Le syndrome de Khartoum, Réflexions sur la stratégie palestinienne
Le 1er septembre 1967, les Etats arabes réunis en sommet au Soudan proclamèrent les "trois non de Khartoum" : non à la paix avec Israël, non à la reconnaissance d'Israël, non à toute négociation avec Israël. Moins de trois mois après la guerre des Six-Jours, en rompant pour longtemps toute possibilité de dialoguer avec l'Etat hébreu, les Arabes écartèrent de fait la possibilité qu'Israël restitue les territoires conquis. Fierté arabe, drame palestinien…
A Khartoum, les Arabes décidèrent également la création de l'OLP, dont Yasser Arafat devint le Président quelques mois plus tard. Au cours de sa longue carrière politique, il mena de front deux combats : un combat "externe", celui de la lutte pour une libération nationale, le choix de la violence l'empêcha d'aller au bout de l'histoire…, et un combat "interne", pour conserver le leadership palestinien, et mener une campagne politique au sein du monde arabe pour entretenir l'esprit anti-israélien de Khartoum, mais aussi convaincre ses leaders de la nécessité de soutenir un mouvement palestinien, une "cause" qui leur permettait d'entretenir à l'encontre d'Israël griefs et reproches. L'idée d'un Etat impossible parvint à nourrir le mythe qu'Israël occupait une Palestine improbable.
Malgré des accords de paix entre Israël et des voisins arabes, le "syndrome de Khartoum" n'a pas complètement disparu. Khartoum fut le symbole du refus arabe d'Israël, qui s'exprima pour la troisième fois, après le rejet par les Arabes en 1937 de la partition proposée par la Commission Peel qui aurait alors créé deux Etats. Ce refus arabe se manifesta à nouveau en 1947, lorsque les pays arabes repoussèrent la solution proposée par l'ONU qui voulait créer deux Etats pour deux peuples, en 1967, avec la guerre des Six-Jours et en 2000, lorsqu'Arafat refusa de signer les accords de paix à Camp David. Quatre fois dans l'histoire, Israël fut confrontée au syndrome du refus arabe.
2009 sera peut-être l'année d'un cinquième refus historique. Les manœuvres politiques conduites ces derniers jours par le leader de l'Autorité palestinienne confirment que les Palestiniens sont toujours marqués par l'esprit de Khartoum. Mahmoud Abbas rejette toute négociation avec Israël tant que le Premier ministre israélien n'aura pas décrété le gel des constructions dans les implantations, alors que ce dernier se dit prêt à négocier sans condition, et qu'il a exprimé avec emphase son acceptation de dialoguer avec les Palestiniens en vue de la création de leur Etat souverain.
Le leader de l'Autorité palestinienne trouve le prétexte des implantations, rares sont ceux qui rappellent que les Accords d'Oslo ont entériné la gestion de 99% des territoires palestiniens. La question des implantations n'entrave pas la création d'un Etat palestinien, ni la gestion de ses territoires. En revanche, l'attitude du Hamas constitue bel et bien un frein. Le refus d'organiser les élections palestiniennes à Gaza est la première épreuve de Mahmoud Abbas.
Echappatoire politique, le projet de Mahmoud Abbas de saisir le Conseil de sécurité de l'ONU en vue de décider unilatéralement de la création d'un Etat indépendant dans les frontières de 1967 est une voie impossible du point de vue du droit international. Un Etat n'existe que parce qu'il est reconnu comme tel par d'autres Etats. L'Union européenne, sollicitée pour soutenir le projet devant le Conseil de sécurité, a déjà répondu que l'initiative était prématurée, et Washington opposera sans doute son véto, si toutefois le projet est présenté devant les Nations-Unies.
Cette solution permettrait aussi à Abbou Mazen de conserver une posture de résistance et de lutte face à ce que le Hamas appelle encore "l'ennemi sioniste".
Mais ce projet de décider unilatéralement de la création de l'Etat palestinien permettrait à Abbas d'éviter de négocier avec Israël, de ne pas reconnaître Israël, et d'éviter de s'inscrire dans le processus de paix que Paris et Washington demandent avec beaucoup d'insistance.
Avec urgence même. Les Américains ont accusé Israël mardi 16 novembre de compliquer les efforts de paix en autorisant la construction de 900 logements dans le quartier de Gilo. A l'issue de sa visite en Jordanie et en Israël, Bernard Kouchner s'est dit plus optimiste, après avoir compris que la décision était d'ordre municipal…
Pour les Occidentaux, l'enjeu d'un Etat palestinien dépasse le stade symbolique et la réponse juridique du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. La création d'un Etat palestinien est d'abord la solution d'une paix attendue entre Israéliens et Palestiniens, un acte que Paris et Washington considèrent comme inscrit dans l'histoire.
Un Etat palestinien serait aussi le gage d'une certaine "normalisation" arabe. Perçue comme une cause révolutionnaire par tous les fanatiques du Moyen-Orient, la cause palestinienne alimenterait une idéologie qui emploie le terrorisme.
La question palestinienne, au cœur des discours des leaders syriens, égyptiens, turcs, algériens ou iraniens, est un des derniers et principaux prétextes politiques au refus arabe d'Israël. La question de l'Etat palestinien se fait d'autant plus pressante qu'elle alimenterait aussi l'idéologie d'un radicalisme islamique dangereux. Enfin, régler la question palestinienne permettrait de défléchir des tensions inter communautaires, en Europe notamment.
Le Hamas est le plus fidèle héritier du sommet de Khartoum. Ni dialogue, ni reconnaissance, ni paix avec Israël, le mouvement terroriste a fait sienne la devise de 1967. Pour entretenir sa guerre contre l'ennemi sioniste, il emploie la terreur et s'arme sans cesse. Jeudi 19 novembre, un missile est tombé sur le Néguev occidental, après la destruction par Tsahal de réserves d'armes dans la bande de Gaza.
Cette semaine, des rumeurs ont circulé sur la constitution de nouvelles listes de prisonniers palestiniens que le Hamas aurait proposées à Israël, en échange de la libération de Guilad Shalit.
A Gaza, Guilad Shalit, soldat de Tsahal et citoyen français, est l'otage du Hamas depuis
1244 jours.
Ce soir, nous pensons à lui.
A la semaine prochaine,
Guy Senbel.
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