Trop de raison tue la raison
"Cela fait maintenant quatre décennies au moins que la raison universelle sert à justifier tout et n’importe quoi. À toute contestation l’idéologie dominante, dont les adeptes sont regroupés dans le « cercle de la raison », oppose invariablement l’argument de la rationalité.
C’est au nom de la raison universelle que chacun doit se prosterner devant les nouvelles religions de l’Humanité et souffrir en silence. On rationalise à tout de bras. Tout y passe : les institutions, l’école, l’économie, le droit, la culture, les services publics... Pas une réforme qui ne soit présentée comme une rationalisation.
Mais d’où vient alors ce sentiment de désordre croissant et d’incompréhension qui saisit tous ceux qui sont censés être les bénéficiaires de cette rationalisation tous azimuts, sinon peut-être du fait que celle-ci n’a rien de rationnel et que lorsqu’elle n’est pas le paravent de quelques intérêts particuliers, elle est celui d’une vision du monde dans laquelle l’être humain ne compte pas, n’a pas de sentiments, d’attachements, d’aspirations ?
Avec l’être humain, ce qui commande tout c’est la psychologie, la perception que chacun a de sa vie, de ses succès, de ses souffrances, le sens qu’il leur donne. Il n’est pas du tout rationnel de la piétiner car cela se paie toujours d’une façon ou d’une autre.
Il n’est pas rationnel de faire de la concurrence la solution à tous les problèmes de l’économie.
Il n’est pas rationnel de faire de la compétition la valeur suprême de la société parce que beaucoup de gens n’ont ni le caractère, ni la force de l’affronter et qu’en exigeant d’eux ce dont ils ne se sentent pas capables on ne fait que les faire souffrir jusqu’à ce que cette souffrance rentrée se mue en violence.
Il n’est pas rationnel de vouloir que tout le monde soit pareil ni de vider les campagnes et de faire déborder les métropoles, ni de privatiser les rentes de monopole comme celles des autoroutes ou du transport d’électricité, ni de mettre la SNCF en concurrence."
Henri Guaino, dans son ouvrage Ils veulent tuer l'Occident.
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