L'Histoire se répéterait-elle ? C'est en effet la question qu'on peut légitimement se poser après les attentats terroristes d'Eilat de la semaine dernière et la pluie de missiles qui a frappé la population du sud d'Israël ces derniers jours.
Ce cycle infernal (attentat terroriste invitant à des représailles, suivies elles-mêmes de tirs de missiles sur la population civile, puis de retenue de Tsahal conduisant à une baisse de la tension jusqu'au prochain épisode) devrait nous rappeler une autre époque de l'histoire courte de l'Etat d'Israël moderne, je veux parler de la fameuse et terrible guerre d'usure contre l'Egypte qui débuta presque immédiatement après la guerre des Six-Jours en 1967 pour se terminer en août 1970.
Cette période fut troublée par de nombreux accrochages frontaliers et par des attentats à l'intérieur comme à l'extérieur du territoire israélien.
En octobre 1968, la guerre d'usure arrive à son niveau de tension maximal sur la frontière égyptienne, et Israël décide de construire la ligne Bar-Lev, censée arrêter toute attaque venant de l'ouest. Nasser déclare : "je ne peux envahir le Sinaï, mais je peux casser le moral d'Israël par l'usure".
A partir de mars 1969, l'artillerie égyptienne entame des tirs intensifs contre les positions israéliennes le long du canal. Le 20 juillet 1969, Israël riposte en attaquant, par les airs, les villes égyptiennes situées le long du canal. Cette attaque fait fuir de la région 750.000 habitants égyptiens. Fin janvier, début février 1970, l'URSS fait parvenir à l'Égypte des cargaisons d'armes en quantité impressionnante. Quinze mille militaires soviétiques sont en outre envoyés en Égypte. Le 18 avril 1970 a lieu le premier combat entre l'aviation israélienne et des avions Mig pilotés par les Soviétiques. Le 30 juillet, cinq avions Mig sont abattus par Tsahal. Suite à cette défaite aérienne, Moscou fait alors pression sur les Égyptiens afin d'accepter un cessez-le-feu.
Après la signature, sous contrôle américain, du cessez-le-feu du 7 août 1970, les Égyptiens concentrent sur la rive occidentale du canal de Suez de nombreux lance-missiles, en totale contravention avec les accords conclus.
Et le bilan de ce conflit est lourd : 1 424 soldats israéliens qui ont perdu la vie dans ces attaques entre le 15 juin 1967 et le 8 août 1970.
Tout cela pour en arriver à la guerre de Kippour d'octobre 1973 où nous avons pratiquement touché l'abîme, mais grâce à notre force mentale, à notre volonté, à notre foi, nous réussîmes à reprendre le dessus et à sortir vainqueur de cette terrible épreuve qui nous coûta 3.020 morts et 8.135 blessés.
Il semble que nous n'ayons pas tiré tous les enseignements de cette période.
Force est de constater que, comme durant la guerre d'usure et la guerre de Kippour, ce sont les Arabes qui fixent actuellement le calendrier des évènements, par des attentats qu'ils commettent au moment qui leur est propice, par des tirs de missiles quand cela les arrange, provoquant uniquement une réaction défensive d'Israël, qui se retrouve alors prisonnier de trois mots : riposte proportionnée et retenue.
Et je pose une question aux dirigeants de l'Etat d'Israël, les actuels comme les précédents, une interrogation que se pose la majorité du peuple : à partir de combien de morts allons-nous réagir, combien de missiles devront encore exploser sur notre territoire pour avoir raison de notre retenue, quel est l'attentat qui justifiera une action offensive de notre part ? Quel est le point de non retour que se sont fixés le Premier ministre et le ministre de la Défense?
Les Israéliens ne sont pas un peuple de va-t-en-guerre, nous connaissons trop le prix de la vie, puisque les combattants ne sont autres que nous-mêmes.
Israël a fait preuve de retenue, nous dit-on à Jérusalem, pour ménager nos relations avec l'Egypte et ne pas tomber dans le piège tendu par les terroristes de Gaza. Pourtant, nombre d'officiers supérieurs estiment que nous aurions dû envisager des actions plus incisives et décisives, jusqu'à l'envoi de troupes terrestres dans la bande de Gaza pour répondre à l'agression dont nous avons été victimes près d'Eilat, et ils ajoutent que ce manque de réaction a été interprété par les terroristes comme un aveu de faiblesse qui les encouragera à commettre de nouveaux forfaits.
Toujours en haut-lieu à Jérusalem, on se défend de ne pas avoir commis d'éliminations ciblées. Effectivement, les responsables des "Comités de résistance populaire" ainsi qu'un chef du Jihad islamique, qui avaient envoyé les terroristes commettre les attentats sur la route d'Eilat, sont maintenant à six pieds sous terre. D'autres ont déjà pris le relais. La bête immonde repousse comme du chiendent.
Mais l'élimination des chefs du Hamas aurait un impact psychologique fondamental sur les Palestiniens, et aussi pour les Israéliens.
Imaginons l'élimination d'Ismaïl Haniyeh (je le voyais lors de la prière, vendredi dernier, à Gaza, en plein air, sur les chaînes israéliennes retransmettant en direct la télévision palestinienne, une belle cible…), celle de Mahmoud A-Zahar parlant lui-aussi librement, toujours à Gaza, celle de Khaled Mechaal qui ne pourra plus trop se fier à l'hospitalité de Bachar el Assad et devra bientôt trouver un autre abri. Voilà des actions qui porteraient un coup au moral des terroristes et mettraient du baume au cœur des Israéliens, comme ce fut le cas lorsque le cheikh Ahmed Yassine et Abdel Aziz Al-Rantissi furent envoyés rejoindre leurs 72 vierges dans leur paradis islamique.
Les Israéliens comprennent bien que la guerre ne se fait pas avec des sentiments, qu'il faut garder la tête froide, ne pas céder aux réactions impulsives, d'autant que nos gouvernants disposent, je l'espère tout au moins, d'informations que nous ne détenons heureusement pas.
Mais nos responsables savent aussi que les sentiments, la psychologie, sont des critères essentiels dans la stratégie à appliquer, en particulier lorsqu'il s'agit de lutte contre le terrorisme.
Les habitants d'Israël ont droit à la sécurité et Binyamin Netanyahou nous avait promis que les enfants de Beersheva, Ashkelon, Ashdod et des localités frontalières de la bande de Gaza dormiraient en paix.
A force d'attendre, nous nous retrouvons de facto dans une guerre d'usure, une guerre statique, une guerre de tranchées, comme en 1970, où nous avons tout à perdre. Et plus nous hésitons, plus le bilan sera lourd.
L'ombre de Kippour se profile. Il ne tient qu'à nous de ne pas répéter l'Histoire. Pour la mémoire de tous ceux qui ont été assassinés et pour éviter que de nouvelles vies soient fauchées. Nous sommes prêts à passer du temps dans les abris, encore faut-il que cela en vaille la peine.
Il y a quelques années, Vladimir Poutine exprimait bien, pour une fois, notre sentiment. Evoquant la lutte contre les terroristes islamistes tchétchènes après un attentat, il déclara qu'il les "buterait jusque dans les chiottes". Cette corvée nous incombe malheureusement à intervalles réguliers.
L'heure du grand nettoyage doit sonner.
Nos pensées, vont ce soir, à Guilad Shalit otage français, détenu depuis 1890 jours par le Hamas. Ses parents sont toujours sans nouvelles. Les visites, même celles de la Croix-Rouge, lui sont interdites…
Marc Femsohn
Les commentaires récents