ». Dans cette section, on trouve sept vidéos, dont l’une de 2 minutes intitulée « Docteur Merlin, Ulysse est revenu (libérez Ernst Zundel) » : son seul objet est de faire du négationniste germano-canadien Ernst Zundel une sorte de martyr. Dans la catégorie « Négationnisme », on trouve huit occurrences dont – il faut le signaler – une séquence vidéo négationniste intitulée « La vérité sur la Shoah » qui n’est plus accessible, parce qu’elle a été probablement signalée par des utilisateurs de YouTube (5). Bref, le lecteur aura compris qu’il faut attendre qu’un contenu soit signalé pour être éventuellement retiré, ce qui est l’usage. Mais combien de centaines d’internautes auront, entre-temps, vu ces vidéos négationnistes et néonazies avant qu’elles ne soient retirées, si jamais elles le sont un jour ? Dernier point : quelle n’a pas été notre écœurement de découvrir sur YouTube, à la date du 16 novembre 2007, de nombreuses séquences vidéos et des chansons skins et néonazies de plusieurs groupes français. Citons, entre autres, Légion 88 (groupe mythique de la musique skin française), Kontingent 88 (« Au service de nos ancêtres. Le péril rouge ne passera pas »), État d’urgence (« Skinheads Oi ! »), Panzerjager (« Ils ont déclaré la chasse aux Sorcières. Nos historiens sont bâillonnés. Ils ont truqué notre histoire entière pour préserver leurs intérêts…»), Arianhord (« Jeune Française ») et le groupe Bunker 84. Rappelons pour terminer que les hébergeurs et fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ont maintenant l’obligation de contribuer à la lutte contre la diffusion de données à caractère pédophile, négationniste et raciste. En effet, dans le cadre du dispositif de prévention et de répression a donc été renforcé par la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), les fournisseurs d’accès sont responsabilisés face au contenu qu’ils proposent dès lors qu’ils en ont eu connaissance. Selon les termes de la loi, si un hébergeur a eu la « connaissance effective » du caractère illicite d’un contenu qu’il accueille, il doit agir « avec promptitude pour les retirer », sous peine de voir sa responsabilité civile et pénale engagée. |
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