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de Jacques MYARD
Membre Honoraire du Parlement
Maire de Maisons-Laffitte
Président du Cercle Nation et République
Président de l'Académie du Gaullisme
www.nationetrepublique.org
Le 27 Février 2023
Quelle place pour l’Humanisme dans les relations internationales?
Conférence au Sénat le 15 février 2023
Bonjour à vous tous
Merci à Gérard Dupeyrat pour avoir choisi un thème fort complexe, mais au centre du village planétaire dans lequel le genre humain avance avec souvent des interrogations, mais surtout inéluctablement.
Le Nouveau Monde est là, mais en fait il n’est pas si nouveau !
La question posée comporte deux concepts
- Les relations internationales
- L’Humanisme
La question est en apparence simple, l’Humanisme est-il compatible avec les Relations internationales ?
Totalement ou partiellement ?
Compatibilité nouvelle ou NON ?
Pour mieux cerner la question il faut déconstruire les deux concepts.
- Qu’est-ce que sont les relations internationales ?
- Qu’est-ce que c’est l’Humanisme ?
Combiner les deux, c’est partir de certitudes pour arriver à des doutes permanents.
Les relations internationales
A priori pendant des siècles, elles sont simples
- Il y a l’ordre interne encadré par les frontières
- Et au-delà les autres pays et Etats
Bref, d’un côté il y a les Indigènes et de l’autre les Métèques, comme diraient les Grecs.
Il en découlait des relations internationales interétatiques gérées par le droit international.
C’est le système westphalien (1648 Traités de Münster et d’Osnabrück) :
• Chaque pays ou État est le souverain exclusif sur son territoire
• Les États se reconnaissent comme seuls interlocuteurs légitimes et utilisent les traités comme outils mutuels entre leurs souverainetés égales.
• Les relations internationales sont de la compétence des États.
En parallèle à ces relations interétatiques il convient de rappeler deux principes corolaires
-Ultima ratio regum : la force est le dernier argument des Rois.
Les Etats se font la guerre.
-Cujus regio, ejus religio : Tel Prince, telle religion.
La religion du Prince est celle du pays.
Formule de Joachim Stephani, juriste protestant. (1544-1623)
Toutefois, les relations internationales du système westphalien ne sont pas exclusivement enfermées dans le pouvoir du Souverain-Etat.
Il y avait déjà des relations transnationales essentiellement religieuses, commerciales, culturelles.
La Mondialisation ne date pas d’hier.
Mais aujourd’hui les relations internationales ne sont plus exclusivement des relations interétatiques
On assiste à la lente mais croissante place de l’individu dans l’ordre national et international :
-Pour rappel Habeas corpus 1679
Habeas corpus ad subjiciendum et recipiendum
Ne pas être emprisonné sans jugement, vient de la Rome antique avec la provocation et surtout l’Habeas corpus Art de 1679.
-La Constitution américaine Philadelphie de 1787 déclaration des droits 1791, 1er amendement :
« Le congrès n’adoptera aucune loi relative à l’établissement d’une religion, ou à l’interdiction de son libre exercice ; ou pour limiter la liberté d’expression de la presse ou le droit des citoyens de se réunir pacifiquement ou d’adresser au Gouvernement des pétitions pour obtenir réparations des torts subis. ».
- Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen le 24-26 août 1789
« Les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit... »
Texte à portée universelle, à la différence du 1er amendement américain qui concerne les citoyens américains.
- Déclaration universelle des droits de l’Homme 10 décembre 1948 adoptée sans opposition à l’AG ONU mais abstention URSS, Pologne, Yougoslavie, Tchécoslovaquie, Biélorussie, Ukraine, Arabie Saoudite et Union Sud-Africaine.
Article 1er
« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits.
Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de Fraternité. »
Article 30
« Aucune disposition de la présente déclaration ne peut être interprétée comme impliquant pour un Etat, un groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits et libertés qui y sont énoncés. ».
- 9 décembre 1948 Prévention et répression des crimes de génocide, le terme génocide est inventé par le juriste Raphaël Lemkin néologisme de 1943, la Convention est entrée en vigueur le 12 janvier 1951 et comprend XIX articles.
Article II définit le Génocide : Meurtres de membres de groupe, atteinte grave à l’intégrité physique d’un groupe, soumission d’un groupe, entrainant sa destruction, entrave à la naissance d’un groupe, transfert forcé d’enfants
Article III
Sont punis le génocide, les tentatives et complicités
Article IV
« Les personnes ayant commis le génocide ou l’un des quelconques autres actes énumérés à l’article III seront punies qu’elles soient des gouvernants, des fonctionnaires ou des particuliers. ».
L’individu, l’Homme ou plus exactement l’être humain est pris en compte par les relations internationales, l’État perd de son libre arbitre de Souverain.
A ces textes fondamentaux il convient d’ajouter :
- La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale du 21 décembre 1965, entrée en vigueur le 4 janvier 1969.
- Les Conventions de Genève 1949
Dans la suite de la Convention du 22 août 1864 de Henri Dunant qui est bouleversé par le sort des blessés à la suite de la bataille de Solférino (1859).
-La Convention répression du crime apartheid (Res 3068 AG 30 novembre 1973).
- La Résolution du Conseil de Sécurité sur la condamnation de l’apartheid,
Résolution 418 du Conseil de sécurité du 4 novembre 1977
EMBARGO sur les armes à destination de l’Afrique du Sud.
- Les Pactes relatifs aux Droits individuels et politiques et Droits économiques sociaux et culturels, Résolution AG ONU Res 2200 A XXI 16 décembre 1966.
- Assistance humanitaire aux victimes des catastrophes naturelles et situations d’urgence du même ordre 14 décembre 1990 Res 45/100 couloirs pour acheminer les secours aux victimes.
- Res 45/101 : Nouvel ordre Humanitaire international 14 décembre 1990,
Prend acte du rapport du Secrétaire général sur la promotion d’un nouvel ordre humanitaire international. Promouvoir des solutions durables aux problèmes humanitaires. Création d’un Bureau indépendant pour les questions humanitaires.
A ce stade, je dirais les droits de l’HOMME encadrent la Souveraineté des États.
Mais il faut aussi à ce stade prendre en compte dans les Relations internationales de très nombreux acteurs nouveaux qui stipulent, façonnent les Relations internationales.
- Les organisations internationales sont plus de 250 sur 190 États.
- Les ONG en tous genres : Médecins du Monde, Amnesty International, Green Peace, elles seraient plus de 70 000.
Les ONG ont joué un rôle très important dans l’élaboration de la Convention de Rome, (Cour pénale Internationale CPI) 17 juillet 1998 en vigueur le 1er juillet 2002. Elles ont pris en main l’expression de certains États qui n’avaient pas les compétences pour s’exprimer à la Conférence.
- Les acteurs financiers :
-Les multinationales
Jadis, il y a 30 ans, la masse monétaire mondiale changeait de main tous les 24 ou 25 jours.
Aujourd’hui, l’équivalent de 15 fois le PIB mondial change de main en 24 heures.
- Montée en puissance des religions et des sectes,
ISLAM et DAECH, la scientologie secte pour nous mais pas pour les États-Unis.
- Le Crime organisé : chiffre d’affaires estimé par le FMI à 1000 milliards de Dollars en 1996 et certains l’estiment à plus de 5% du PIB mondial aujourd’hui.
Le village planétaire est devenu le village des relations transnationales, un monde immédiat, rétréci par les communications modernes qui foisonnent en tous sens, une ruche vibrionnante qui rapproche les hommes mais aussi leurs haines !!!
Mais il est vain de parler d’opinion publique de la communauté internationale : ce sont là des mot-valise.
Toutefois, les États gardent la compétence de la compétence et peuvent conclure des Accords et Traités qui régulent les relations internationales sous réserve de ratifications et de leur nombre. Enfin on peut l’espérer.
Mais un autre écueil survient, le Droit international perd de son unité, sa diversité génère des contradictions :
- La Chine n’a pas ratifié le Pacte des droits civils et politique, signé le 5 octobre 1998.
- Les États-Unis n’ont pas ratifié le Pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels.
- La France a émis des réserves, elle estime que la Charte de l’ONU prévaut sur les Pactes s’il y a une contradiction.
- Les Tribunaux d’arbitrages énoncent des décisions contradictoires sur des sujets similaires. C’est le cas de l’OMC.
- La Cour Pénale Internationale (CPI) : 123 États sur 193 États à l’ONU ont ratifié le Statut de Rome :
32 États, dont la Russie, les États-Unis, la Chine et Israël ne l’ont pas ratifié, trois États s’en sont retirés : Burundi, Afrique du Sud, Gambie.
En parallèle, invention de règles politiques non contraignantes hors le cadre du Pacta sunt servanda,
•Memorandum d’entente
•Acte Helsinki différent article 102 Charte des Nations Unies 3ème corbeille
•Entrée Royaume-Uni dans la Convention de l’AIR-BUS
Ce sont des règles politiques NON contraignantes juridiquement, mais qui fonctionnent.
L’Humanisme
- Le terme Humanisme désigne un mouvement culturel philosophique et artistique du XIVème dans l’Italie de la Renaissance.
Désigne au XVIème siècle celui qui cultive les humanités, approche médiévale de l’aristotélisme scolastique.
- Définition du Petit Robert :
« Toute doctrine ou théorie qui prend pour fin la personne humaine et son épanouissement »
« Le pur humanisme c’est-à-dire le culte de tout ce qui est de l’homme. » Renan
« Ma conviction est que la religion sera le pur Humanisme, c’est-à-dire le culte de tout ce qui est l’homme, la vie entière sacrifiée et élevée à une valeur morale. »
Renan 1823-1892 L’Avenir de la Science 1890 Pensée de 1848.
L’Humanisme est au cœur de nos sociétés républicaines, démocratiques...et occidentales...
Cette conception est-elle universelle ?
Certes on peut penser avec Theilard de Chardin que « Tout ce qui monte converge. » ce qui monte est l’Humanisme.
Mais il faut être réaliste et regarder le Monde en face : la balkanisation de la planète est la donne.
Jean-René Dupuy humaniste et internationaliste relevait
« La cité subit le quadrillage des Souverainetés. La terre n’a qu’un peuple et le Monde est peuplé d’étrangers. ».
Pourquoi ?
La conception occidentale qui se veut universelle est une conception fondée sur l’individu, sur l’être pris en tant que tel, cette conception est accusée d’être une idéologie individualiste.
Cette conception universelle des droits de l’Homme, est sinon remise en question, du moins contrecarrée par l’égalité des cultures. Égalité reconnue par le Droit International.
Toutes les cultures se valent, qui en doute est taxé d’impérialisme culturel.
Il existe en parallèle un repli identitaire et à tout le moins un relativisme culturel fondé sur des textes de droit international.
-Relativisme culturel revendiqué par exemple en s’appuyant sur le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 19 décembre 1966, dont l’article I stipule
« Tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel. »
-Relativisme culturel revendiqué par les Relations Amicales
Texte identique dans la Résolution 2625 (XXV) de l’AG du 24 octobre 1970 sur les relations amicales
« Tous les peuples ont le droit de déterminer leur statut politique en toute liberté, sans ingérence extérieure et de poursuivre leur développement économique, social et culturel. ».
-Relativisme culturel revendiqué par la Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles du 20 octobre 2005 entrée en vigueur le 18 mars 2007 s’inscrit dans cette optique de l’égalité des cultures et du relativisme culturel.
Article 6 chaque Etat doit promouvoir la diversité d’expressions culturelles sur son territoire.
-Le philosophe russe Douguine
Alexandre Douguine, philosophe russe, défend la spécificité de la civilisation russe fondée à partir du katechon, repris de l’épître de Saint-Paul aux Thessaloniciens.
Katechon : le devoir, la fonction appropriée.
La Démocratie libérale n’est pas une valeur absolue et universelle applicable à tous les hommes.
-L’ISLAM est le parangon de cette vision des droits qui rejette la vision universelle,
« La communauté islamique est la meilleure communauté que Dieu ait créée.
L’ISLAM est la religion naturelle de l’Homme, l’individu est soumis à la vérité de l’ISLAM, il n’a pas de liberté de croyance. »
Déclaration des Droits de l’Homme en ISLAM, conférence islamique au Caire le 5 août 1990.
- Warren Christopher (1925-2011) Secrétaire d’État de Clinton entre 1993/97
Dénonçait le relativisme culturel d’une coalition des pays musulmans et confucéens qui rejettent l’universalisme occidental. Cité par Samuel Huntington dans Le choc des civilisations.
On est au cœur de notre sujet.
Les droits de l’Homme, de l’être seront-ils mis en échec par cette conception qui affirme l’identité culturelle des États et des Hommes en opposition à une vision universelle des Droits de l’Homme ?
La plupart des experts Onusiens affirment qu’il ne peut pas y avoir de dérogation à certains articles.
-Convention européenne
Ex de l’article 15-2 de la Convention européenne des Droits de l’Homme sur la peine capitale.
-Les Conventions de Genève
Ex de l’article 3 Genève, pas d’exécution des prisonniers qui ont déposé les armes.
La protection des instruments des Droits de l’Homme serait-elle pour autant assurée ?
La réponse est NON !
Il convient de tirer les conclusions de la déconstruction des éléments de la question posée :
Humanisme et relations internationales se conjuguent de manière de plus en plus intime dans les démocraties occidentales.
En revanche, la conception universelle des droits de l’humain est tenue en échec dans tous les pays qui prétendent avoir une culture propre, spécifique.
Je voudrais citer deux auteurs :
-André Malraux, plein d’espoir :
« On ne fait pas de politique avec de la morale, mais on n’en fait pas davantage SANS. »
-Et Max Gallo, pessimiste frappé au coin du bon sens du réalisme :
« Les droits de l’Homme, on est tous pour, mais ce n’est pas une explication du monde. ».
L’équilibre et la prospérité de l’Humanisme, c’est-à-dire des droits de l’Homme est un équilibre entre les deux.
EPILOGUE
Faut-il désespérer pour autant ?
Le combat est d’abord un combat d’idées et donc culturel.
Le genre humain progresse lentement et souvent il recule, pour repartir.
Je me suis reporté à la lecture de la Paix perpétuelle d’Emmanuel Kant, rédigée à partir d’un croquis dans une auberge hollandaise représentant un cimetière.
Les articles rédigés par Kant dès les articles préliminaires sont frappés au coin du bon sens :
« Aucun Traité de Paix ne doit valoir comme tel, si on l’a conclu en se réservant tacitement matière à une guerre future. »
Chacun peut méditer cet axiome de vérité.
Il en va de même pour les Conventions et textes internationaux qui promeuvent l’Humanisme, c’est-à-dire les droits de l’Homme, ils doivent être rédigés sans ambiguïté : Vaste Programme.
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