Le 26 mai 1942 : la Bataille de Bir Hakeim
Non, la France n’a pas été totalement vaincue en 1940. Deux ans plus tard, elle rappelait au monde qu’elle n’avait jamais cessé le combat. Au sud de Tobrouk, en Libye, entre le 26 mai et le 11 juin 1942, une brigade des Forces françaises libres, constituée de 3 723 soldats, résista contre 37 000 adversaires allemands et italiens.
En cette année 1942, l’Axe rôdait en Afrique du Nord. Son objectif était d’atteindre le canal de Suez, point vital du ravitaillement des forces anglaises. Au mois de mai, Erwin Rommel, à la tête de l’Afrika Korps, lança son offensive.
Rien ne séparait l’Afrika Korps de son objectif… hormis la 1ère brigade française. 3 723 soldats, dont les deux tiers étaient issus des colonies françaises, commandés par le général Marie-Pierre Koenig. Ces maigres forces osaient faire obstacle à un adversaire dix fois supérieur en nombre.
L’objectif des Français était de ralentir l’ennemi, afin de couvrir la retraite de leurs alliés britanniques. Il fallait gagner suffisamment de temps pour permettre aux Anglais de se rassembler et de contre-attaquer sur la position d’El-Alamein.
La mission semblait impossible ; à un contre dix, les Français devaient bloquer les percées de deux armées motorisées en plein désert.
Mais… impossible n’est pas français. Relevant le défi, Koenig choisit de fixer sa brigade à Bir Hakeim. Cet endroit tenait plus d’une ferme que d’un village ; Bir Hakeim était constitué d’un ancien poste et de quelques citernes. À découvert, sur un terrain plat, le lieu présentait de multiples inconvénients. Les Français transformèrent ce hameau en gueule du loup.
Les légionnaires dissimulèrent de nombreuses mines, creusèrent des tranchées et construisirent un véritable camp fortifié autour de Bir Hakeim.
Quand le 26 mai 1942, Rommel attaqua le village, il s’attendait surtout à rencontrer des blindés britanniques. Ceux-ci, mis en déroute, laissèrent les Français seuls face à l’Afrika Korps. Le lendemain, dès le matin, les Allemands et les Italiens lancèrent l’assaut sur Bir Hakeim. Ils sont repoussés par l’artillerie française. Les chars de l’Axe tentent de traverser le marais de mines, mais ils sont détruits.
Les jours suivants, Bir Hakeim se transforme en enfer : les blindés ennemis brûlent sous les bombardements de la Royal Air Force, tandis que les Français doivent se déplacer continuellement sur tous les flancs pour repousser des vagues massives.
Au bout de la première semaine, l’Afrika Korps décide de miser sur la patience : le siège du village commence. Rommell s’impatiente très vite : le Renard du désert sait que le temps gagné par les Français à Bir Hakeim est mis à disposition par les Britanniques qui se massent au nord.
Des renforts italiens arrivent pour le 2 juin. Désormais, Bir Hakeim est coupé du monde extérieur. Les Français ne peuvent plus être appuyés par l’aviation britannique. L’Axe réclame la reddition de la brigade française. Koenig refuse. Pendant une semaine, 40 000 obus sont tirés sur les Français. Ceux-ci ne rompent pas. L’aviation allemande et italienne rase le camp fortifié mais les Français ne cèdent pas.
Le 3 juin, Rommel envoie encore un ultimatum. Pour toute réponse, les Français tirent au canon sur les camions allemands. Les deux journées suivantes voient les Italiens et les Allemands repoussés à nouveau. Le Renard du désert est stupéfait et admiratif : « j’ai rarement vu combat plus acharné».
Le 6 juin, les Français se battent à nouveau comme des lions. Les Allemands déploient toutes leurs forces ; ils font une brèche dans le fort. Les défenseurs doivent alterner entre les tranchées et les bunkers pour riposter contre chaque nouvelle percée.
La soif, la faim, la chaleur se font ressentir. Mais les Français refusent toujours de perdre Bir Hakeim. Le 8 juin, chaque attaquant est accueilli par un tir nourri. La Luftwaffe bombarde la position mais rien ne change. Il semble au contraire que chaque tentative ennemie ne fait qu’augmenter la férocité des défenseurs. À titre d’exemple, un légionnaire à la main arrachée, plutôt que de se faire soigner, resta au poste, s’aidant de son moignon pour tirer au canon.
Le 10 juin, Koenig s’adresse à ses hommes. Voilà deux semaines entières, jours et nuits compris que l’Afrika Korps est tenue en échec. Les Britanniques ont eu le temps de se regrouper et d’organiser un assaut massif contre El-Alamein. Il faut maintenant se retirer ; l’objectif a été atteint.
Pressentant que les Français sont sur le point d’évacuer, Rommel ordonne une nouvelle offensive le 11 juin. Ce fut l’épisode le plus violent de la bataille. Une partie de la brigade doit contenir les assaillants pendant que le reste extraie les blessés hors de Bir Hakeim. La place fortifiée n’est plus qu’un tas de ruines fumantes où continue de flotter le drapeau de la France.
En pleine nuit, les défenseurs restants échappent au Renard du désert. Ce dernier se réveilla le matin et vit, surpris, que la place était déserte. Pendant une ruée intense où ils devaient échapper aux poursuivants allemands, les Français parvinrent à rejoindre les colonnes britanniques. Quelques malchanceux furent capturés par l’Axe. Ils furent traités honorablement, Rommel refusant de les exécuter et ordonnant même de leur fournir des rations.
Lorsque la nouvelle de l’exploit de Bir Hakeim parcourut le monde, alliés et ennemis furent totalement impressionnés.
Le maréchal britannique Auchinleck déclara « les nations unies se doivent d’être remplies d'admiration et de reconnaissance, à l'égard de ces troupes françaises et de leur vaillant général Kœnig ».
De Gaulle écrivit au chef de la brigade victorieuse : « Sachez et dites à vos troupes que toute la France vous regarde et que vous êtes son orgueil ».
Hitler vit dans Bir Hakeim la preuve que 1940 n’avait pas suffit à éteindre l’éclat français : « les Français sont, après nous, les meilleurs soldats de l’Europe ».
Bir Hakeim représenta un véritable tournant dans le conflit ; l’offensive allemande fut retardée de quinze jours, permettant aux Britanniques de lancer une contre-attaque majeure. L’Afrika Korps subit alors une série de défaites et de repli, traqué par les forces britanniques et françaises.
Les commentaires récents