"Mon serment, je l’ai fait sur le cercueil du Colonel Jeanpierre.
Plutôt mourir, mon colonel, que de laisser l’Algérie aux mains du FLN, je vous le jure !"

Le 6 juillet 1962, à l’aube, au fort d’Ivry.
Le lieutenant Degueldre se présente devant le peloton d’exécution en tenue de parachutiste, le drapeau tricolore sur la poitrine.
Autour de son cou, il avait noué un foulard de la Légion.
Dans la poche intérieure de sa vareuse, il y avait la photo d’un bébé, son fils qu’il n’avait jamais vu.
Il avait conçu cet enfant dans la clandestinité.
Le bébé était venu au monde alors que le père se trouvait dans sa cellule de condamné à mort.
« Dites lui que je suis mort pour la France ! » s’écria-t-il à l’adresse de son défenseur.
Puis il refusa qu’on lui bande les yeux et, au poteau cria : « Messieurs, Vive la France ! » avant d’entonner la Marseillaise.
Les trois premiers officiers désignés pour commander le peloton d'exécution refusent d’accomplir cette sinistre besogne.
Ils sont sanctionnés, rayés des cadres et mis aux arrêts.
Le sous-officier remplaçant, chef de peloton, abaisse le bras.
Les soldats qui doivent l’exécuter, émus par son courage, hésitent à tirer.
Douze coups retentissent cependant dans la nuit… mais une seule balle l’atteint au ventre.
L'adjudant chargé du coup de grâce se précipite, pour accomplir sa sinistre besogne, et constate que le condamné est toujours en vie.
Sa tâche n'est plus d'achever un moribond, mais de tuer de sang-froid un vivant... ce n'est plus pareil.
Sa main tremble et décharge l'arme à côté.
Dans l'assistance c'est la stupéfaction.
Le Procureur en est agacé.
Mécontent, il fait signe à l'adjudant de se hâter.
Degueldre, recroquevillé, souffre.
L'adjudant, toujours tremblant, pointe une nouvelle fois son arme vers la tête de l'officier, ferme les yeux et appuie sur la détente.
Rien ! L'arme est enrayée !
Exaspéré par cette situation, unique dans les annales d'une exécution, le Procureur ordonne qu'une autre arme de poing soit apportée.
Personne parmi les militaires présents n'en possède une.
Il faut courir en chercher une !
Degueldre est toujours vivant, conscient.
À partir de ce moment-là, tous les juristes s’accordent à dire que la sentence ayant été exécutée, puisque le condamné étant encore en vie, il fallait le détacher du poteau et lui donner les soins nécessaires.
Mais les ordres étaient formels ; il fallait que Degueldre soit tué !
Il incarnait à lui seul, l’OAS, cette puissance qui avait fait trembler les États-Majors, le FLN et l’Élysée…
Pétrifié par la scène, glacé d'effroi, le défenseur du condamné demeure inerte.
On remet enfin un pistolet à l'adjudant qui est écœuré par cette boucherie.
04h08, une nouvelle détonation retentit… et c’est la fin.
La boucherie a duré 12 minutes…
Mais Roger Degueldre entre dans l'éternité...
Il aura respecté jusqu’à la fin son serment « la mort plutôt que le déshonneur ! »
Nous nous devons de ne jamais oublier son ultime message adressé au petit peuple d’Algérie : " Si je ne suis pas de leur race, ni né sur leur sol, je les ai beaucoup aimés et je les aime toujours ".