L'une de mes Héroïnnes: La Princesse et ex-Imperatrice Soraya d'Iran décèdée à l'âge de 69 ans, le 25 Octobre 2001 à Paris. Qui repose en Allemagne à Munich avec toute sa famille.
À Ispahan, dans un jardin planté de roses, de pavots et de jasmin, une petite fille, Soraya Esfandiary, regarde le ciel où passe, au loin, l'avion du Roi des Rois. L'inaccessible Shah-en-Shah qui, moins de dix ans plus tard, deviendra son époux.
Née en 1932 à Ispahan, capitale de l'Empire perse, Soraya Esfandiary appartenait à la tribu des Bakhtiaris. Son grand-père en avait été Sardar Assad (chef suprême) à la fin du XIXè siècle. Elevée dans une école iranienne fondée par des missionnaires anglais, elle est envoyée en Suisse pour poursuivre ses études.
Soraya, qui fut la seconde épouse du shah d'Iran, s'est éteinte à Paris le 25 octobre 2001.
La fin solitaire d'une princesse tragique qui est entrée dans la légende grâce à un mariage de conte de fées, suivi sept ans plus tard d'un divorce déchirant.
Tout le destin de Soraya tient en deux dates : 12 février 1951 - 14 mars 1958. La première est celle de son mariage avec le shah d'Iran. La seconde est celle de leur divorce, sept ans plus tard. Sept années de bonheur qui suffiront à changer le destin d'une jeune fille iranienne anonyme en celui de la "Princesse aux yeux tristes". Peu importe que sa vie se soit achevée dans la solitude à Paris le 25 octobre 2001. La solitude du coeur, l'exil du bonheur, elle les côtoyait depuis si longtemps qu'elle avait fini par s'y résigner.
Au commencement était une belle jeune fille. Le plus beau regard vert du monde. Par son père, elle appartenait à une très ancienne famille iranienne de la tribu des Baktiars. Par sa mère, en revanche, elle se rattachait à l'Europe, puisque cette dernière était d'origine balte. Depuis sa plus tendre enfance, Soraya avait vécu entre les deux cultures.
C'est une princesse qui donne le coup de baguette magique, qui transforme son destin. Au mois de septembre 1950 à Londres, Soraya est présentée à la princesse Shams d'Iran, soeur aînée du shah. La rencontre est-elle fortuite ? Sans doute pas. Le souverain, divorcé de sa première épouse la princesse Fawzia d'Egypte, cherche à se remarier pour assurer la succession à la couronne. Toute la famille impériale s'est donc mise en chasse. Toujours est-il que la jeune fille fait la conquête de la princesse qui discerne en elle toutes les qualités d'une future impératrice d'Iran. Elle est belle et incarne le type de jeune femme moderne avec laquelle Mohamed Reza Shah souhaite partager sa vie. Son extrême jeunesse, 18 ans, semble une garantie de sa docilité.
Shams décide de ramener Soraya à Téhéran. Deux jours après leur arrivée, la jeune fille est conviée à un dîner chez la reine mère Tadj EL Molouk. Déjà étonnée par la pluie d'honneurs qui s'abat sur elle, elle sursaute à peine lorsqu'un chambellan lance : "Sa Majesté, le shah". Elle n'est pas au bout de ses émotions. Le lendemain matin, son père lui annonce : "Soraya, tu as beaucoup plu au shah ! Es-tu prête à l'épouser ?" Vingt-quatre heures plus tard, les fiançailles sont publiées. La deuxième union du shah a été conclue en moins de trois jours.
Le mariage a lieu le 12 février 1951. Pour Soraya, il est une véritable épreuve physique. Elle relève d'une congestion pulmonaire et tient à peine sur ses jambes. Le palais est glacial et, afin de lui éviter de trop souffrir du froid, le shah a fait installer des dizaines de poêles. Jugeant la précaution insuffisante, le médecin de la cour lui a ordonné de porter un gilet de laine par- dessus sa robe jusqu'à la dernière minute. Sous ses jupons, elle a enfilé une paire de grosses chaussettes. Malheureusement pour la jeune mariée, Christian Dior, le couturier français chargé de réaliser la robe, a vu un peu trop grand et trop lourd. Les vingt mètres de soie blanche qui composent la robe et sa traîne sont surchargés de broderies d'or et de strass. Le tout pèse plus de trente kilos. Quelques minutes avant le début de la cérémonie, afin de soulager sa fiancée, le shah et un de ses aides de camps, munis chacun d'une paire de ciseaux, tranchent les huit mètres de traîne. Soulagée d'une partie de son armure de soie blanche, la nouvelle impératrice parvient à tenir jusqu'au bout de la réception qui suit la célébration religieuse.
Les premiers mois sont idylliques. Installés dans une grande villa blanche, le shah et son épouse vivent un roman d'amour sans nuages. Soraya est encore un peu gamine et pour l'instant, ses enfantillages amusent son époux et la cour. Certains, dont la reine mère Tadj EL Molouk, grognent bien un peu contre ses extravagances. N'a-t-elle pas adopté un dauphin pour lequel elle a fait construire une piscine dont l'eau est filtrée grâce à un coûteux système importé des Etats-Unis ? D'autres s'inquiètent qu'elle ne juge pas utile d'approfondir sa pratique du persan.
Lors d'un discours retransmis en direct à la radio iranienne, la jeune reine a en effet buté sur un mot qu'elle ne connaissait pas. Après avoir bafouillé quelques secondes, elle a tout simplement éclaté de rire. De simples peccadilles qui pèsent peu au regard du bonheur qu'affichent les deux jeunes gens. Le shah, la famille impériale, l'Iran n'attendent plus qu'une chose : la naissance d'un enfant. Or, justement, l'enfant ne vient pas.
Durant les premières années du mariage, la stérilité de la jeune reine passe à peu près inaperçue. L'Iran traverse en effet une nouvelle crise politique. La nationalisation des gisements et des raffineries, le 15 mars 1951, a suscité les foudres diplomatiques de l'Angleterre. Et l'arrivée au pouvoir d'un nouveau Premier ministre, Mohamed Mossadegh envenime le conflit. Défenseur d'un nationalisme sans concessions, ce dernier refuse toute négociation avec l'Angleterre, propriétaire des installations nationalisées. Le shah, qui sait ce qu'il peut en coûter de braver le gouvernement de Sa Majesté britannique, souhaite au contraire entamer des pourparlers afin de mettre en place un système d'indemnité. Porté par l'enthousiasme populaire, Mossadegh s'arc-boute sur sa position. La crise parvient à son paroxysme lorsqu'au mois d'août 1953, le shah décide de quitter le pays. Gardé à vue dans sa résidence depuis des mois, il s'enfuit avec Soraya à bord d'un petit avion qui les conduit en Italie. Le couple impérial s'installe dans un grand hôtel de Rome, pour le plus grand bonheur de Soraya qui n'aspire qu'à une vie calme loin de l'agitation de la politique et des coups d'Etat. Sa félicité sera de courte durée. Le geste du shah suffit à faire basculer l'opinion. Il est rappelé par le parlement trois jours plus tard. Il rentre immédiatement en Iran. Mossadegh est traduit devant un tribunal d'exception qui le condamne à mort. Le shah commue la peine en trois années de détention. Le drame intime du couple impérial devient public un an plus tard, au mois d'octobre 1954. Le soir du 26, jour anniversaire du shah, sa mère décide de donner un grand dîner familial dans son palais. L'ambiance est assez tendue. Le médecin de Soraya vient d'annoncer une fois de plus que ses espérances de grossesse ne sont pas fondées et qu'il faudrait sans doute attendre quelques années avant que la chose soit possible. Le shah, déjà d'humeur morose, se met franchement en colère lorsqu'on lui annonce que son frère Ali Reza, héritier de la couronne, ne sera pas présent. Il est retenu par une partie de chasse dans les forêts qui bordent la Caspienne. Le lendemain, la famille impériale effondrée apprend que son avion s'est écrasé alors qu'il rentrait à Téhéran. Au-delà du deuil familial, cette terrible nouvelle plonge les Pahlavi et la monarchie iranienne dans une véritable crise dynastique. A la suite de la mort de son frère cadet, le shah se retrouve dans la position délicate d'être le seul souverain du monde qui ne dispose d'aucun héritier. Dès lors son bonheur avec Soraya est condamné. La pression politique et familiale se fait de plus en plus forte sur le couple impérial. Toutes les solutions sont envisagées. En désespoir de cause, le problème est soumis à un conseil de sages qui propose la solution classique prônée par le Coran : le mari dont la femme est stérile doit prendre une seconde épouse. L'arrangement est jugé inacceptable par le shah aussi bien que par Soraya. Il ne leur reste plus qu'une issue : le divorce. Il est prononcé le 14 mars 1958. Largement pensionnée par son ex-époux, titrée Altesse Impériale, Soraya s'installe à Paris où elle deviendra une icône de la jet-society.
C'est là qu'elle a achevé sa vie, un soir d'automne dans la solitude dorée de son appartement de l'avenue Montaigne. La fin presque logique d'un destin poignant. Une dernière fois sans doute, des dizaines de milliers d'anonymes de par le monde lui rendront un hommage silencieux, ému et sincère.
[Soraya aura été une jeune femme moderne et une éblouissante Première dame. Plusieurs fois au cours de ces sept années de bonheur, Soraya perdra l'espoir de donner un héritier à l'Iran. Après sa répudiation et une vie d'errance, la princesse partageait son temps entre Paris et sa maison de Marbella. Si elle avait surtout trouvé refuge à Paris, elle n'était jamais parvenue à tourner la page et à se reconstruire un bonheur serein.]
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