Le 13 janvier 1943, beau discours du Général de Gaulle à la radio de Londres, il rappelle le sens et la vision de la France combattante :
« Sur le front français de la Libye du Sud, les troupes françaises du Tchad, appuyées par l’aviation française, viennent, en un mois de campagne, sur un terrain et sous un climat qui sont les plus durs du globe, d’achever pour la France la conquête du Fezzan italien. Ainsi, parties du centre de l’Afrique, ces troupes se trouvent-elles en mesure de participer aux chocs décisifs şur les rivages de la Méditerranée.
La France est et demeurera assez riche de gloire pour qu’en évoquant ces événements, nous nous gardions des dithyrambes. Pour exprimer ce que fut, militairement parlant, l’épopée du Général Leclerc et de ses compagnons, nous dirons simplement qu’elle constitue un exploit qui ne le cède en rien aux plus beaux de notre grande Histoire.
Mais, peut-être, l’effort de ces bons soldats a-t-il quelque peu consolé la misère de la France. Oui, les longues et dures épreuves d’une rigoureuse préparation sous le ciel équatorial, les mortelles fatigues des colonnes lancées dans des déserts de pierre ou de sable à 1 000 kilomètres des bases, les vols épuisants des escadrilles, les combats sanglants menés contre les postes fortifiés, les troupes de manœuvre et les avions de l’ennemi, tous les hommes purs et forts qui en ont porté le poids, depuis leur jeune et glorieux Général jusqu’au plus obscur soldat, en ont fait un humble don, offert de toute leur ferveur à la douleur et à la fierté de la France.
Avec la victoire de nos troupes du Tchad, l’ennemi a vu s’élever, une fois de plus, cette flamme de la guerre française, qu’il avait cru éteinte dans le désastre et la trahison, mais qui, pas un seul jour, ne cessa de brûler et de grandir sous le souffle de ceux qui ne désespéraient pas. C’est la même flamme, animée par le même souffle, qui a, peu à peu, embrasé des millions et des millions de Français et de Françaises, inspirés désormais par une seule ardeur, un seul dégoût, une seule fureur. C’est la même flamme, animée par le même souffle, qui, maintenant, porte au même combat nos braves troupes en Tunisie. C’est la même flamme, animée par le même souffle, qui s’élèvera quelque jour de toute la terre de France, en même temps que de tout le sol de l’Europe crucifiée, pour y consommer la vengeance nationale et le triomphe de la patrie.
Le morceau du monde, qui mène à nos côtés avec tant de courage et au prix de tant de sacrifices la grande guerre de libération, sans n’avoir connu, cependant, ni l’invasion, ni l’oppression, ni la misère, ni la faim, peut voir dans la victoire de nos troupes du Tchad un des signes avant-coureurs de cette France nouvelle, de cette France dure et fière qui se bâtit dans l’épreuve. Ce morceau du monde peut apercevoir l’abîme qui se creuse entre la nation transformée et la vieille façade convenue des chamarrures et des panaches.
Ce morceau du monde peut comprendre qu’il serait absurde de chercher le cœur et l’âme de la France sous le système des croulantes hiérarchies et des sordides combinaisons. Ce morceau du monde peut sentir que la stricte justice et la simple sagesse commandent que soit ménagé l’honneur du grand peuple que nous sommes.
Mais les masses humaines qui luttent d’un bout à l’autre de la terre ont reconnu dans les soldats français du Tchad une partie de leur immense et fraternelle armée, dans le succès de ses soldats une modeste étape vers la victoire commune, dans l’idéal de ces soldats un reflet de l’idéal qui rassemble aujourd’hui tous les hommes de bonne volonté. Car, si les Français n’ont à livrer qu’un seul combat pour une seule patrie, ainsi les Nations Unies ne doivent faire qu’une seule guerre pour une seule cause. »
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