04 mai 2009
"La notion d'inéligibilité accompagne une sanction pénale. Au vu des condamnations de M.Dieudonné, il n'a pas été déclaré inéligible. De plus, le droit européen ne s'applique pas dans le cas des élections européennes mais uniquement le droit et le code électoral national en raison de l'absence de texte européen encadrant les élections. Or, le ministère français de l'Intérieur ne peut s'opposer à la validation des listes électorales que si certaines conditions ne sont pas remplies, comme par exemple des listes incomplètes.
Du point de vue du droit sa candidature ne peut être refusée.
Durant la campagne le candidat pourra faire l'objet de poursuites judiciaires pour tout propos qui serait contraire à la loi, mais encore une fois cela n'entraînerait pas d'inéligibilité. Il pourrait être contraint de retirer ses propos par référé.
En cas d'élection, seul le conseil d'Etat serait habilité à invalider le scrutin en arguant du caractère antisémite de ses propos. Sa candidature est donc protégée avant et pendant la campagne."
Le politologue Jean-Yves Camus, spécialiste de l'extrême droite et chercheur associé à l'IRIS, réagit à la volonté de l'Elysée d'étudier une éventuelle interdiction des listes "antisionistes" présentées par Dieudonné aux élections européennes.
Avant le début de la campagne électorale, cela me paraît très compliqué. Ce serait une première en France. Nous avons une conception très large de la liberté d'expression et, fort heureusement, l'interdiction préventive de présenter des listes n'existe pas. Pour cela, il faut une condamnation préalable, telle que la privation des droits civiques, ce qui n'est pas le cas pour Dieudonné. Pour interdire ces listes, il faudra donc certainement attendre que l'un ou l'autre des membres qui les composent émettent des idées racistes ou antisémites lors de la campagne.
L'annonce faite par Claude Guéant, le secrétaire général de L'Elysée, est-elle prématurée?
Oui, je le crois. D'autant qu'il est difficile de savoir à quoi joue Dieudonné. Va-t-il vraiment aller au bout et déposer plusieurs listes? Et avec qui? On sait qu'il est accompagné d'Alain Soral, ancien du FN, ainsi que de Yahia Gouasmi, président du Parti Antisioniste et du centre Zahra France, qui regroupe des musulmans chiites. Mais Kémi Séba, le fondateur du groupuscule radical noir Tribu Ka, aujourd'hui dissous, a refusé. Ensuite, qui financera la campagne? Il y a beaucoup d'incertitudes. Il n'est pas évident du tout que Dieudonné veuille réellement aller au bout. Attention à ne pas lui faire trop de publicité. C'est pour cela que je dis que l'Elysée prend une position risquée en annonçant une intervention devant la justice.
L'éventuelle présentation de ces listes "antisionnistes" serait-elle le reflet d'une montée de l'antisémitisme en France?
Il y a un double mouvement dans la société. D'un côté, la société française dans son ensemble est de plus en plus tolérante avec les minorités. De l'autre, et les rapports (Ministère de l'Intérieur, CRIF) convergent là-dessus, on assiste à une montée des actes antisémites, liés en partie aux événements du Proche-Orient, mais pas seulement. C'est compliqué de déterminer l'effet de la cause. Le discours antisémite créé-t-il des actes antisémites, ou est-ce parce qu'il y a des actes antisémites que certains personnages les répercutent sur la scène politique?
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