Comment éviter la troisième Intifada ?
Depuis deux semaines, la vieille ville de Jérusalem est le théâtre d'inquiétantes violences qui rappellent le contexte dans lequel la deuxième Intifada avait commencé. Les provocations redoublent d'intensité sur le Mont du Temple, tandis que les autorités israéliennes évitent tout geste qui servirait de prétexte à déclencher une nouvelle "révolte" palestinienne, qu'appellent de leurs vœux aussi bien Khaled Mechaal abrité à Damas et Hassan Nasrallah depuis Beyrouth.
Arrêté pour incitation à la violence, le chef du Mouvement Islamiste proche du Hamas, Raed Salah, a été relâché par la police et s'est vu interdire l'accès à la vieille ville pendant un mois… La politique israélienne semble guidée par la prudence.
Depuis plusieurs mois déjà, le décor d'une troisième Intifada est bien planté en Israël. Les leaders islamistes dénoncent à nouveau un contexte sans espoir. Et la réconciliation palestinienne que certains encouragent au nom de la paix pourrait sans doute s'accomplir plus facilement dans un contexte d'embrasement généralisé.
C'est d'ailleurs plutôt l'unité palestinienne et non la réconciliation que recherche le Hamas. Les "traitres du Fatah" n'ont-ils pas fait en sorte que le rapport d'enquête du juge Goldstone soit enterré devant le Conseil des droits de l'Homme des Nations-Unies, demandent les leaders du Hamas à Gaza qui pensent enfin avoir trouvé la preuve irréfutable que Mahmoud Abbas ne défendrait pas les intérêts de tous les Palestiniens…
En acceptant de repousser l'examen du rapport Goldstone au mois de mars 2010, le Fatah se voit reprocher d'avoir cédé à la pression américaine. Le Hamas peut montrer qu'il est le seul mouvement capable d'incarner la "résistance" face aux Israéliens. Agitant le spectre des implantations que le Président de l'Autorité palestinienne n'aurait pas su endiguer, Mahmoud Abbas est présenté comme un homme affaibli par une vision trop "israélo-américaine" de l'avenir des Palestiniens. Illégitime, en un mot.
Si un appel à l'Intifada n'a pas été officiellement lancé par les leaders du Hamas à Gaza, l'hypothèse d'un nouvel épisode de "la révolte des pierres" est volontiers évoquée ces jours derniers. Titillé par une aile droite ultra-radicale constituée principalement d'anciens du Hamas, déçus et amers, le mouvement terroriste se voit reprocher que la trêve avec Israël signifie en réalité "l'abandon de la lutte contre l'ennemi sioniste"… Ces nouveaux salafistes de Gaza, qui s'inspirent d'Al-Qaïda, avaient été taillés en pièces par le Hamas au mois d'août dernier. Le Hamas ne peut souffrir aucune concurrence en matière de terrorisme islamique.
Les leaders du mouvement terroriste estiment également qu'Israël est affaibli sur le plan diplomatique. Les interventions répétées de Barack Obama pour qu'Israël cesse de bloquer les pourparlers de paix en poursuivant la politique de construction des logements dans les implantations juives existantes, font de Jérusalem le grand responsable de la non-reprise du dialogue. Raison de plus pour en exploiter un échec que le Hamas attribue encore une fois au Fatah.
En outre, l'Amérique semble peu ou prou avoir renoncé à ses ambitions pacifiques pour la région. Obama a fini par comprendre que Netanyahou n'avait pas d'interlocuteur, légitime de surcroit, en la personne d'Abou Mazen décrié ici, et là, vilipendé… Le terrain politique est assez libre.
Soudainement, la trêve avec Israël devient une "pause" ; la "guerre sainte va bientôt reprendre", et c'est Jérusalem qu'un Fethi Hamad, ministre de l'Intérieur du gouvernement du Hamas à Gaza, invite à libérer en priorité… Conforté par la ligne de Téhéran, il appelle à la disparition d'Israël dont le seul objectif serait de raser la Mosquée Al-Aqsa pour y bâtir son troisième Temple…
Erigée en monument-martyr, la grande Mosquée de Jérusalem est le haut-lieu de la résistance palestinienne. "Mourir pour Al-Aqsa" en est son périlleux slogan.
Dans ces circonstances, empêcher une troisième Intifada devient complexe. Le Hamas aurait besoin de cette ultime "révolte" pour tenter de renverser définitivement le Fatah et procéder à la "révolution islamique". Lancée depuis des années à Gaza, la course contre la création d'un Etat palestinien libre, démocratique et démilitarisé reprend, effrénée.
La création d'un Etat palestinien sera sans doute le rempart le plus sûr contre les violences palestiniennes, qu'elles soient dirigées contre les Israéliens du Néguev occidental, les passants de Jérusalem ou des touristes à Netanya. Tant qu'il s'agira de mourir pour Al-Aqsa.
Pour éviter une troisième Intifada, les pressions diplomatiques doivent s'exercer vaille que vaille sur tous ceux qui soutiennent la politique de la violence au Moyen-Orient. Les pressions sur l'Iran ne doivent pas concerner le dossier nucléaire exclusivement mais également le rôle de Téhéran dans son soutien à la politique terroriste du Hamas, ou du Hezbollah. La Syrie ne peut proposer à Paris et Washington de jouer la carte de l'apaisement et continuer d'offrir à Damas une solide base arrière pour les ambitions destructrices du Hamas.
Pour éviter une troisième Intifada, la paix doit être pensée hors des seuls champs politiques. La paix par le business est un concept déclinable. La paix par la culture, la paix par le dialogue et l'échange sont d'indispensables passerelles que s'évertueront de briser les lanceurs de pierres. L'Union pour la Méditerranée, mal comprise dans certains pays européens, aurait pu niveler "par la paix" .
Pour éviter une troisième Intifada, le Hamas doit comprendre qu'Israël est capable de répondre au moment opportun, et quels que soient la partialité des rapports présentés à l'ONU, à toute généralisation des violences. Israël n'a pas fait montre d'un signe de faiblesse en libérant vingt prisonnières palestiniennes en échange d'une cassette vidéo prouvant que Guilad Shalit est en vie.
Le retour de Guilad Shalit chez lui ne serait pas une victoire militaire israélienne. Loin de là. Quelle que soit son issue, l'affaire Guilad Shalit est un échec qui chaque jour grandit, depuis 1202 jours.
Ce soir, nous pensons à Guilad Shalit, soldat de Tsahal et citoyen français, dont le Président de la République Nicolas Sarkozy a assuré à son père, Noam, jeudi 8 octobre qu'il s'engageait personnellement à faire libérer son fils.
A la semaine prochaine,
Guy Senbel.
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