Rugby: Pro D2 : Boudjellal a réussi son pari!
En dominant assez nettement (31-17) son grand rival, le Racing Métro, dimanche à Mayol, Toulon a assuré son retour parmi l'élite du rugby français, en même temps que le titre de champion de Pro D2. Mourad Boudjellal, le fantasque président du RCT, a donc réussi son coup et relancé son club, comme promis. Emu et soulagé, il veut maintenant préparer la saison prochaine, où il promet encore un recrutement de haut niveau. Entretien avec un homme heureux.
« Mourad Boudjellal, à la fin de la rencontre, on vous a senti à la fois ému et soulagé. Quel est le sentiment qui prédomine aujourd'hui, 24 heures après avoir assuré la montée dans l'élite ?
C'est d'abord un sentiment de responsabilité. Il y a trois ans, Toulon avait effectué un retour exemplaire dans l'élite, mais dans le mauvais sens du terme (re-descente immédiate, après une saison catastrophique et trois petites victoires, ndlr). Depuis que j'ai repris l'équipe il y a deux ans, je l'ai fait avec la responsabilité de ramener ce club dans l'élite, à la place qu'il mérite. Je suis évidemment heureux, fier, ému et soulagé, mais avec le recul, ce qui compte le plus, c'est cette responsabilité que je m'étais fixée. En plus, on a assuré notre maintien au terme d'un match incroyable, sans doute le meilleur de la saison.
Après un début de saison canon, le RCT a connu un passage difficile en février-mars, avec trois défaites. Avez-vous douté quant à cet objectif de montée directe ?
Forcément, on a douté, ce fut très difficile, on a beaucoup souffert dans ce championnat très compliqué, et quand j'ai vu le Racing revenir, mais aussi Agen , j'ai franchement eu peur. On a réussi à s'accrocher et à faire appel à des valeurs de courage et de solidarité pour revenir et s'en sortir. Je suis fier de mes joueurs, bravo à eux. Mais j'ai encore du mal à réaliser.
Cette montée est-elle une revanche par rapport à tous vos détracteurs, qui critiquaient votre rectutement tapageur, votre communication parfois sèche... ?
Je n'ai pas de revanche à prendre, franchement ça ne m'intéresse pas, je laisse ça aux aigris et aux jaloux. Moi, je ne me consacre qu'à mon club et depuis deux ans j'ai beaucoup donné. Mais j'avoue que je n'ai pas compris ce qui s'est passé avec Toulon. Je prends l'exemple du match à Pau, qui est véritable guet-apens, j'ai vu des choses incroyables. Je revois le préparateur physique de l'équipe, à la mi-temps, dire devant moi à ses joueurs : on a vingt minutes pour leur casser la tête. C'est hallucinant, et ça m'a choqué. Mais nous avons répondu sur le terrain. Beaucoup de gens disaient qu'on n'avait pas de valeurs, ils pensaient qu'après les matches dans les vestiaires, on se rhabillait et on se serrait la main en se disant, à la prochaine. Je crois qu'on avait les mêmes valeurs que les autres mais on a un peu de pudeur. On a pas envie de les exposer devant tout le monde. Et nous avons aussi une âme, on l'a encore démontré dimanche.
Quels seront vos objectifs dans le Top 14 ?
Pour la première saison, l'objectif est d'apprendre. Moi je débarque dans un championnat que je ne connais pas du tout. Il m'a fallu deux ans pour monter, il faut y aller tranquillement. Et vu le niveau qu'il va y avoir l'an prochain, ça va être dur. Imaginons que le Métro-Racing monte aussi, ce que je pense, avec les effectifs de Bayonne, Montpellier, Bourgoin, Castres, Montauban, toutes les équipes jouent l'Europe l'an prochain, il n'y a plus de petits. Ça va être un Top 14 de très très haut niveau, donc on va faire au mieux pour pouvoir figurer face à ces équipes. On n'a presque pas de chance : on arrive dans le Top 14 alors qu'il n'a quasiment jamais été aussi fort !
Vous allez devoir vous renforcer et beaucoup de noms circulent pour votre recrutement. Qu'en est-il exactement ?
Maintenant que je sais qu'on va jouer en Top 14, je vais m'occuper du recrutement, et je veux avancer assez vite. Je ne donnerai pas de noms pour l'instant, mais on va se réunir avec Tana Umaga, avec le staff pour déterminer les priorités. On sait qu'on veut recruter environ 14 joueurs et conserver une grosse partie de l'effectif utilisé depuis 5-6 matches. Et on va se séparer de 14 éléments. Mais le recrutement sera de très haut niveau bien sûr, parce que, dans le Top 14, il faut deux équipes compétitives.
On a beaucoup parlé de la venue possible de Dan Carter. Va-t-il effectivement poser ses valises sur la Rade ?
Je ne peux ni confirmer, ni infirmer, il n'y a rien de neuf. Ça fait partie des dossiers sur lesquels je vais travailler cette semaine. Et j'espère avancer assez vite.
Avec une équipe de ce niveau et le public de Mayol, vous allez être très attendus. Avez-vous conscience de cette attente que vous suscitez ?
Non, on ne sera plus l'équipe vedette du Top 14. On ne sera plus l'équipe à battre non plus. Et quand on vise le maintien, comme nous, la défaite a moins d'importance que quand on vise la montée, donc il y aura moins de pression. Pour monter, il faut laisser quinze équipes derrière, pour se maintenir, il faut en laisser deux.
A terme, le but est d'installer le RCT durablement dans l'élite. Quels sont vos modèles. L'école toulousaine avec sa tradition et sa formation, ou bien le style parisien, avec un gros pouvoir médiatique et une constellation de joueurs venus de partout ?
Un peu des deux, puisqu'on la chance d'avoir la qualité du centre de formation de Toulouse, mais on a aussi le côté show-bizz, vedette du Stade Français. Toulon est le club le plus complet finalement. On a tous les avantages. Par exemple, il y aura deux matches au Vélodrome la saison prochaine, un contre le Stade Français, l'autre contre le champion de France. J'ai l'accord de la ville. On va compter sur tout le Sud-Est de la France, parce que quand j'entends dire que Bourgoin est le représentant du Sud-Est.... La géographie du rugby va gagner une région importante. »
Propos recueillis par Aymeric MARCHAL de L'Equipe
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