Présentation de la fête de Pourim
La fête de Pourim (les sorts), le 14 Adar, est la célébration du miracle qui a sauvé le peuple juif en Perse, vers l’an 480 avant l’ère courante. L’histoire de Pourim est racontée dans le livre d’Esther.
Histoire de Pourim
Peu de temps après la construction du Second Temple, il restait une forte population juive en Perse, dont Suse était la capitale. Le roi Assuérus (485 à 465 avant l’ère courante), petit-fils de Cyrus, après avoir répudié son épouse Vashti, choisit pour nouvelle reine la belle Esther. Mais Esther n’avait pas révélé au roi qu’elle était juive, sur les conseils de son oncle Mordékhaï. Ce même Mordékhaï, dans ce temps-là, avait sauvé la vie du roi en ayant déjoué le complot de ses gardes contre le souverain. Le fait fut inscrit dans les annales du royaume.
Haman l’amalécite, un homme orgueilleux et cruel, était le conseiller du roi ; et il haïssait Mordékhaï, car ce dernier avait refusé de se prosterner devant lui, les Juifs ne se prosternant que devant Dieu. Il en conçut une haine pour le peuple juif entier, et complota pour le détruire en un discours malheureusement trop connu : « Il y a dans toutes les provinces de ton royaume un peuple dispersé et à part parmi les peuples, ayant des lois différentes de celles de tous les peuples et n’observant point les lois du roi. Il n’est pas dans l’intérêt du roi de le laisser en repos. » (Est 3,8)
Et le roi lui confia le soin de faire ce que bon lui semblerait. Haman, muni du sceau du roi, envoya dans toutes les provinces l’ordre de massacrer les Juifs le 13 Adar, date qu’il avait tirée au hasard.
Mordékhaï persuada Esther de parler au roi au nom du peuple juif. Pour s’apprêter à risquer sa vie en allant voir le roi sans avoir été convoquée, Esther passa trois jours en prière et en jeûne et avait demandé à tous les Juifs d’en faire autant. Le roi la reçut avec bienveillance, elle demanda à parler lors d’un festin qu’il organiserait le lendemain.
Ne pouvant dormir, le roi se fit lire les annales du royaume, où on lui rappela comment Mordékhaï avait déjoué la conspiration contre lui, et qu’il n’avait été fait aucune récompense à cet homme. Au matin, il demanda à son conseiller Haman quel traitement il se devait de réserver à un homme qu’il souhaitait honorer. Haman donna son avis en croyant que le roi pensait à lui : une parade en ville sur le cheval du roi. Assuérus lui ordonna alors de faire ce qu’il avait dit pour Mordékhaï.
Le soir, lors du festin, le roi demanda à Esther quelle était sa requête, qu’il promettait de lui accorder d’avance. Esther lui demanda la survie ainsi que celle de son peuple, que Haman avait condamnées. C’est ainsi qu’Assuérus publia un nouvel édit pour annuler celui de Haman, qui fut pendu sur la potence qu’il avait lui-même dressée pour Mordékhaï.
Le peuple juif, sauvé, passa du deuil à la réjouissance ; on célébra des fêtes. C’est ainsi que fut instaurée, le 14 Adar, la fête de Pourim.
Pourim dans le judaïsme
La fête de Pourim a une signification fondamentale dans le judaïsme. Le miracle de Pourim stigmatise l’espoir que les Juifs gardent toujours dans ces épreuves.
-
- Le rouleau d’Esther
Il est un fait particulièrement marquant au sujet du Livre d’Esther : il s’agit du seul texte de la littérature juive sacrée dans lequel pas une fois il n’est fait mention de Dieu. Plus exactement, Dieu n’est pas cité explicitement, mais par de nombreuses allusions subtiles dans le récit. C’est que, si Pessah est l’histoire de la libération du peuple juif par de grands miracles surnaturels, Pourim est la délivrance invisible, l’action cachée de Dieu à l’intérieur des lois de la nature. Par leur seule prière, les juifs du temps d’Esther furent sauvés ; aujourd’hui seul le croyant qui place toute sa confiance en Dieu, peut reconnaître la vraie grandeur du miracle.
C’est même le sens de nom de la fête. Pourim, la fête des "hasards", exprime l’idée que précisément, rien n’est laissé au hasard par Dieu. Ce qui semble être, à première vue, une conséquence de l’histoire, un enchaînement d’événements fortuits, n’est en fait que le moyen choisi par Dieu pour déployer Son Œuvre de Bien.
La fête de Pourim aujourd’hui
Le 13 Adar est un jour de jeûne et de repentir. S’il s’agit d’un samedi, le jeûne est avancé au jeudi pour ne pas gêner la célébration de Shabbat (noter que, du fait des de’hyiot, le 13 Adar ne peut jamais tomber un vendredi). Le jeûne est diurne uniquement ; il s’adresse à tous, mais comme d’habitude les personnes faibles ou malades en sont dispensées. Le 14 Adar est une journée de réjouissances.
Quatre particularités s’appliquent au jour de Pourim, 14 Adar : - On écoute la lecture publique de la méguila (rouleau) d’Esther à la synagogue, deux fois : la veille au soir, et le matin du 14 ;
- on envoie des cadeaux comestibles aux amis et aux pauvres, en symbole de solidarité dans l’épreuve ;
- en souvenir du demi-shéquel que l’on donnait pour le Temple, l’usage est de donner une contribution pour les œuvres d’Israël ;
- on prend en banquet, dans l’après-midi, à l’image du festin d’Esther.
La coutume est également de se déguiser, car la vraie nature des personnages s’est révélée et leurs masques sont tombés. Lors des années embolismiques, Pourim est célébré au mois de Adar II.
Les bénédictions
Avant la lecture de la Méguila, on récite trois bénédictions. La première est celle habituellement prononcée avant l’accomplissement d’un acte religieux : "Baroukh... ashèr qidshanou be-mitsvotav ve-tsivanou ’al miqra Meguila"
La seconde : "Baroukh... shé-’assa nissim la-avoténou ba-yamim ha-hèm ba-zman ha-zè" (Béni... qui a opéré des miracles pour nos ancêtres en ces jours-là, à cette époque).
Un commentateur explique que l’expression "à cette époque" signifie qu’à chaque époque, et donc aussi à la nôtre, ces événements sont revécus et prennent une actualité nouvelle. La troisième bénédiction est celle de shè-hè’hèyanou qui exprime notre gratitude pour le temps que nous vivons maintenant. Ces berakhot rappellent qu’il ne suffit pas de fêter, mais qu’il faut aussi revivre.
Le rouleau déployé
Meguila veut dire "rouleau", ce mot venant du verbe galol : enrouler.
Mais Meguila peut aussi venir de galoh : mettre à découvert. Il est vrai que, dans l’Antiquité, tous nos livres étaient écrits sous forme de rouleaux ; pourtant, celui d’Esther est le seul que nous désignons sous la simple appellation "la Meguila". Peut-être est-ce dû au fait qu’il évoque la mise à découvert de la main de la Providence cachée derrière la scène de l’Histoire.
Ne plus distinguer entre Haman et Mordékhaï
La même idée est exprimée, d’après certains exégètes, dans la règle suivante : "Il faut boire à Pourim jusqu’à ne plus distinguer entre "baroukh Mordekhaï" et "arour Haman" (entre "béni soit Mardochée" et "maudit soit Aman"). Vue ainsi, cette règle ne doit pas être prise à la lettre : elle exprime que l’homme doit tellement s’imprégner de l’idée de la finalité de l’histoire et s’en émerveiller qu’il ne voit plus - sous cet angle - de différence fondamentale entre les deux personnages. En effet, les deux contribuent au déroulement d’une étape historique importante.
La joie et l’optimisme
Le cachet principal de cette fête est la joie débordante qui en marque toutes les manifestations. Cela contraste avec les autres festivités où une certaine sérénité est toujours de rigueur.
Mais la vie juive, et plus particulièrement son calendrier, exprime plusieurs aspects complémentaires. Le sérieux et la rationalité ne sont pas opposés à l’optimisme et à la joie.
Il n’existe même pas de contradiction réelle entre la tristesse apparente de Tish’a be-Av et la gaieté de Pourim : on peut être amer en raison de la déchéance spirituelle du monde et plein de confiance quant à son avenir.
A Pourim, on s’élève en quelque sorte au-dessus de son engagement journalier, on voit le monde dans la perspective de sa finalité et là, tous les personnages, toutes les époques ont leur rôle positif à jouer.
La dernière fête du calendrier juif
Pessa’h est la première fête de l’année et Pourim la dernière. Un contraste frappant les oppose. A Pessa’h, on insiste énormément sur le côté intellectuel de la vie juive, et Pourim semble mettre le poids plutôt sur le côté spontané. A Pessa’h, il importe qu’une discussion s’engage entre le père et le fils, le maître et l’élève, et à Pourim, il importe d’être joyeux, naturel et sans problèmes.
On peut expliquer ce contraste de la manière suivante. Chaque année, l’homme doit acquérir une conscience plus élevée des vérités fondamentales de l’existence : cela se passe à Pessa’h. Ensuite, tout au long de l’année, il doit essayer de donner une expression existentielle aux réflexions qu’il a conçues. Jusqu’à ce qu’à Pourim, avec peu d’explications et de discours, il se sente heureux d’être juif et donne libre cours à son enthousiasme. Le but final de la Tora n’est pas de former un intellectuel sophistiqué, mais un être sain, simple et droit.
Au temps d’Aman, le judaïsme et les Juifs furent remis en question en bloc : tout devait disparaître. Pourim, par réaction, représente cette prise de conscience totale du fait juif. C’est l’exaltation de cette sainteté incarnée dans notre peuple et que personne n’effacera jamais.
La fête éternelle
Les Sages du judaïsme enseignent que toutes les fêtes seront abolies après la venue du Messie, excepté Pourim. Toutes les fêtes, en effet, ont trait à la sortie d’Egypte, insistant sur le chemin qu’il reste à parcourir vers le progrès. Ce sont des étapes qui seront un jour dépassées par les temps messianiques. Pourim, en revanche, exprime la richesse spirituelle et existentielle déjà acquise. Cette fête ne sera jamais déphasée, car elle aura toujours un sens nouveau. "Ces jours de Pourim ne disparaîtront pas du sein des Juifs et leur souvenir ne quittera pas leurs descendants".
Source : Ziv, bulletin de la commission judaïsme de la Cté des Béatitudes.