Le syndrome de la pistache
Il y a un peu plus de deux ans, le sous-secrétaire d’Etat américain à l’agriculture Mark Keenum avait prié son homologue israélien de cesser l’importation en Israël de pistaches en provenance d’Iran, au nom du respect des sanctions votées par les Nations-Unies contre Téhéran, et suite à la plainte de producteurs de pistaches américains, particulièrement attentifs à la bonne application des sanctions. Le ministre israélien de l’agriculture de l’époque, Shalom Simhon, déclara sa surprise, et promit d’agir immédiatement. L’Iran est le plus gros exportateur de pistaches au monde, et Israël en est le plus gros importateur, mais les deux pays ne signèrent jamais d’accord en matière de commerce de pistaches, tandis que la Turquie était le plus gros intermédiaire de vente de pistaches au monde…
Cette affaire ne déclencha ni crise ni scandale, et fut peu médiatisée. Le chef de l’opposition israélienne de l’époque, Benyamin Netanyahou, avait proposé une initiative parlementaire, suivie par l’ensemble des membres du Parlement israélien, visant à interdire aux institutions financières d’investir dans des sociétés ayant des relations commerciales avec l’Iran, s’inspirant des sanctions appliquées aux entreprises qui avaient maintenu des relations commerciales avec l’Afrique du Sud pendant l’Apartheid. Israël devait se montrer exemplaire en matière d’application des sanctions. Le nécessaire fut fait pour que le "syndrome de la pistache" ne se propage pas.
Les relations commerciales entre l’Iran et Israël s’arrêtèrent progressivement après la Révolution islamique iranienne. Israël fut rapidement classé parmi les pays "sataniques" par le régime des Mollahs, ce qui n’encouragea guère les relations commerciales entre les deux pays aujourd’hui interdites par les deux pays.
Cette semaine, un mini-scandale fait tranquillement son "buzz" dans la presse et sur Internet. On peut lire ça et là et en substance que les Israéliens, premiers donneurs de leçon en matière d’application des sanctions contre l’Iran, violeraient eux-mêmes la ligne qu’ils essaient d’imposer pour isoler l’Iran. Une société de High Tech israélienne aurait vendu un logiciel de gestion de site à la Chambre de commerce iranienne. Le contrat s’élève à un million de dollars. Les responsables de la société en question, DaroNet, ne nient pas les faits. Contactés par la rédaction de Guysen, ils reconnaissent que leur succursale d’Anvers en Belgique a effectivement cédé des contrats de licence de leur logiciel à un homme d’affaires néerlandais, mais ils comprirent que le client fina l était iranien après avoir reçu la demande de traduire les notices en perse…
DaroNet n’a donc pas démarché la République islamique, et si des Iraniens sont effectivement les destinataires finaux des produits commandés, il se pourrait bien que le président de cette société décide d’annuler le contrat dans les prochains jours. Israël fait partie des premiers exportateurs de produits High Tech. Et l’Iran fait partie des pays qui en importent le plus. Le syndrome de la pistache aurait encore frappé.
Difficile de suivre ceux qui assurent que cette transaction est un "véritable pied de nez à l’air du temps" au moment où la communauté internationale étudie l’hypothèse de nouvelles sanctions contre l’Iran. D’ailleurs, Téhéran n’est plus seulement "soupçonné" de préparer un programme nucléaire militaire, mais bien accusé de ne pas exécuter les résolutions votées par le Conseil de sécurité et de dissimuler centrales et centrifugeuses nécessaires à l’enrichissement de l’uranium.
En Israël plus qu’ailleurs, la sécurité nationale impose un contrôle sérieux des flux financiers, et des échanges commerciaux. Les tribunaux israéliens n’hésitèrent pas à condamner à de lourdes peines ceux qui furent tentés, il y a quinze ans, d’entraver les règles. Car l’odeur de l’argent du terrorisme est meurtrière… Répétons que l’Iran alimente en armes le Hezbollah au Liban et le Hamas à Gaza.
D’aucuns affirment également que des Israéliens continuent de faire des affaires avec l’Iran. Des contrats industriels de plusieurs centaines de millions de dollars seraient signés chaque année. L’assertion est malhonnête, et la rumeur est perfide. Certes, l’Etat juif intervient encore en Iran. La cause ne manque pas de noblesse, et il serait dommage d’en faire un tabou.
Après le tremblement de terre qui sévit en Iran l’an dernier, le gouvernement de Téhéran avait refusé l’aide proposée par les organisations de sauveteurs israéliennes. A la demande des Américains, toutefois, des ingénieurs israéliens se rendirent en Iran pour participer aux travaux de réparation des canalisations détruites par le séisme, installées par des entreprises israéliennes quarante ans plus tôt. Si l’on en parle encore moins souvent, la présence supposée en Iran d’ingénieurs agronomes israéliens experts dans la lutte contre la désertification pourrait sembler tout aussi surprenante. Sans accord de coopération, Israël ne refuse jamais de participer à des actions d’urgence. C’est le droit moral d’Israël de s’interdire de traiter avec un pays dont le P résident jure la disparition. Mais c’est aussi l’honneur d’Israël que d’accepter d’aider les Iraniens à retrouver l’eau courante dans les meilleurs délais, après une catastrophe naturelle.
Les nouvelles technologies utilisées par les manifestants iraniens pour montrer au monde leur révolte face au régime répressif ont été conçues et développées en Israël et en Californie. Téléphones et ordinateurs continuent d’ouvrir les frontières de la liberté, celle de l’information en particulier. Nous pensons que l’enjeu est immense. A New-York ou à Paris, mais aussi à Téhéran, Damas ou Beyrouth, les détenteurs d’Iphone peuvent désormais télécharger gratuitement l’application de Guysen, et suivre une information indépendante, en direct de Jérusalem.
Ce soir, nous pensons à Guilad Shalit, soldat de Tsahal et citoyen français, otage du Hamas à Gaza depuis 1307 jours.
A la semaine prochaine,
Guy Senbel.
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