Stances d’Hylas
Je le confesse bien, Philis est assez belle
Pour brûler qui le veut ;
Mais que, pour tout cela, je ne sois que pour elle,
Certes il ne se peut.
Lorsqu’elle me surprit, mon humeur en fut cause,
Et non pas sa beauté ;
Ores qu’elle me perd, ce n’est pour autre chose
Que pour ma volonté.
J’honore sa vertu, j’estime son mérite
Et tout ce qu’elle fait ;
Mais veut-elle savoir d’où vient que je la quitte ?
C’est parce qu’il me plaît.
Chacun doit préférer, au moins s’il est bien sage,
Son propre bien à tous ;
Je vous aime, il est vrai, je m’aime davantage :
Si faites-vous bien, vous.
Bergers, si dans vos cœurs ne régnait la feintise,
Vous en diriez autant ;
Mais j’aime beaucoup mieux conserver ma franchise
Et me dire inconstant.
Qu’elle n’accuse donc sa beauté d’impuissance,
Ni moi d’être léger ;
Je change, il est certain ; mais c’est grande prudence
De savoir bien changer.
Pour être sage aussi, qu’elle en fasse de même,
Égale en soit la loi.
Que s’il faut, par destin, que la pauvrette m’aime,
Qu’elle m’aime sans moi !
Honoré d'Urfé, comte de Châteauneuf, marquis du Valromey, seigneur de Virieu-le-Grand
mort le 1er juin 1625
Les commentaires récents