Yom Hatzmaout 1967
Pour moi la fête de l’indépendance d’Israël commémorée en 1967 est ancrée dans ma mémoire. Elle s'était déroulée dans l'indifférence générale du monde et dans celle du monde juif en particulier. Dix neuf années d'existence contestée avaient banalisé la situation de guerre permanente dans laquelle évoluait cet État, depuis sa création contestée en 1948. L’accoutumance au danger avait conduit à l'oubli des difficultés, par lassitude et par résignation. A la radio, où existe encore une émission quotidienne d'un quart d'heure durant laquelle sont communiqués les noms de personnes peut-être encore en vie, recherchées par leur famille depuis 70 ans, on publie les dernières statistiques sur les rescapés et leurs conditions de vie inacceptables. A la télé, on diffuse des témoignages, on voit et revoit des documentairesLe mitoun La France vivait son époque historique liée à la fin de la guerre d'Algérie qui avait poussé les rapatriés à se déverser dans toutes les grandes villes pour y apporter un souffle nouveau et un exotisme stimulateur. L'euphorie économique masquait les rigueurs d'une transplantation douloureuse alors que les juifs de France avaient justifié, par égoïsme et par souci d'intégration dans la métropole, leur détachement progressif d’Israël, petit pays trop lointain pour rivaliser avec la vie facile d’Europe. Israël subissait alors de plein fouet la crise économique tandis que le «mitoun», la récession, s’était abattu sur une population qui se sentait abandonnée par la Diaspora. Les nouvelles qui nous parvenaient n’étaient pas bonnes mais les israéliens gardaient le courage à l’exception de ceux qui quittaient, par avions entiers, le pays pour chercher fortune ailleurs, dans les contrées où ne coulait plus le miel.La solidarité avait disparu de la conscience collective parce que l’égoïsme était le plus fort. Nous étions alors quelques étudiants juifs à nous intéresser au pays des ancêtres comme des extra-terrestres de l’époque.Nous avions quitté l’Union des étudiants juifs pour la fédération des étudiants sionistes, dirigée par Roger Ascot, car le sionisme n’avait pas cours à l’U.E.J.F où les positions étaient calquées sur celles de l’UNEF, par mimétisme, par manque d’originalité et par souci de prouver que l’assimilation avait fait son œuvre. Israël oublié Israël subissait alors de manière presque quotidienne des attaques sanglantes qui ne semblaient pas nous toucher. C’était loin et puis à chacun son lot de misère. Des petits groupes de palestiniens entrainés et organisés menaient des raids contre Israël depuis la bande de Gaza, la Syrie et la Jordanie. Mais à partir de 1954, les attaques meurtrières venaient, déjà, essentiellement de la bande de Gaza. Nous n’étions pas écoutés parce que nous parlions à des murs. La situation d’Israël ne traversait aucun esprit ; l’égoïsme était de mise et la recherche du bien-être personnel primait sur l’intérêt général. Israël était oublié des juifs parce qu’ils n’aimaient pas partager les problèmes et les drames. Ce sentiment de solitude m’avait transpercé et les jeunes d’aujourd’hui, imbibés d’amour d’Israël, n’imaginent pas le scénario de l’époque.Mais 1967 fut aussi l’année de la délivrance, l’année de la guerre de Six-Jours, qui permit aux juifs de la Diaspora de renouer avec le petit pays. L'Histoire se faisait ailleurs, là-bas, dans le pays nouveau, dans les champs, dans les déserts, dans la créativité, dans le combat et dans l'espérance. La question du Proche-Orient était devenue en France une préoccupation nationale.Abandonnant leur travail, leurs études et souvent leurs intérêts, des milliers de jeunes juifs accompagnés de non juifs, transformaient leurs draps blancs, maladroitement peints, en drapeaux israéliens et parcouraient les rues de France en clamant haut et fort le prix qu'ils attachaient à l'État Juif. La fête morose de l’Indépendance était oubliée et une nouvelle ère s’ouvrit.
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