La chronique d'Alexandre Del Valle : Liban, le spectre d’une nouvelle guerre civile!...
12 mai 2008
Alexandre del Valle, le lundi 12 mai 2008 à 04:00
Voulant mettre fin à l’Etat dans l’Etat que constitue de Hezbollah pro-iranien, le Premier ministre Fouad Siniora, allié de Hariri et leader de la coalition anti-syrienne au pouvoir, avait accusé le Hezbollah d’« atteinte à la souveraineté de l’Etat », déclaré illégal son système de télécommunications propre et démis le chef de la sécurité de l’aéroport de Beyrouth, un général proche de la milice-parti chiite, après le scandale de la découverte des caméras surveillant les pistes. Le Hezbollah avait aussitôt lancé une campagne de « désobéissance », bloquant l’accès de l’aéroport de Beyrouth et prenant le contrôle par la force de Beyrouth-Ouest, bastion sunnite et fief gouvernemental. Une nouvelle occasion pour le Hezbollah et les chiites, devenus la plus importante communauté sur le plan démographique, de rappeler que toute résolution de crise doit passer par la prise en compte des intérêts des chiites et du Hezbollah. Un Hezbollah lié à Damas et financé par Téhéran qui bloque l’élection d’un nouveau président et paralyse le Parlement libanais depuis dix-sept mois, c’est-à-dire depuis la prise du pouvoir par la majorité sunnito-chrétienne, dite coalition du « 14 Mars ».
Beyrouth « assiégée et occupée »
Rappelons que le Liban demeure sans président depuis la fin du mandat du pro-syrien Emile Lahoud, en novembre 2007, et depuis que l’opposition Hezbollah-Michel Aoun bloque l’élection du successeur consensuel, le chef de l’armée Michel Souleïmane, et exige un droit de blocage au sein d’un futur « gouvernement d’unité nationale ». La marche arrière du Hezbollah a été permise par l’annonce du retrait des mesures du gouvernement par l’armée, dernière institution nationale représentant encore l’intérêt national et grande gagnante de la crise, puisqu’elle a réussi à éviter une nouvelle guerre civile grâce à sa neutralité. Les combats survenus à Beyrouth mais aussi dans l’est et le nord du pays ont certes fait 37 morts et une centaine de blessés, parmi les miliciens chiites et les partisans de Hariri, mais le bain de sang général que l’on craignait a été enrayé. Nul doute que le gouvernement Siniora ressort fragilisé de la révolte du Hezbollah, même s’il a averti que les « Libanais ne tomberont jamais sous le contrôle des auteurs chiites du “coup d’Etat”, et qu’il ne laisserait pas la capitale libanaise assiégée et occupée ». Conscient des rapports de force en faveur du Hezbollah en cas de confrontation directe Hezbollah-armée nationale, le leader druze, membre de la coalition anti-syrienne, Walid Joumblatt, a réitéré son appel au « dialogue, seule issue à la crise, sauf si les plans du Hezbollah consistent à liquider le gouvernement ».
« Affaire intérieure libanaise »
Afin de trouver une solution à cette crise grave qui risque de dégénérer, à nouveau, dès que le gouvernement tentera de mettre le Hezbollah au pas, la Ligue arabe s’est réunie hier au Caire et a proposé un plan prévoyant l’élection d’un nouveau président, la formation d’un gouvernement d’unité et une réforme électorale dans la perspective d’élections législatives en 2009. Le plan a été approuvé tant par l’Arabie saoudite, allié majeur du gouvernement de Fouad Siniora, que par la Syrie, accusée par Riyad de vouloir entraver son application. Fidèle à sa politique du double discours, Damas a tenu à préciser que la prise de contrôle de Beyrouth par son protégé, le Hezbollah pro-syrien et pro-iranien, était une « affaire intérieure libanaise »…
Edition France Soir du lundi 12 mai 2008 n°19794 page 17
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