Les assassins d’Ilan Halimi devant la justice française


Par Julien Bahloul pour Guysen International News

      P90_fofana_antisem Après plus de trois ans d’attente, le procès des assassins présumés d’Ilan Halimi a enfin débuté à Paris le 29 avril. Ambiance tendue à l’extérieur du Palais où des manifestants juifs ont exigé que justice soit faite, show provocateur à l’intérieur où Youssouf Fofana n’a pas manqué d’utiliser cette tribune.

Isabelle Coutant-Peyre, son avocate, a affirmé que ce dernier « n'est pas le diable » et qu'il a « été maltraité par une campagne de marketing politique et religieux ».
Récit de la première journée d’audience et retour sur l’histoire de ce meurtre.

Le sourire aux lèvres, vêtu d'un sweat-shirt blanc Y. Fofana entre dans le box des accusés en levant le poing vers le ciel en criant « Allah vaincra ». Depuis son arrestation en Côte d’Ivoire (dont il est également citoyen) en mars 2006, il a épuisé une trentaine d’avocats.

Deux se sont montrés plus coriaces que les autres. Me Emmanuel Ludot, unique avocat français de Saddam Hussein ; et Me Isabelle Coutant-Peyre épouse du terroriste Carlos et défenseur de plusieurs islamistes. C’est à eux deux que revient la difficile tâche de représenter Y. Fonana.
 
L’avant-veille de l’ouverture du procès, ils ont exigé une remise en liberté de leur client au nom du respect de « la dignité humaine » qui serait bafouée par les conditions de détentions de Y. Fofana. Selon eux il serait emprisonné dans une cellule « insalubre » de 3m². Demande rejetée.
 
Conformément à la procédure, la juge commence par effectuer l’appel des accusés.
« Nom ? », lui demande-t-elle ?
« Mon prénom, c'est Arabe. Mon nom Africaine barbare armée révolte salafiste », répond-t-il.
 « Date de naissance ? », poursuit la juge en lui faisant remarquer que ces propos ne correspondent pas aux informations en sa possession.
« Le 13 février 2006, à Sainte-Geneviève-des-Bois », lance-t-il, ce qui correspond à la date et au lieu de la découvert du corps, agonisant et brûlé à 80%, d’Ilan Halimi avant de mourir sur le chemin de l’hôpital d’Evry.
«Libre à vous de procéder de cette façon», lui rétorque la juge.
 
Un spectacle de bas niveau offert à Ruth Halimi, la mère d’Ilan assise entre ses deux filles sur le banc des parties civiles. Depuis une heure elle attendait en silence, certains affirmant l’avoir vu prier et se balançant d’avant en arrière.
 
L’appel des 26 autres accusés se poursuit. Aux profils variés (étudiant en commerce, livreur de pizza, chauffeur de car, chômeurs, lycéens…), ils en commun d’être jeunes et d’avoir été mêlés de près ou de loin au kidnapping puis à la séquestration, la torture puis la mort d’Ilan. Certains sont jugés pour avoir préféré gardé le silence alors qu’ils étaient au courant de ce qu’il se passait.
 
Tifenn , décrite comme une proche amie de Youssouf Fofana, est jugée pour avoir cherché des victimes potentielles avant Ilan.
Emma, qui avait attirée Ilan dans le piège, était lycéenne en classe de seconde.
Gilles, gardien d’immeuble, est celui qui a prêté l’appartement où a été enfermé dans un premier temps Ilan. Cédric servait de garde dans un sous sol des cités de Bagneux où il a ensuite été transféré à moitié nu en plein hiver.
 
Youssouf Fofana de son côté s’est auto-proclamé « cerveau du gang des barbares ». C’est lui qui a planifié et organisé l’enlèvement d’Ilan. C’est lui aussi qui a mis le feu à son corps encore en vie après lui avoir planté plusieurs coups de couteau.
 
Tout a commencé le 17 janvier 2006. Yalda, iranienne de 17 ans, est envoyée par Y. Fofana dans une boutique téléphonique d’un « quartier juif de Paris » à la recherche d’une victime à séduire. «Je veux prendre un des juifs en otage car les juifs sont solidaires entre eux et ils paieront », a-t-il expliqué à Yalda. «Les Juifs sont les rois car ils bouffent l’argent de l’Etat, les noirs sont considérés comme des esclaves par l’Etat», affirme-t-il.
 
C’est la raison pour laquelle plusieurs autres personnes, toutes juives, avaient déjà été approchées par des ‘envoyées’ de Fofana.
Ilan, lui, est séduit. Il donne son numéro de téléphone.
 
Le 20 janvier, Ilan et Yalda se retrouvent pour boire un verra porte d’Orléans. A 23 heures, alors qu’ils se promènent dans le parc de Sceau, Youssef Fofana et ses complices surgissent de l’obscurité, se jettent sur Ilan tandis qu’Ilan « appelait à l’aide », a expliqué Yalda aux policiers avant de préciser que Fofana lui a ordonné de « dégager ».
 
L’otage est ensuite transporté dans un premier dans un appartement d’une cité de Bagneux. Fofana affirme avoir obtenu de garder Ilan ici en promettant au concierge 5000 euros sur les 450 000 qu’il a demandé en rançon.  
 
L’un des geôliers d’Ilan, Zigo, 17 ans, explique avoir « fait un trou avec une paire de ciseaux au niveau de sa bouche [scotchée depuis 24 heures] et je lui ai donné des protéines [aux légumes et à la vanille] à l’aide d’une paille.»
 
La suite ressemble à une série policière ratée. Y. Fofana s’envole pour la Côte d’Ivoire d’où il négocie la rançon avec la famille. Il ordonne à ses complices d’envoyer une «photo gore avec du sang, qui marque les esprits » ou «avec un manche à balai dans l’anus».
 
Les journées se succèdent et rien ne se passe comme Fofana l’avait prévu. L’argent n’est pas versé. Jérôme, l’un des gardiens d’Ilan, prend peur et ne supporte pas la violence quotidienne.
 «Surtout Zigo qui lui donne parfois des coups de manche à balai» et a «voulu écraser son joint sur le front d’Ilan parce que c’est un feuj ou qu’il réclamait une deuxième cigarette».
Au bout d’une semaine il abandonne le groupe. 
 
De retour de Côte d’Ivoire, Y. Fofana doit rendre l’appartement. Il prend alors Ilan sur le dos et l’emmène dans un local technique de l’immeuble, en sous-sol. 
Dans cette pièce glaciale, Ilan vit les derniers jours de son calvaire. Fofana veut cette fois une photo avec du sang. Smiler, le plus vieux du groupe, explique avoir trouvé Ilan « au bout du rouleau » avant de lui planter un coup de cutter dans la joue.
 
Le 12 février, Y. Fofana cède à la pression de ses complices qui lui demandent de libérer l’otage. Il affirme qu’il va le déposer dans un bois. Avant cela, un geôlier lui rase les cheveux et le lave pour effacer toute trace d’ADN.
 
Le lendemain, il jette Ilan près de la gare RER de Sainte Geneviève des Bois dans l’Essonne, lui donne des coups de couteau à la gorge, l’asperge d’alcool à brûler et incendie le corps à l’aide d’un briquet.
Il explique son geste à Smiler en affirmant qu’Ilan avait «réussi à enlever son bandeau et l’avait regardé droit dans les yeux».
 
Lorsque les ambulances localisent Ilan, celui-ci est déjà presque mort. Il rend son dernier souffle sur la route de l’hôpital.
 
Pendant ce temps-là, Y. Fofana est reparti en Côte d’Ivoire d’où il continue de menacer la famille d’Ilan. La police ivoirienne le localise et l’arrête à Abidjan le 22 février. Il est extradé vers la France le 2 mars.
Entre temps, les médias s’emparent de l’affaire et la justice finie par retenir le motif de l’antisémitisme comme circonstance aggravante.
 
Depuis trois ans de nombreuses questions restent en suspens : pourquoi autant de voisins étaient au courant et n’ont pas parlé ? Comment la police a-t-elle pu à ce point échouer ? Pourquoi les enquêteurs ont demandé au père de la victime de ne plus répondre au téléphone ? Les avocats de Y. Fofana vont-ils réussir à éviter la condamnation de leur client pour crime antisémite allégeant ainsi sa peine ?
 
En attendant, Ilan est enterré au cimetière de Guivat Shaoul à Jérusalem où il a été transféré un an après son meurtre. Seul endroit où il pouvait enfin trouver le repos, selon sa mère

Commentaires

L'utilisation des commentaires est désactivée pour cette note.