COMMUNIQUE DE PRESSE
de Jacques MYARD
Membre Honoraire du Parlement
Maire de Maisons-Laffitte
Président du Cercle Nation et République
12 novembre 2024
Allocution
11 novembre 2024
En 1795, Emmanuel KANT publie un essai philosophique « Vers la Paix Perpétuelle ».
Il propose la suppression des armées permanentes, l'interdiction de contracter des dettes pour financer des conflits extérieurs.
Le Tsar Alexandre Ier, acquis aux idées libérales, propose de créer une Ligue de « Tous les États qui désirent réellement rester en paix. »
Depuis 1795, depuis cet écrit utopique, la France, l'Europe, l'humanité ont connu de multiples conflits. Chaque guerre, à peine terminée, annonce et engendre la prochaine.
Le monde se rassasie-t-il des guerres perpétuelles dont les affrontements de plus en plus violents alimentent l'appétit insatiable du Moloch, dans un commun désastre du genre humain ?
14-18 sonne dans nos cœurs, dans nos esprits tel le tocsin.
14-18 bouleverse notre raison à l'aune des souffrances terribles des Poilus, jetés dans la fournaise des obus, fauchés par les mitrailleuses, gazés par l'ypérite.
Les hommes tombés sont ensevelis dans la terre, chaque frappe d'obus brasse les corps sans vie.
Les forêts disparaissent, les fleuves ne peuvent être franchis qu’au prix de durs combats.
Les villes, les villages en ruines témoignent de la rage des combats souvent au corps-à-corps avec Rosalie, Dame baillonnette.
« Il fait un temps magnifique et le spectacle est indescriptible. Figure-toi l'énorme plateau où il ne reste plus un arbre, ni le moindre brin d'herbe, un sol convulsé et noirci... des milliers de cadavres français et boches, des armes brisées, des débris de toutes sortes.
Là-dessus pèse une chaleur lourde, l'odeur est atroce et de grosses mouches bleues essaiment en tourbillons.
À chaque instant, de gros obus creusent, fouillent cet amas.
Il faut ramper pendant des heures, se faire un rempart des cadavres. »
Sous-lieutenant FG, page 144 « Paroles de Poilu »
La guerre de 1870 fut d'abord une guerre des corps d'armée plus qu'une guerre populaire, en dépit de la Commune de Paris.
1939-1940 fut une formidable bataille de nos armées avec l'exode dramatique.
14-18 est d'une fort autre nature.
14-18 est la Grande Guerre des Français selon Jean Baptiste DUROSELLE, un très grand historien lorrain.
« Aucune Puissance n’eut proportionnellement plus de tués. 1 397 000 morts, 1 560 jours de guerre, 829 tués par jour.
Une guerre incompréhensible, la guerre de tout un peuple dont la mobilisation générale faisait l'armée du peuple français, uni pour la défense de la Patrie. »
Une Union Sacrée !
Tous les soldats connurent « l'odeur physique de la mort. » Maurice GENEVOIX.
Toutes les familles françaises ont vécu la guerre dans leur chair : un père, un frère, un fils tombé au champ d'honneur.
Le 2 août 1914, le Caporal Jules-André PEUGEOT tombe sous le feu des balles allemandes d’une patrouille du Reich qui viole la frontière.
Les six frères HANNECART partent au combat :
Auguste, tué le 6 octobre 1914,
Robert, tué le 7 juillet 1916,
Paul, tué le 8 septembre 1916,
Jules, Edouard et Clovis sont revenus du Front, blessés.
C'est le prix de la famille HANNECART, payé chèrement pour la défense de la Patrie.
Paul DOUMER, futur Président de la République, perd quatre de ses fils : René-Léon, Marcel-Victor, André-Karl, Armand-Albert mort des suites d'une maladie contractée lors de la guerre.
Louis BARTHOU perd son fils unique le 14 décembre 1914.
Louis BARTHOU fut ministre des Affaires Étrangères en 1917 et 1934.
Tous les poilus ont connu l'enfer, le cauchemar des combats, l'odeur insupportable des cadavres qui pourrissent, déchiquetés par les rats.
« J'ai lavé ton front, tête vide, défait les cuirs sur tes reins étroits, défait le col sur ton sein aride. Pauvre corps, qu'a-t-on fait de toi ? », Henri de MONTHERLANT (1896-1972) à un aspirant tué.
« Je suis le pauvre Macchabée mal enterré, mon crâne lézardé s'effrite en pourriture, mon corps éparpillé divague à l'aventure, et mon pied nu se dresse vers l'azur éthéré. », René DALIZE, « Balade à tibias rompus ».
14-18 demeure pour nous tous au vingt-et-unième siècle une guerre inexplicable, qui concentre de multiples interrogations.
Comment ces milliers d'hommes sortant des tranchées pour partir à l’assaut ont-ils pu tenir ?
Les cas d'insoumission et de refus de se battre restent marginaux.
14-18 fut la guerre des hommes, des fantassins, c'est indéniable, mais 14 18 a franchi des étapes technologiques formidables.
C'est l'apparition des chars ; dès 1916, l'état-major donne son feu vert au Général Étienne pour construire un char avec Louis Renault ; un char léger et rapide.
Sur mer, plutôt sous la mer, les sous-marins deviennent des armes redoutables ;
La Kriegsmarine a 31 sous-marins, les Ubots,
La Royal Navy a 73 sous-marins,
La Marine Nationale, la Royale, 67.
Dès 1915, la guerre sous-marine au commerce est débattue à l'état-major allemand de la Marine.
Le 7 mai 1915 le Lusitania est torpillé.
L'aéronautique militaire fait de multiples progrès : elle observe les fronts, règle les tirs de l'artillerie et commence les bombardements stratégiques.
Verdun fut la première bataille pour la maîtrise du ciel ; après avoir été dominée par les avions allemands, la chasse française retrouve la maitrise du ciel à Verdun par des patrouilles permanentes.
En 1918, la division aérienne du Général DUVAL compte 600 appareils.
Les pilotes se sont immortalisés dans de durs combats aériens.
René FONCK, 127 victoires probables, 75 homologuées, l'as des as, sur son SPAD S XIII dans l'escadrille des Cigognes.
Louis WEILLER donne une forte impulsion à l'aviation d'observation et de reconnaissance. Il fut le premier à utiliser la photographie aérienne sur son Breguet XIV.
Les armes chimiques : elles ne sont pas nouvelles.
En 428 avant Jésus-Christ, les Macédoniens brûlent des fagots enduits de poix et de soufre pour gazer leurs ennemis.
Le 22 avril 1915 à Ypres, les Allemands utilisent du chlore. 20 000 soldats français et alliés sont gazés. Les Allemands ne furent pas les seuls à utiliser des gaz. Si les Allemands utilisèrent 52 000 tonnes d'agents toxiques, les Français en employèrent 26 000 tonnes, les Anglais 14 000.
En dépit des conventions internationales pour éliminer les armes chimiques,
- Protocole de Genève de 1925,
- La Conférence de Paris qui adopte en 1993 « La Convention d'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques », signée par 130 États.
L'humanité vit avec ces armes perfides, toujours utilisée par certains pays et des terroristes.
Le service de santé
14-18 a franchi un seuil inégalé dans la brutalité. Les médecins militaires eurent du mal à convaincre leurs supérieurs pour qu'ils saisissent la violence des combats.
Les mitrailleuses et les obus entraînent des plaies majeures incrustées de terre, de lambeaux d'étoffe arrachés aux vêtements.
En dépit du manque d'aspirine, sous brevet allemand de Bayer, les médecins utilisent comme analgésiques de la morphine et la codéine.
L'anesthésie fait des progrès face aux défis des gueules cassées ; les médecins inventent l'intubation endotrachéale insufflant un mélange air-éther ou du chloroforme.
Pour lutter contre la gangrène gazeuse, l'équipe DAKIN-CARREL utilise l’hypochlorite de soude, toujours utilisée.
Pour les gueules cassées, la chirurgie maxillo-faciale et les otoplasties tentent de leur redonner un visage.
Marie Curie déploie le premier service de radiologie mobile.
Faut-il une guerre pour faire progresser la médecine ?
Il est vrai que la médecine moderne doit beaucoup aux découvertes effectuées lors de la Grande Guerre.
Mais n'oublions pas les troubles majeurs des survivants.
N'oublions pas que pour atténuer la souffrance des gueules cassées, on leur donna des opiacés, de la morphine.
La France, après la guerre de Sécession (1861-1865), entrait ainsi dans l'ère de l'OPIUM et des drogues.
Ayons le courage de nous en souvenir.
Le renseignement.
Tout conflit, guerre par Proxy, ou guerre entre Puissances nécessite des renseignements.
Tout conflit se doit de connaître les plans de l'ennemi, nécessite d'obtenir des renseignements, c'est la clé de la victoire future.
Lors de la seconde Guerre mondiale, la bataille pour percer Enigma fut la clé de la victoire alliée.
Commencé grâce au 2ème bureau de l'État-major français avant-guerre, puis réalisé par les chiffreurs polonais, poursuivie par les Britanniques à BLETCHLEY Park avec les fameuses bombes ÉNIGMA, le décryptage des machines allemandes a été déterminant dans la victoire des Alliés.
Début juin 1918, les Allemands sont à 100 km de Paris et préparent une attaque. Les Alliés ont l'obligation de briser le chiffre allemand ADFGVX.
L'arme secrète est un Français, brun, fluet, Georges PAINVIN. Il se bat nuit et jour pour décrypter le chiffre allemand, il perd alors 15 kilos !
Le 2 juin 1918, il casse le code de la Reichswehr. Il lit le message : « Acheminez munitions, même de jour si camouflées. »
L'attaque allemande devait avoir lieu entre Montdidier et Compiègne.
L'attaque est déclenchée le 5 juin, le long du MATZ, un affluent de l'Oise.
L'attaque de Ludendorff est brisée le 13 juin. Les Alliés avertis avaient envoyé les renforts sur la 2ème ligne du Front.
Le Général MANGIN lance la contre-offensive dans l'Aisne. 27 000 Allemands sont faits prisonniers, 400 canons sont pris.
En juillet et août 1918, l'attaque allemande est brisée.
Ludendorff envoie sa démission au Kaiser, qui la refuse.
Ludendorff déclare le 8 août 1918 « Jour de deuil de l'armée allemande. »
L'entrée en guerre est une chose simple, logique, souvent inéluctable.
14-18 fut un engrenage d’alliances, comme à la parade, après l'attentat de Sarajevo du dimanche 28 juin 1914.
Savoir finir un conflit est un défi d'une autre nature, qui exige du courage, de l'intelligence pour surmonter les tabous.
14-18 répond à ce titre à un scénario inédit. En août 1918, le commandement militaire du Reich prend conscience que tout est perdu, mais ne veut pas assumer sa défaite.
Il transmet ses pouvoirs aux civils, à charge pour eux de demander l'armistice.
La situation intérieure à Berlin est dramatique, les comités de soldats et des ouvriers occupent les grandes villes, les généraux indiquent à Guillaume II que les troupes ne sont plus fidèles pour réprimer la révolution.
Le 9 novembre 1918, à 14h00, Guillaume II signe son Abdication comme empereur et le chancelier Max de BADE annonce l'abdication comme empereur et roi de Prusse.
Guillaume doit partir, il doit quitter Spa pour fuir les mutineries. Le 10 novembre 1918, à 4h03 du matin, il quitte Spa pour les Pays-Bas.
L'Empire des Hohenzollern a vécu.
Guillaume déclare « Das haben wir nicht gewollt. » (Je n’ai pas voulu ça) et le fait inscrire au fronton du Haut Koenigsbourg avant de fuir aux Pays-Bas.
Friedrich EBERT, chancelier en décembre 1918, salue les troupes de la Reichswehr :
« Je vous salue, soldats qui revenez invaincus du champ de bataille. »
Ainsi est née la mythologie allemande du « coup de poignard dans le dos », la Dolchstoßlegende qui amena Hitler au Pouvoir.
L'armistice est signé le 11 novembre 1918.
Gagner la Guerre est une chose.
Mais gagner la Paix est un autre défi.
La France a mobilisé 7 millions d’hommes.
Trois empires se sont écroulés.
La statue de la ville de Strasbourg, place de la Concorde, enlève son bandeau noir du Deuil.
Le 28 juin 1919, le Traité de Versailles est signé dans la Galerie des Glaces, là où Bismarck avait proclamé l'empire allemand le 18 janvier 1871.
Le Traité de Versailles, « trop dur dans ce qu’il avait de mou, trop mou dans ce qu'il avait de dur » prépare la guerre de revanche de l'Allemagne nazie.
Lors de la ratification du Traité de Versailles à l'Assemblée le 28 septembre 1919, Clémenceau déclare : « Ce Traité si complexe voudra ce que vous voudrez vous-même. Ce que vous allez voter aujourd'hui, ce n'est pas même un commencement, c'est le commencement d'un commencement. »
La Paix fut illusoire, elle commença par la naissance mort-née de la Société des Nations, la SDN, actée par le refus du Congrès des États-Unis de ratifier le Traité de Versailles.
Ce fut l'illusion de faire payer des réparations par l'Allemagne, elle aurait dû payer jusqu'en 1988...
L'Angleterre, entre les deux guerres, s'oppose systématiquement aux propositions françaises. Un seul homme est lucide sur les buts d’Adolf HITLER, Winston CHURCHILL.
14-18 se termine en réalité 26 ans après le Traité de Versailles, à Berlin, le 9 mai 1945, après la capitulation sans condition du IIIème Reich qui devait durer 1000 ans !
Il a fallu toute la détermination de l'homme du 18 juin, le Général De Gaulle, pour que le général de LATTRE de TASSIGNY signe légitimement au nom de la France la capitulation allemande.
En dépit du persiflage du général nazi KEITEL, ce n'était que justice au nom des sacrifices des Poilus de 14-18.
Mais aujourd'hui Wotan et tous les dieux de la guerre sont toujours à l'œuvre !
Nous savons que la Paix perpétuelle de KANT est illusoire, vaine.
Le genre humain sait que les conflits sont sans fin.
Si vis pacem para bellum, le vieil adage du Romain Publius Flavius VEGETIUS demeure plus que jamais la clé de voûte des relations internationales pour la PAIX.
Toute faiblesse est une faute mortelle.
Soyons lucides aujourd'hui, comme en 14-18, nous devons être responsables de notre défense.
« Jamais de confiance dans l'alliance avec un Puissant. », Phèdre.
Il y va de la pérennité de la Nation, socle intangible de notre Liberté.
Gloire à nos Poilus, tombés pour la Patrie.
Ils ont écrit l'Histoire du siècle, leur sacrifice doit vivre en nous à jamais.
Vive nos Alliés
Vive la République,
Vive la France !
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