De passage à Pau, Jean de France, héritier des rois de France, a donné une conférence à l’Ecole de Commerce durant laquelle il a comparé le management d’une entreprise et la vision capétienne du pouvoir, résumé par ses « 8 piliers ». Un thème original, qui permet de juger de la gouvernance des sociétés à la lumière de l’enseignement de l’histoire, mais aussi de donner des repères à un pays qui semble en manquer terriblement aujourd’hui. Fort d’une expérience dans la Banque et le conseil, créateur de 2 entreprises , sa réflexion actuelle porte sur la comparaison entre ce qui a fait la force et la pérennité de la dynastie capétienne et les valeurs qui permettent aujourd’hui d’avoir une bonne gouvernance d’entreprise.
Tout comme une société se constitue avec l’apport de ses actionnaires, et se doit de leur rendre un service sur la durée, la famille capétienne, choisie il y a plus de mille ans par les grands féodaux, avait pour mission d’assurer la sécurité du territoire. D’où son enseigne, résumée avec humour par héritier : « Maison Capet, de père en fils depuis 987, entreprise de BTP Français - bâtiments, fondations, réhabilitations »
Quels sont les « 8 piliers » sur lesquels s’est basée la Maison Capet ?
1) Service rendu
Le souverain est au service de ses collaborateurs (« le roi en ses conseils »), et de ses sujets « le peuple en son royaume ». De même, le chef d’entreprise est au service de ses collaborateurs, afin que la satisfaction des clients soit maximale. Le client est aujourd’hui au cœur du service rendu
2) Durée et Continuité
Hugues Capet s’est préoccupé du passé, en reprenant l’héritage carolingien (la dynastie précédente), et en inscrivant l’action de sa famille dans l’avenir, en faisant sacrer son fils Robert. Son idée force est celle de toutes les sociétés de nos jours : transmettre un patrimoine accru. Pour cela, le capital n’est jamais consommé (= le territoire est inaliénable), seule une partie de ses revenus (celle qui ne sert pas à le valoriser) est consommée. Le roi est plus dépositaire que propriétaire, ainsi que tout chef d’entreprise devrait le faire (exemple du capitalisme familial). L’action s’inscrit alors dans le « temps long », au contraire des mandats électifs, dont les détenteurs sont plus préoccupés du court terme et de la réélection.
3) Principes fondamentaux
Ils s’expriment dans une règle simple, avec la monarchie, ce qui rend inutile, selon Jean de France, le recours à une réglementation tatillonne. Ce qui fait la force des groupes qu’il cite (Miele, Mars, Michelin) c’est une culture d’entreprise forte, basée sur la mobilité des biens et des hommes dans de respects de valeurs affichées.
4) Sens de la mesure
De par son histoire, la France s’est toujours construite contre la tentation hégémonique impériale, en cherchant à respecter les équilibres internationaux ; son action a souvent consisté à protéger les petits et les faibles contre les grands. Chaque écart à cette règle a été un échec pour le pays (guerres d’Italie, campagnes allemandes de Louis XIV). Ainsi, l’entreprise doit garder sa propre mesure, en maîtrisant ses paramètres (on dépense moins d’énergie à garder ses clients qu’à en rechercher d’autres - il faut toujours travailler ses points forts). Voir le contraste de cette politique avec le coût humain des OPA...
5) Indépendance
Un des fondements du pouvoir capétien est l’indépendance par rapport au poids de l’argent (à l’inverse de l’élection, achetée avec des campagnes financées par les puissances financières) ; voir aussi le sort de Fouquet (qui se sert), opposé à celui de Colbert (qui sert). Pour l’entreprise, il est vital d’être autonome vis-à-vis des fournisseurs, des banques, et du pouvoir interne (commerciaux, syndicats)
6) Fidélité
La notion de service rendu débouche sur la fidélité (le roi et ses sujets, le suzerain et ses vassaux). En fidélisant clients, fournisseurs, actionnaires, personnel, l’entreprise doit apporter le maximum de sécurité. Tout ceci est à l’opposé d’une mentalité courante d’aujourd’hui consistant à baser toutes les relations sur des rapports de force.
7) Bien commun
La priorité de l’intérêt général fait que « le roi n’est pas prince pour lui-même mais pour les peuples qu’il est appelé à diriger », selon Bossuet ; le pire ennemi, c’est de ne voir que « le roi et ses victoires ». Comme le bon souverain doit garantir la chose publique, en opposition constante aux intérêts particuliers, le chef d’entreprise doit faire en sorte que chacun travaille pour faire progresser la collectivité, en étant au service des autres. La nécessité de construire et d’avancer ensemble ne peut se concevoir que si chacun est respecté dans ses compétences. L’unité de l’entreprise doit bannir les positions conflictuelles à priori (comme certains syndicats)
8) Justice pour tous
Il n’y a pas d’autorité sans justice, ne de justice sans amour du peuple ; c’est un point délicat, car en cette période d’individualisme croissant, quand chacun se construit sa propre échelle de valeurs sans notion d’intérêt commun, il n’y a plus de justice...
Article: http://www.la-couronne.org/
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