Oui, la France est en guerre. Une guerre contre un terrorisme totalitaire, aveugle, terriblement meurtrier. On le savait depuis les attentats contre Charlie Hebdo et l’HyperCacher, à Paris. Mais aujourd’hui, avec ces actes isolés, émanant de personnes « perturbées », cette guerre a pris une nouvelle tournure. Car ces individus qui n’hésitent plus à tuer des personnes innocentes - des femmes, des hommes, des enfants mais aujourd’hui aussi, des religieux - veulent plonger la France dans la panique et l’effroi. Ces individus dont les actes sont imprévisibles veulent tout simplement NOUS briser.
Pourtant ces meurtriers de la pire espèce, c’est aussi nous qui les fabriquons un peu chaque jour, à coup de surinformation ! Si l’information, symbole de liberté, de pluralité et d’immédiateté, constitue la clef de voûte de notre démocratie, elle se retourne aujourd’hui contre nous. En cause : l’utilisation que l’on en fait. Dès les premiers instants de l’attentat et durant les jours suivants, que ce soient nos réseaux sociaux, nos chaînes de télévision ou bien notre presse écrite : tous offrent en effet à ces actes barbares une couverture, et avec elle, une résonnance médiatique, inégalée qui devient une arme dévastatrice se retournant contre nous.
Car de cet écho incessant donné à ces actes inhumains, l’ennemi tire en réalité un double avantage : nous terroriser pour affaiblir nos défenses, mais aussi susciter - à mesure qu’il crée de nouveaux records dans l’horreur - de nouveaux passages à l’acte. Les attentats de Saint-Etienne de Rouvray, de Nice ou encore de Munich nous rappellent, avec une acuité particulière, à quel point la folie meurtrière peut se répandre comme une traînée de poudre. Daesh le sait bien, lui qui se sert de notre propre force pour instiller en nous, insidieusement mais sûrement, le doute, celui-là même qui nous paralysera, - si on n’y prend garde -, nous empêchant peu à peu de vaquer à nos occupations quotidiennes par peur d’être les prochaines cibles de ces tueurs démoniaques.
Alors, que faire face à cette spirale infernale ?
Les journalistes sont sans nul doute un rouage fondamental de notre démocratie. Cependant, la sobriété et la modération doivent plus que jamais conserver toute leur place dans le traitement qu’ils font des faits et dans la fonction qu’ils leur donnent. Il leur appartient en effet, en ces temps de guerre, de ne pas excéder ce qui est strictement nécessaire pour savoir et comprendre. Car la divulgation de divers détails, qu’il s’agisse de l’état civil du terroriste ou encore des images de l’attentat passant en boucle sur les chaînes d’info en continu par exemple, peut s’avérer contreproductive, dés lors qu’elle a pour effet de rehausser le niveau de la psychose collective et de donner des idées à d’autres désaxés.
Chaque fois que nous glissons de l’informatif au sensationnalisme, nous concédons en réalité une victoire symbolique à l’ennemi. C’est pourquoi nous devons, toutes et tous, mettre en œuvre cette stratégie de la sobriété et de la modération informationnelle, non pour détourner les yeux de l’horreur, mais bien pour tarir les motifs de satisfaction d’un ennemi qui vit, jouit et se multiplie de nous voir frémir.
Femmes et hommes debout : Cette folie qui fait de notre force une véritable faiblesse n’appelle en définitive qu’une seule réponse. Contre la panique, la dignité. Contre les semeurs de mort, la fermeté. Contre l’affolement, la lucidité. Contre l’effroi, le « sang-froid ». Un « sang-froid » qui préservera l’information sans la déformer…
Christian DEMUYNCK
Maire de Neuilly-Plaisance
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