Soumis à de fortes pressions depuis quelques temps, le pape a tranché. Il a préféré privilégier ses relations avec la communauté juive à la réhabilitation de son prédécesseur qu’il considérait avant tout comme un précurseur du concile Vatican II. Le pape n'a donc pas signé le décret sur les « vertus héroïques » de Pie XII, dernière étape indispensable pour béatifier son prédécesseur.
La polémique avait commencé le 9 octobre dernier à la commémoration du 50e anniversaire de la mort de Pie XII. Benoît XVI avait défendu la mémoire de Pie XII dans une messe lors de cette occasion et souhaité que le processus de béatification se poursuive « heureusement ». Pour rappel, la béatification est la dernière étape avant la sanctification. Ce processus était en cours depuis 1967 pour Pie XII.
Seulement voilà, Pie XII n’était pas un pape comme les autres. En poste de 1939 à 1958, il fut le pape des temps les plus sombres de l’Europe. Et c’est d’ailleurs sa « passivité face à la Shoah » qu’on lui reproche, bien que le Vatican ait toujours démenti ce genre d’accusations.
L’an passé, le Vatican s’était prononcé en faveur d’un décret reconnaissant les « vertus héroïques » de Pie XII. Le pape n’avait pas approuvé le décret - nécessaire à la béatification de Pie XII- optant plutôt pour ce que le Vatican avait qualifié une « période de réflexion ».
Selon Peter Gumpel, partisan de la sanctification de Pie XII, « Benoît XVI tenait à ce que le processus [de sanctification, ndlr] de Pie XII soit gelé parce que cela pourrait nuire aux relations avec les Juifs ».
En parallèle, et toujours selon la même source, le pape refuserait d’effectuer tout voyage en Israël tant qu’une légende sous une photo de Pie XII au mémorial de la Shoah, Yad Vashem, à Jérusalem ne serait pas retirée. Celle-ci précise que Pie XII« s’est abstenu de signer la déclaration des alliés condamnant l’extermination des Juifs » et a « maintenu sa position de neutralité pendant la guerre ».
Le fait est que certains, et notamment les institutions représentant les communautés juives de la diaspora, disent que Pie XII n’en a pas fait assez pour sauver les Juifs. Le Vatican quant à lui maintient que Pie XII travaillait en coulisse, car une intervention directe n’aurait fait qu’empirer la situation. Une position défendue par Benoît XVI à plusieurs reprises.
Selon lui il travaillait « secrètement et silencieusement » pendant la Seconde Guerre Mondiale pour « éviter le pire et sauver le plus grand nombre de Juifs possible ». Pie XII aurait ordonné à des églises et à des couvents à travers l’Italie de cacher des Juifs. Des diplomates en Europe auraient apporté leur contribution en délivrant de faux passeports à des Juifs.
Le débat entre les historiens n’est toujours pas tranché. Cela ne le sera sans doute pas tant que le Vatican refusera d’ouvrir ses archives gardées sous scellé. On se souvient de la polémique qu’avait suscitée le film ‘Amen’ de Costa-Gavras à sa sortie. L’intervention du pape le 9 octobre en a crée une autre en cela qu’elle est intervenue deux jours à peine après les déclarations du grand rabbin de Haïfa.
Le 7 octobre, le rav Shear Yashuv Cohen avait en effet été invité à s’exprimer au Vatican en tant que co-président de la commission chargée des relations entre Israël et le Vatican. « Nous ne pouvons pas oublier le fait douloureux que de grands leaders religieux ne se soient pas élevés pour sauver nos frères et qu'ils aient choisi de garder le silence [à propos de l’Holocauste, ndlr]. Nous ne pouvons pas pardonner et oublier cela », avait-t-il déclaré devant un parterre d’évêques.
De leur côté, les principaux concernés, c'est-à-dire les survivants de la Shoah, se sont déclarés en grande majorité « profondément blessés » parce que Pie XII n'a jamais prononcé « un discours clair dénonçant la monstruosité particulière de l'extermination de millions de Juifs ». Il ne l'a d'ailleurs pas fait non plus après la guerre, ce que les survivants qualifient de « profondément choquant ».
Le Conseil Représentatif des Institutions juives de France (CRIF) avait estimé quant à lui dans un communiqué que le projet de béatification de Pie XII « porterait, s’il était mené à son terme, un coup sévère aux relations entre l’Eglise catholique et le monde juif ».
Tout en précisant qu’il n’est pas « question de nier que le Pape a aidé à cacher un certain nombre de Juifs à Rome pendant la période d'occupation allemande, il est encore moins question de sous-estimer la part magnifique qu'ont prise à titre personnel certains ecclésiastiques, en France notamment, dans le sauvetage des Juifs ».
La polémique devrait donc retomber après la dernière décision en date Benoît XVI. Et cela pourrait, dans une certaine mesure, s’avérer regrettable.
Les archives du Vatican n’ont toujours pas été ouvertes. Toute la lumière sur Eugenio Pacelli et son règne qui couvre la période de la Shoah n’est donc pas prête d’être faite. Pourtant il faudra bien plus qu’une simple bulle papale pour refermer le débat historique |
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