Message d'Henri Guaino
Chers adhérents de Notre France,
Au vu de la tournure que prenait cette campagne présidentielle, et du constat de l'impossibilité d'en infléchir le cours, j'ai pris il y a plusieurs mois la décision de ne pas m'y impliquer auprès de l'un ou l'autre des candidats et en faveur de l'un ou l'autre des programmes. N'ayant de toute ma vie jamais donné de consigne de vote - et à quel titre le ferais-je ? - je garde pour moi, pour ce second tour, comme pour le premier, le choix qui sera le mien dans l'isoloir. Les excès en tous genres qui caractérisent cette fin de campagne me confortent dans mon choix initial. Au milieu de cette hystérie, je ne dirai donc pas pour qui je voterai. Mais il y a des limites à mon silence face à certains arguments injustifiables, pour ne pas dire inqualifiables et, à mes yeux insupportables quel que soit le candidat pour lequel ou contre lequel on fait campagne.
Parmi ces arguments, deux sont, à mes yeux, les plus irrecevables et les plus dangereux pour l'avenir du débat démocratique.
- Le premier concerne l'utilisation du référendum pour modifier la Constitution. On peut légitimement être violemment opposé au contenu d'un projet de loi soumis à référendum. Mais proclamer que l'utilisation de l'article 11 de la Constitution par le Président de la République serait un coup d'État constitutionnel est proprement hallucinant. C'est le retour de la horde des politiciens, des éditorialistes, des charlatans du droit constitutionnel qui en 1962, aveuglés par leur haine de De Gaulle et de la Ve République, hurlaient à la forfaiture quand ce dernier décida d'utiliser cette procédure pour soumettre au peuple français la réforme instaurant l'élection du Président de la République au suffrage universel. La question de l'interprétation de la Constitution sur ce point, telle qu'elle est rédigée, a été définitivement tranchée par le peuple il y a soixante ans. Le véritable coup d'État constitutionnel et la forfaiture seraient de le contester. La fin ne justifie pas tous les moyens, et que des politiciens qui se sont toute leur vie réclamée du gaullisme usent de cet argument dans le débat électoral les déshonore, même si la cause qu'ils prétendent défendre dans cet entre-deux tours a toute sa légitimité.
Je termine par une remarque qui mériterait un plus long développement : la rédaction de l'article 11 telle qu'elle résulte de l'œuvre des constituants de 1958 et des réformes de 1995 et 2008 ne prévoie explicitement le contrôle du Conseil constitutionnel sur le texte soumis à référendum que pour le référendum d'initiative partagée et en aucun cas sur un référendum d'initiative présidentielle. Le Conseil constitutionnel, qui n'est pas chargé de réécrire la Constitution à sa guise, n'a donc rien à dire sur le fond d'un texte que le Président de la République déciderait de soumettre au peuple, même si le Conseil s'est arrogé le droit de vérifier la régularité du décret qui organise la consultation électorale. En élargissant son contrôle en contradiction avec la lettre de la Constitution, il violerait ouvertement cette dernière, ouvrant la voie au chaos institutionnel et à un gouvernement des juges qui progresse déjà de façon inquiétante. Mais c'est un autre débat.
Ce débat sur l'article 11 qui a l'air technique et rébarbatif est en réalité profondément politique, et la manière dont il est ouvert et manipulé par certains conduit à une dangereuse remise en cause de l'équilibre des pouvoirs dans notre République. C'est la raison pour laquelle il ne doit surtout pas être asservi à des considérations politiciennes et électoralistes.
- Le deuxième argument que je trouve irrecevable et lui aussi délétère dans cette campagne, est relatif à l'affirmation selon laquelle la réaffirmation de la supériorité du droit national sur le droit communautaire équivaudrait à une sortie déguisée de l'Union européenne. Il est délétère parce que c'est un mensonge qui interdit tout débat sérieux sur un sujet qui est au cœur de la grave crise démocratique que nous traversons.
Cette question qui elle aussi peut paraître trop technique et rébarbative ayant fait irruption au cœur du débat électoral, vous trouverez ci-joint le texte de l'entretien que j'avais accordé sur ce sujet au Figaro en octobre dernier et que Notre France vous avait alors adressé. Sujet auquel, à l'époque, beaucoup d'entre vous n'avaient peut-être pas prêté beaucoup d'attention, mais dont l'importance se mesure à l'hystérie qu'il déclenche aujourd'hui chez ceux qui, comme pour tout le reste d'ailleurs, veulent faire l'Europe fédérale dans le dos des peuples.
Henri Guaino
Président d'honneur de Notre France
Les commentaires récents