"Sur les 300 familles juives qui vivaient à Villepinte (banlieue au nord de Paris – ndlr) il y a 3 ans, seules 150 sont toujours là. Autrement dit, c’est une diminution de moitié de cette communauté". Un constat déplorable qu’a tenu à souligner le président de la communauté juive de Villepinte, Charly Hannoun.
"Certains se sont dirigés vers des quartiers plus ‘sûrs pour la population juive’, d’autres ont carrément préféré quitter le pays" commente-t-il.
Car la peur a gagné du terrain à la périphérie de Paris. Entre 2000 et 2005, la vague d’actes antisémites qui a balayé l’hexagone, et en particulier ces petites banlieues du nord de la capitale, a profondément marqué la population.
"La synagogue de Villepinte avait été incendiée en 1991 et 2001" se souvient Charly Hannoun. "Et depuis, elle est nettement moins fréquentée. Pour tout dire, aujourd’hui, elle est même menacée de fermeture car trop peu de fidèles s’y rendent" explique-t-il.
Ainsi, quel avenir pour la communauté juive à Villepinte ? Une question qui ne fait pas figure d’exception. Actuellement, l’ensemble des responsables communautaires parisiens s’interrogent à ce sujet. Car il s’agit bien là d’un scenario qui se répète dans plusieurs localités.
A Sarcelles, ce sont près de 10000 Juifs qui ont quitté la ville en 10 ans, soit 1/5ème de la population totale.
Selon Samy Gozlan, président du conseil des communautés juives de Seine-Saint-Denis, plus de 16000 Juifs au total auraient quitté la banlieue parisienne depuis 2001. Un chiffre colossal, qui selon des analystes pourrait bien augmenter encore.
"Il s’agit d’un grand changement et non d’une crise passagère" a déclaré Shmouel Trigano, sociologue et universitaire parisien. "La communauté juive est en train de devenir un véritable ghetto. Ce n’est plus une communauté de choix, mais une communauté de nécessité. Or dans une démocratie, ça ne devrait pas se produire" a-t-il poursuivi.
Et pourtant. Certains n’hésitent plus désormais à prédire un sombre avenir pour ces banlieues parisiennes.
"D’ici la prochaine génération, il n’y aura pratiquement plus de Juifs dans la périphérie nord de Paris" explique le président de la communauté juive de Noisy-le-sec qui précise également que certaines familles n’ont pas les moyens de se reloger à Paris même ou dans d’autres banlieues proches.
Ainsi, certains parents ont trouvé une solution provisoire pour le bien être de leurs enfants : les inscrire dans des écoles juives. Depuis 2000, près de 40% des familles juives de Noisy ont appliqué cette méthode. Et les raisons invoquées pour justifier une telle attitude sont édifiantes : insultes, railleries et parfois violences, ces jeunes enfants étaient devenus les victimes de leur classe.
"Ils nous ont chassé d’Algérie, et aujourd’hui ça continue. Nous ne pensions vraiment pas que ça se passerait ici aussi" a déclaré un habitant de Créteil, choqué.
L’atmosphère est donc morose dans ces banlieues et Charly Hannoun explique alors qu’il ose à peine inciter de nouvelles familles juives à s’installer dans sa commune. "Honnêtement, je ne sais pas si je veux vraiment qu’ils viennent, si c’est bon pour eux" a-t-il souligné. "Mais nous ne pouvons pas baisser les bras. Nous avons un rôle à jouer et si nous abandonnions maintenant, tout serait perdu" a-t-il encore ajouté.
Inquiet de la multiplication de ces actes barbares, le CRIF vient d’ailleurs de demander à l’Etat français de se doter de moyens conséquents pour lutter contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, sur le net.
Des mesures essentielles mais trop réductrices et disparates qui ne parviennent pas à convaincre la population de rester. Et l’exode apparaît ainsi comme l’unique solution pour retrouver une vie calme et tranquille.
Le président de la communauté juive de Villepinte n’a pas eu honte de déclarer que son fils avait lui-même décidé de partir avec sa famille. "L’antisémitisme était trop présent à Paris et en France. Ainsi, il a préféré partir aux Etats-Unis, à Miami" explique ce dernier. "Mais ses enfants ne se rendent pas compte que c’est difficile d’être juif en France". Un constat alarmant, appuyé par des chiffres et des faits tout aussi inquiétants. |
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