"...L’armée française, victorieuse à Guttstadt, marcha dès le lendemain, 10 juin 1807, sur Heilsberg.
Elle commença par enlever plusieurs petits camps.
L’arrière garde russe s’y montra bientôt en position.
Elle était forte de quinze à dix-huit mille hommes. Les cuirassiers, les dragons et la cavalerie légère, firent plusieurs charges brillantes, et gagnèrent du terrain.
Le corps du maréchal Soult se trouva formé sur les deux heures.
Deux divisions marchèrent sur la rive droite, tandis qu’une autre s’avançait sur la gauche de la pointe d’un bois dont l’occupation était nécessaire pour appuyer la cavalerie. Toute l’armée russe se trouvait à Heilsberg.
Elle alimenta continuellement par des troupes fraîches ses colonnes d’infanterie et de cavalerie, et fit de vigoureux efforts pour se soutenir dans les positions en avant de cette ville.
Plusieurs régiments russes furent mis dans une déroute complète.
A dix heures du soir, on se trouva sous les retranchements ennemis.
Les fusiliers de la garde impériale française, commandés par le général Savary, se distinguèrent par une rare intrépidité.
La division Verdier et le corps de réserve du maréchal Lannes, s’engagèrent à la nuit commencée, et débordèrent l’ennemi: on réussit ainsi à le couper.
L’ardeur des troupes était telle, qu’au moment où le grand-duc de Berg passa sur la ligne de la troisième division des cuirassiers, le colonel d’Avenay, commandant le sixième de cette arme, lui présenta son sabre tout dégouttant de sang, en disant avec fierté : « Prince, faites la revue de mon régiment, et vous verrez qu’il n’est aucun soldat dont le sabre ne soit comme le mien ».
Le chef d’escadron Chipault reçut dans cette seule journée cinquante-deux blessures. Il eut le bonheur d’en guérir, et de pouvoir encore rendre des services à la patrie.
Plusieurs compagnies d’infanterie légère y portèrent l’audace jusqu’à aller insulter les ouvrages avancés des Russes ; quelques braves trouvèrent la mort dans les fossés des redoutes et au pied des palissades.
Le combat cessa pendant la nuit, mais dès le point du jour, l’Empereur se porta sur le champ de bataille.
Il y disposa tous les corps pour donner une bataille générale et décisive.
Toute l’armée russe était réunie à Heilsberg ; elle y possédait ses magasins, y occupait une superbe position, extrêmement forte par-elle-même, et fortifiée encore par des retranchements laborieusement élevés pendant quatre mois.
L’Empereur attendit que les Russes sortissent de leurs retranchements pour les combattre.
A quatre heures, il ordonna au maréchal Davout de faire un changement de front par son extrémité vers la droite.
Ce mouvement le porta sur la Basse-Alle, et intercepta pleinement la route d’Eylau.
Chaque corps d’armée avait son poste assigné ; tous étaient réunis, hors le premier, qui continua de manœuvrer sur la Basse-Passarge.
Ainsi les Russes, qui avaient recommencé les hostilités, se trouvaient comme bloqués dans leur camp retranché, et l’on venait leur présenter bataille sur le terrain qu’ils avaient eux-mêmes choisi.
Ils se laissaient voir dans leurs retranchements formés en colonnes, environnés d’une nombreuse artillerie, pendant ces manœuvres faites pour les recevoir, dans le cas où il leur resterait quelque désir de se battre.
Mais soit que ces retranchements ne leur parussent pas encore assez formidables, soit qu’ils fussent épouvantés par l’aspect des préparatifs qu’ils voyaient devant eux, soit que l’impétuosité déployée par les Français dans la journée du 10 leur en eût imposé, ils ne crurent point pouvoir y attendre le contingent promis par l’Angleterre, et commencèrent à repasser à dix heures du soir sur la rive droite de l’Alle, abandonnant aux Français tout le pays de la gauche, leur laissant leurs blessés, leurs magasins et leurs retranchements.
Les Français firent trois à quatre mille prisonniers. Les maisons d’Heilsberg étaient remplies de blessés.
On trouva dans ses murs d’immenses magasins de vivres et de munitions.
Le grand-duc de Berg eut deux chevaux tués sous lui dans cette journée ; M. de Ségur, un de ses aides de camp, eut le bras emporté.
L’impuissance de l’armée de la coalition déjà démontrée par la prise de Dantzick, qui venait de capituler sous ses yeux, le fut encore davantage par l’évacuation d’Heilsberg et par la retraite des Russes, qui ne se crurent pas en état de tenir devant les Français et leurs alliés, malgré l’avantage de leur position et la force de leurs retranchements.
Elle le fut d’une manière plus éclatante encore trois jours après à Friedland, où fut terminée par une action décisive la longue querelle de la Russie et de la Prusse avec la France.
L’armée française entra dans Heilsberg le 12 juin 1807.
D’après « Nouveau dictionnaire historique des sièges et batailles mémorables » – 1809
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